Chapitre cinq

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Après le désastre sur la terrasse, la sœur Dorcas m'a proposé une petite balade pour me changer les idées. Je découvre le magnifique jardin du pensionnat et j'en oublie même mes maux . C'est tellement impressionnant toute la beauté que je contemple ici , il y a toute sorte de belles fleurs et plantes , un délice pour les yeux .

Elle n'a pas dit un mot depuis que nous sommes là et cela commence à être un peu gênant, surtout pour moi qui suis habituée à beaucoup parler . J'imagine un peu si Elena était là, nous aurions bavardé des heures et nous serions moquées de l'accoutrement de certaines sœurs ici , que de beaux souvenirs avec elle , j'espère seulement qu'elle ne prend pas mal mon silence radio . Je prie qu'elle ait suffisamment la patience de m'attendre pour tout lui expliquer.

_ C'est très beau n'est-ce pas ? Demande-t-elle en brisant le silence

Alléluia ! Je n'en pouvais presque plus .

_ oui , dis-je en m'émerveillant sous son regard attendrissant

_ je suis navrée pour ce qui vous est arrivé pendant le déjeuner, j'ai pu voir que vous étiez très mal à l'aise

_ oh ça , ne vous inquiétez pas , après tout c'est un peu à cause de ma maladresse, j'aurais juste dû peut-être me taire

_ c'est compréhensible, vous êtes dans un nouvel endroit et vous ne vous êtes pas encore habituée avec tout ça , vous avez encore le droit aux erreurs

Je lève un sourcil

_ comment ça j'ai encore le droit ?

Elle se tourne en ma direction

_ Étant novice ici , vous avez encore le droit à faire les erreurs et ne pas comprendre les règles, mais quand vous aurez passer votre première année , il n'y aura plus la même indulgence, vous allez commencer à subir les sanctions et si vous faites mauvaise figure, vous vous verrez être renvoyé du pensionnat

J'ouvre grandement la bouche et elle étouffe un rire

_ Eh oui , il y a beaucoup de restrictions ici mais c'est pour une bonne cause , vous ne trouvez pas ?

Je manque de m'évanouir, on se croirait plutôt dans un internat, comme des lycéennes qui, à la moindre bêtise , se voient renvoyées

_ vous allez vous habituer , dit-elle en me dépassant

Je souffle un grand coup avant de la rejoindre

_ Et dites donc , c'est vrai que c'est interdit de garder contact avec l'extérieur ? Je demande curieuse

_ vous avez encore beaucoup de choses à apprendre, dit-elle en pouffant , mais bon , pour toute réponse , les appels sont accordés que si vous vous comportez bien et travaillez pour vous démarquer , dans le cas contraire, ce n'est pas possible

J'imagine que n'ayant déjà pas fait bonne impression chez la sœur Henriette , ça sera compliqué pour moi de me rattraper , j'en profite pour lui poser d'autres questions et plus nous parlons , plus j'en apprend sur le pensionnat et son fonctionnement. Et jusque là je ne comprends toujours pas pourquoi Dieu m'a envoyé ici , ce n'est pas moi tout ça , vivre sous des règles à mon âge comme une petite fille , devoir dépendre de quelqu'un, être privée de ma liberté ou devoir faire bonne figure pour mériter quelque chose qui m'est de droit .

La sœur Dorcas s'excuse et me laisse car elle devait se rendre à l'atelier , elle m'a proposé de la suivre mais je me sentais très déboussolée par ce que je venais d'apprendre et j'avais besoin de respirer.

Je me balade encore dans le jardin quand je croise le pasteur de ce matin , assis sous un arbre entrain de lire un livre . Je fais de mon mieux pour qu'il ne me remarque pas et veux prendre un autre chemin quand j'entends une voix m'interpeller, oh mince !

Je me retourne avec ralenti vers lui et il me scrute du regard, un de ces regards perçants, qui cherche à lire en vous . Cette sensation qu'il puisse lire en moi me trouble .

Par politesse, je me dirige vers lui et m'arrête à une distance raisonnable.

_ Vous êtes nouvelle ici , je ne vous ai jamais vu d'avant, me demande-t il en fermant le livre

_ Oui , je je ... je suis arrivée hier

_ quel honneur j'ai alors de vous rencontrer, dites-moi, comment on vous appelle ?

_ Maryse , je répond

Il fronce un instant les sourcils avant de les replier , c'est comme si une lueur venait de passer dans ses yeux... pourquoi j'ai cette sensation bizarre depuis que je l'ai vu ce matin ? Comme si , je devais le rencontrer là, comme si au milieu de toutes ces personnes, nos regards devaient se croiser .

_ Je suis le pasteur Paul , je suis enchanté de faire ta connaissance, comme tu viens d'arriver, tu seras parmi nous pendant la retraite alors , me fait-il remarquer

De toutes les manières, est-ce que j'ai le choix ? Je ne crois pas , alors je hoche frénétiquement la tête.

_ Ma fille , je veux vous appeler ainsi ?

_ Oui , oui

_ Dites-moi un peu , avez-vous déjà rencontré le seigneur?

Sa question me tombe de haut , je m'attendais à tout sauf cela .

_ oui , j'essaye de répondre avec une assurance feintée dans la voix

_ avez-vous déjà rencontré véritablement le seigneur? Il répète cette fois-ci différemment

Je déglutis et c'est plus fort que moi . Me suis-je déjà posée cette question? J'ai juste fait ma valise et suis venue ici car c'est ce qu'il me fallait faire , mais me demander si j'ai déjà véritablement rencontré le seigneur, c'est une autre chose . Depuis longtemps, j'ai fui sa présence, j'ai tû mon appel , mais je suis là , n'est-ce pas déjà suffisant ?

_ oui , ... enfin , je crois , dis-je en faisant une petite grimace

Ma voix ne semble même pas convaincre . Elle est toute grave .

Surprise , je le vois se lever et épousseter son pantalon. Il porte la bible à son bras .

_ on se retrouve à la retraite, dit-il avant de s'en aller et me laissant autant perplexe

Quoi ? C'est donc tout ce qu'il avait à me dire ? Et il s'en va , en me laissant ainsi ? Il voulait m'embrouiller l'esprit ou quoi ? J'observe l'endroit où il était assis et je revois encore cette scène ...

Il faut tout à coup noir , la pièce entière , qui était éclairée plutôt , a laissé le noir se faufiler. Je suis prise de panique , j'aperçois des silhouettes se dessiner et se dandiner sur le mur de ma chambre, que me veulent-ils? Qui sont-ils ? Ils me cherchent et je le sens , mais je ne comprends pas pourquoi

Une ombre s'approche de moi à petit pas , et je prie intérieurement le ciel qu'un miracle se fasse , j'essaye de crier à l'aide mais même ma voix m'a quittée , ne me laissant que mes yeux pour observer sans ne rien faire . Je tente de me bouger mais impossible, une lourdeur a gagné tout mon corps .

Et seulement au moment où la silhouette arrive à mon niveau qu'une lumière apparaît me rendant presque aveugle , je suis soulevée et propulsée vers le haut . Le temps que je comprenne , ce qui se passe , mes esprits reviennent à moi

Je sursaute alors , toute haletante. Ma tension a même chuté. Qu'est-ce que je viens de vivre là?
Je me retourne tout autour de moi mais pourquoi il n'y a personne . La lumière du jour brille encore sur les fleurs du jardin mais c'est comme si le temps m'a semblé durer une éternité.

Là où tout a commencé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant