MINE » narry

nineteenth

Assit sur une chaise, la tête posée sur le ventre de Niall et le dos courbé en deux, Harry émergeait d'un sommeil agité. La pâleur du jour s'était infiltrée sous ses paupières depuis un petit moment déjà mais il n'avait pas trouvé le courage d'ouvrir les yeux, nullement pressé de retrouver cette réalité cruelle. Cela faisait trois mois que Niall était plongé dans le coma et cela faisait également trois mois qu'Harry ne rentrait plus chez lui. Il ne quittait la chambre d'hôpital que pour aller travailler.

Son estomac gronda furieusement et il se redressa avec difficulté. Il sentit son dos craquer et il s'étira comme un chat tout en ravalant un bâillement. Harry massa son ventre vide. Désormais habitué aux plats instantanés et peu nourrissants, il ne se rappelait plus de la saveur de la bonne nourriture. D'un revers de manche, il essuya le léger filet de salive pendouillant sous son menton avant de se lever.

Les jambes flageolantes, il tituba dangereusement avant de retrouver l'équilibre. Il déposa un doux baiser sur le front de Niall tout en marmonnant un « bonjour » à peine inaudible. Il se tourna vers la fenêtre. Le soleil irradiait dans la pièce, éclaboussant les draps blancs qui recouvraient le corps de Niall. Harry se frotta les yeux et se dirigea dans la petite salle de bains.

Le miroir fixé au mur lui renvoya une image qu'il ne voulait pas voir. Des cernes noirâtres rongeaient ses joues comme une coulée de mascara tandis qu'une barbe de deux jours tapissait son visage blême et tiré par la fatigue. Il bailla à s'en décrocher la mâchoire et s'aspergea d'eau froide. La fraîcheur de l'eau le fit frissonner et ses yeux s'ouvrirent en grand, parfaitement réveillés. De l'autre côté de la porte, il entendit des bruits de pas et en conclut qu'il s'agissait de l'infirmière. Cette dernière venait changer la perfusion et vérifier si tout allait bien. Harry ébouriffa ses cheveux en essayant de leur donner une allure convenable. Il attendit patiemment que l'infirmière s'en aille pour resurgir dans la pièce.

Niall dormait toujours. C'était une matinée semblable aux autres où la lassitude prenait le pas sur l'espérance. Les nombreux bouquets de fleurs égayant la chambre n'atténuaient pas l'enjeu dramatique qui s'y jouait quotidiennement. La veille, Harry avait apporté un bouquet de tulipes tandis que Chloë était venue avec un assortiment de plusieurs sortes et de couleurs différentes. Le parfum des fleurs flottait dans l'air, se mélangeait à l'odeur irritante des médicaments et du désinfectant. Les tons chauds et joyeux de leurs pétales donnaient un peu de vie à cette chambre terne.

Prit d'un vertige, Harry se rattrapa au mur. Sa vision se brouilla durant quelques secondes et il se dit qu'il devait vraiment dormir. À bout de forces, son corps ne supportait plus toute la pression psychologique qu'engendrait l'état de Niall. D'un pas traînant, Harry quitta la chambre et traversa le long couloir, saluant quelques infirmières et deux patients désobéissants. Il fouina dans la poche de son pantalon et fut heureux d'y trouver de quoi se payer un café. Il inséra la monnaie dans le distributeur et attendit que le gobelet soit plein pour tremper ses lèvres dans le liquide fumant. Toujours de ce même pas languissant, il regagna la chambre de Niall, tel un zombie. Il referma la porte derrière lui et se dirigea vers la fenêtre.

Pensif, il regardait la ville qui s'étendait à ses pieds. La veille, il avait informé Jay qu'il serait absent aujourd'hui. Ecrasé de fatigue et rongé par le désespoir, il n'avait plus goût à rien. Il songea au sens de sa vie et le vide qu'il ressentit à cet instant le déprima davantage. Il vivait au rythme que lui imposait l'angoisse et la peur. Son existence se résumait aux heures passées à travailler et à celles écoulées au chevet de Niall.

Chloë rendait visite au « bel endormi » deux à trois fois par semaine et si son sourire tendre n'avait rien perdu de son pouvoir, Harry ne parvenait pas à faire face. La situation le dépassait, ses sentiments prenaient le pas sur sa raison, le désespoir empiétait sur sa bonne humeur. Deux mois auparavant, il ne cessait de se répéter que Niall finirait par se réveiller. Il y croyait fortement, sa foi en Niall étant pure et impérissable. Mais aujourd'hui, il n'était plus du tout sûr de son réveil. Au cours de ces dernières semaines, Harry avait connu deux étapes importantes : l'espoir et la résignation.