~Chapitre 14 : Il était une fois... Un pantin fissuré~

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- Aller voir un psychologue ? Et puis quoi encore ? 

Cela faisait une bonne dizaine de minutes que l'adulte s'énervait, tout en conduisant. Peut-être un peu plus vite que ne l'autorisait cette route de campagne, d'ailleurs. À côté de lui était assise une femme qui, de manière plus posée, approuvait ses paroles : 

- Ils ne savent pas de quoi ils parlent. Il va très bien, il a juste un peu dérapé. Pas vrai, Félix ? 

Le petit garçon, installé à l'arrière du véhicule, hocha doucement la tête. Il n'avait pas prononcé un mot depuis le début du trajet, se contentant de rester immobile, sage comme une image. 

- Nous ne sommes pas en colère contre toi, mon poussin. Juste un peu... Déçus. Tu comprends, n'est-ce pas ? Continua la femme à l'attention de son fils. 

Nouvel hochement de tête. L'enfant enfonça ses ongles dans sa peau, de petites marques s'ajoutant à la collection de plaies causées par ce fichu tic nerveux. 

- Nous t'avons déjà expliqué pourquoi tu ne devais pas pleurer devant les gens. Ajouta son père. Pleurer, ce n'est pas quelque chose que les grands garçons comme toi font. 

- Et tu vois bien que ça ne te sers à rien, de pleurer. Tu n'en as pas besoin. 

Le garçon acquiesça de nouveau, malgré les larmes qui, perlant au coin de ses yeux, menaçaient à tout moment de couler en d'incontrôlables torrents sur ses joues. 

Mais il ne devait pas pleurer. Sinon, ils seraient encore plus déçus. 

- Ce dont tu as besoin en ce moment, c'est de bien travailler à l'école. Il paraît que tu es beaucoup moins attentif en cours. Ce n'est pas bien, et tu le sais parfaitement. 

- Ton père a raison. Tu n'obtiendras pas de bons résultats en ne faisant rien. 

- Tu ne fais pas assez d'efforts. La paresse est un vilain défaut. 

- Tu passes beaucoup de temps à jouer dehors, en ce moment. Tu devrais étudier plus. 

- Peut-être qu'avec des cours particuliers le soir, tu serais moins mauvais... 

- Tu verras, ça ira beaucoup mieux après ça. Nous savons ce qui est bon pour toi. 

Le châtain écoutait attentivement leurs reproches et leurs «conseils». Il savait que s'il essayait de répondre quelque chose, il se ferait aussitôt sévèrement rabrouer ou, dans le meilleur des cas, simplement ignorer. 

Toutes les belles phrases que ses parents lui répétaient n'étaient que des euphémismes, Félix le savait. En réalité, ils voulaient dire qu'il n'était qu'un incapable, un pleurnichard, un raté. Qu'il était stupide, lâche et inutile. Qu'il était seulement une déception. Une immense déception. 

Déçus, déception, décevoir. Toujours cette même racine. Des termes dérivés qui venaient souvent à l'esprit du garçon lorsqu'il devait qualifier sa relation avec ses parents. 

Parce que oui, au fond, il n'avait fait que les décevoir. 

Oui, au fond, il était incapable, pleurnichard, raté, stupide, lâche et inutile. 

Oui, au fond, il ne servait à rien d'autres qu'à causer des problèmes à ses parents, qui n'hésitaient pas à le lui rappeler.

Il était comme ça, Félix. Il l'est encore aujourd'hui, d'ailleurs, et le sera toujours. 

L'Étoile et le NuageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant