Chapitre 41

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August


Il fait noir. Tout est noir. Tout ce qui m'entoure, tout ce qui m'observe, tout ce qui me compose. Il fait noir, et j'ai peur du noir.
Des coups se font entendre sur la porte.

« August ? August, ça suffit maintenant sors d'ici. »

Je ne réponds pas. Il fait noir après tout, on ne peut pas me voir.

« August... je t'en supplie. »

La voix de Bleu devient plus calme, plus suppliante, plus fragile.

« Ça fait quatre mois, August, il faut commencer à essayer d'aller de l'avant. Je sais que c'est dur, ça le sera toujours... »

Aller de l'avant ? Pourquoi ?

« April n'aimerait pas te voir comme ça. »

April ? Qui est April ? Je ne veux pas y penser. Penser fait trop mal.

« August ! »

Le tambourinement reprend. Puis, plus rien. Bleu est partie.
Je suis seul.


***


Une lumière aveuglante apparaît. Je me cache sous les draps. Je ne veux pas être éclairé, je ne veux pas être vu.

« August ? »

Bleu marche vers moi un plateau à la main.

« Essaye au moins de manger quelque chose. »

Elle pose le repas sur ma table de nuit, mais je n'y touche pas. Elle râle et essaye de baisser le drap, mais je le tiens fermement.
Elle soupire. Je ne l'entends plus après ça. Où est-elle passée ? Est-elle partie elle aussi ?

« J'avais oublié que tu avais un aussi bel exemplaire du petit prince, » dit-elle finalement.

J'entends un bruissement. Non ! J'éjecte le drap et lui attrape le poignet avant qu'elle ne s'empare de l'ouvrage.

« N'y touche pas. »

Elle semble surprise.

« Ça va August, c'est juste un livre. »

Juste un livre ?

« N'y touche pas je te dis ! »

Cette fois-ci je distingue quelque chose de plus profond dans ses yeux. De la peur ? De la déception ?

« Dehors. »

« August, je suis désolée. »

« Dehors. Vas-t'en ! «

Elle ne proteste plus et sort sans un mot. La porte se ferme et les ténèbres sont de retour.


***

J'entends parler. Des bribes de conversation me parviennent.

« Très contente... lui fera du bien. »

« C'est... aurait voulu. »

Trop de bruit. Pourquoi y a-t-il autant de bruit ? Un léger coup se fait entendre sur la porte et laisse place à la douce voix de Bleuenn.

« August ? C'est moi. Je suis désolée pour la dernière fois. Je peux entrer ? Je te promets de ne toucher à rien. »

J'ai envie de répondre. Mais je n'y arrive pas.

« August, s'il te plaît. Quelqu'un est venu te voir. »

Qu'ils aillent au diable. Tous autant qu'ils sont.

« August ? »

Ce n'est pas la voix de Bleu. A qui appartient cette voix ? Il me semble la reconnaître vaguement.

« Jeune homme, peux-tu m'ouvrir ? Je viens de la part d'April. »

Impossible. April n'est plus là. Plus là, plus là, plus là. Il fait noir. J'ai peur du noir.

« Elle m'avait confié quelque chose à te remettre. »

Avais. On ne parlera plus d'elle au présent désormais. Plus jamais.

« Bien. Je comprends que tu ne veuilles pas m'ouvrir. Mais par respect envers ma fille je ne peux pas repartir bredouille. »

Quelque chose glisse. Je me redresse. Une forme se distingue au pied de la porte. Je me lève curieux et m'approche. Une enveloppe ?
Je la retourne et remarque un nom écrit dessus en parfaites lettres rondes.

« August »

Ma main tremble. April. Cela vient vraiment d'April. Il reste une petite part d'elle et je la tiens entre mes mains. Je m'assois sur le lit et allume la lampe de chevet. Mes doigts se baladent sur l'enveloppe et défont précautionneusement l'ouverture.
La lettre est là, et elle n'attend qu'une chose : être lue.



August,

Si tu lis cette lettre, c'est que cette fois a été celle de trop, et que je n'ai pas pu sortir de l'hôpital. Et te connaissant tu dois être enfermé dans ta chambre à déprimer et te reprocher des choses qui n'ont pas lieu d'être.
Si tu n'arrêtes pas tout de suite, je promets de venir te hanter.

Je ne sais par où commencer. Car je ne sais ce qui mérite d'être dit ou non. Ces derniers mois ont été les meilleurs que j'ai pu vivre. Ou plutôt, les seuls où j'ai réellement eu l'impression de vivre. Non pas que ma vie ait été un enfer. J'ai juste mis du temps à me rendre compte que se contenter de respirer ne suffit pas. J'avais besoin d'air, mais d'un air nouveau. Un air frais, un air drôle, un air aventureux et potentiellement un air grand aux cheveux et aux yeux marrons. Un air en quête de sa rose. Et je ne l'ai pas réellement trouvé. C'est lui qui m'a trouvée. Alors que je m'apprêtais à tout envoyer balader parce que je suffoquais, tu m'as permis de respirer à nouveau.
Mais toi aussi tu avais besoin d'air. Et j'ai eu peur pendant un instant qu'en partageant notre air. On finisse par en manquer tous deux.
Ensuite, j'ai eu peur de te priver de ton air en le respirant complètement. J'avais peur, qu'en apprenant que mon temps était compté, tu finisses par faner tout à fait. Mais ça n'a pas été le cas. Parce que tu es fort August. Tu es l'une des personnes les plus fortes qu'il m'ait été donné de rencontrer. Peu importe ce que tu peux en penser, laisse-moi te le dire : toi, August Monti, tu m'as sauvée. Et j'aime à penser que je t'ai sauvé en retour. Mais peut-être n'est-ce que mon ego qui prend le dessus.
Qu'en penses-tu ? Est-ce que j'ai le droit d'y croire ?


Je voulais vraiment aller à la mer avec toi tu sais. Ce jour-là, quand tu m'as promis de m'y emmener, j'ai été la plus heureuse du monde. Si j'avais pu, je t'aurais kidnappé et on serait partit dans la foulée. Mais ce n'est pas tout. J'aurais aimé retourner dans cet endroit magnifique que tu m'as fait découvrir, et tomber sur pleins de nouvelles choses en déambulant ensemble dans les rues après un bon entraînement.
Si tu savais tout ce que j'aurais aimé faire mais que je n'ai pas pu. Pour me consoler je me dis que dans une prochaine vie on fera tout ça. Mais pour vraiment m'en convaincre, j'ai besoin que tu me promettes de me trouver à nouveau dans ta prochaine vie, de venir me parler et de m'apprendre à respirer comme tu l'as déjà si bien fait.

Tu as été mon air August et mon petit prince. Mais ce n'est pas tout tu as été mon ami, mon meilleur ami, mon confident et tant d'autres choses encore. Trop de choses pour pouvoir toutes les énumérer. Tout ce que je dis là j'aurais peut-être dû te le dire en face, mais je n'avais pas le courage. Je ne voulais pas dire au revoir, car je ne voulais partir. Je ne voulais pas que tu me vois partir, m'éteindre. J'espère que tu ne m'en voudras pas. Je n'imagine pas combien le chemin va être dur pour toi après mon départ, car à ta place, je ne sais pas comment j'aurais fait pour ne pas couler. Mais je sais que tu peux le faire August. On n'oublie jamais vraiment quelqu'un. On apprend juste à vivre avec son absence. Alors vis. Aime, découvre, apprécie, respire. Fais tout ce que je n'ai pas eu le temps de faire sans culpabiliser, sans regarder en arrière.

August : un garçon simple mais compliqué, qui aime lire et patiner.

April : une fille simple et passionnée qui aime manger et patiner.

Qui aurait cru que dans leur simplicité, ils pourraient ressentir des choses si compliquées ?

Je ne sais pas comment finir cette lettre. Peut-être parce que je ne veux pas qu'elle se finisse. Mais tout à une fin.

Au revoir August, ne t'accroche pas à moi, mais ne m'oublie pas. Laisse-moi vivre dans une petite partie de ton cœur et comme ça, à travers toi et à tout jamais, je pourrais continuer de respirer pleinement.

April.


Le papier est gondolé. Gondolé par d'anciennes taches de larmes et maintenant par de nouvelles. Je suis tellement désolé April. Tellement désolé. J'ai voulu t'oublier. J'aurais tout donné pour t'oublier alors que je t'ai promis de me souvenir. Je suis une belle ordure.

« August ? Ça va aller ? » me questionne madame Wilson de l'autre côté de la porte.

Est-ce que ça va aller ? Oui. Je pense que ça va aller à partir de maintenant. Parce que je lui ai promis. Parce que je lui dois bien ça. Parce que je ne veux pas l'oublier.
Je vais vivre April. Vivre sans remords et sans regrets. Vivre pour te retrouver et tout te raconter. Vivre pour te trouver à nouveau.

Car la première chose que je chercherais dans ma prochaine vie, ce sera toi.

August et AprilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant