Autour de moi, le temps ralentit. Je voyais tout lentement : les gens qui écarquillaient les yeux, qui bougeaient, et surtout, les enluminures qui tombaient, tombaient, tombaient vers leur destruction. Mais, de plus en plus, elles ralentissaient. Je remarquai alors que j'étais la seule à pouvoir bouger normalement. Je déposai alors par terre les cinq enluminures que j'avais dans les bras, me précipitai vers les cadres restants, et réussis à les attraper alors qu'elles n'étaient plus qu'à une trentaine de centimètres du sol. Bien évidemment, je dus glisser par terre pour faire cela, et au moment où je touchai le sol, le temps reprit son cours normal. Lorsque je me redressai, estomaquée par ce qu'il venait de se passer, je vis qu'absolument tout le monde dans le hall me regardait. C'était plutôt compréhensible. Après tout, j'étais la seule à avoir pu me mouvoir normalement lors de cet étrange phénomène.
« Isabella, me questionna un Leopold estomaqué alors qu'il se levait, qu'est-ce que tu viens de faire ? Comment as tu réussi à bouger aussi vite ? On ne te voyait plus !
— De quoi parles-tu ? m'étonnai-je, réalisant que Leo et moi n'avions pas l'air de parler de la même chose, à savoir pour moi du ralentissement du temps, et pour lui d'un prétendu exploit de ma part.
— Mais de la vitesse surhumaine à laquelle tu viens de rattraper les enluminures alors qu'elle allaient s'écraser au sol, bien sûr ! De quoi d'autre ?
— Je crois bien que l'on n'a pas vécu la même chose..., réalisai-je soudain. Vous avez eu l'impression que je bougeais extrêmement vite, n'est-ce pas ? tentai-je d'expliciter alors que Leopold hochait la tête. Eh bien pour moi, tout s'est ralenti. J'étais la seule à pouvoir agir normalement, et j'ai donc pu sans problème rattraper les enluminures que tu a faites tomber.
— Désolé... je n'ai pas vu le chiffon. Par contre... comment est-ce que tu as fait ça ? Distordre le temps ?
— Si je le savais, je t'aurais déjà dit. Je vais demander à Mère si elle n'a pas une idée. Si ça se trouve, c'est un pouvoir mystérieux possédé par les gens de notre famille depuis l'histoire des douze coups de minuit dans Cendrillon, m'esclaffai-je en désignant du doigt l'enluminure d'Evacionn correspondant à la scène. Bon, blague à part, nous avions quelque chose à faire, indiquai-je en reprenant mon sérieux, notant dans mon esprit de poser la question à Mère sur cet étrange phénomène, et en me dirigeant vers l'autre pile d'enluminures, celle que j'avais déposée par terre quelques instants plus tôt. »
Leopold hocha la tête, et nous commençâmes à installer les enluminures. Un cordon délimitait l'espace qu'il était interdit de dépasser. Certaines des illustrations étaient accrochées aux murs, et d'autres disposées sur des présentoirs. Un écriteau apposé en dessous récapitulait la vie d'Evacionn en quelques phrases, son œuvre et indiquait à quelle scène correspondait chaque panneau exposé. Lorsque nous eûmes fini, Leopold installa devant la zone un panneau d'avertissement sorti de je-ne-sais-où, et qui interdisait formellement de franchir le cordon, sous peine d'une sanction.
Je repartis alors vers les jardins, tentant d'ignorer la douleur dans mon dos qui, si elle avait disparu quelques temps, venait juste de revenir, me faisant signe qu'elle ne m'avait pas oubliée. Je grimaçai. Cette journée s'annonçait... particulière. J'avais hâte de demander à Mère si elle n'avait pas une idée sur ce qu'il s'était passé.
Quelques heures plus tard, je me tenais devant la porte du bureau de ma mère et souveraine, prête à lui poser la fameuse question et trépignant presque dans l'attente de la réponse. Je frappai doucement contre le battant, et attendis la réponse tandis que le bois résonnait de mon geste. Je m'empressai d'entrer lorsque Mère m'y autorisa, et une fois cela fait, je refermai avec précaution la porte pour pas qu'on nous entende. Je tenais à ce que cette conversation reste entre ma mère et moi.
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~ 𝙵𝚊𝚌𝚎 𝚌𝚊𝚌𝚑é𝚎 ~
Fantasy« Cendrillon. LA Cendrillon. Devant moi. "C'est impossible", me hurlait mon esprit en alerte. Pourtant, c'était vrai. Et c'était aussi la preuve que tout était faux. » ~ Si quelqu'un me demandait si je connais Cendrillon, je...