Il avait fallu un certain temps pour expliquer la situation aux Serpentards et à Ron -ce dernier n'était pas supposé être au courant mais Harry et Hermione avaient fini par insister pour le laisser dans la confidence- puis ils avaient passé la semaine à éplucher méticuleusement les souvenirs de chacun, à les comparer, les associer, à la recherche de détails, de réactions semblables à celles de Severus.
Ils s'étaient d'abord basés sur les deux souvenirs d'Harry qui avaient mené les trois adolescents sur la bonne piste : la chambre des secrets et la bataille du département des mystères.
Ils n'avaient qu'un aspect pour le premier, celui du brun, celui qui leur montrait un nouveau visage du Seigneur des Ténèbres. Un visage plus jeune. Une voix plus coupée. Un regard plus fuyant, comme cherchant un mensonge.
En revanche, ils avaient plusieurs aperçus du second. Trois à vrai dire. Trois montrant la même chose. Trois influençant la pente à suivre.
Une Bellatrix qui venait de tuer son cousin. Une Bellatrix qui esquissait un mouvement de main vers sa tête. Une Bellatrix dont le pied arrière s'était doucement levé alors que Sirius tombait, manquant de lui faire perdre l'équilibre. Une Bellatrix dont le rire fou s'était interrompu quelques secondes de trop.
Il leur avait fallu du temps pour décortiquer les souvenirs, les passer au peigne fin mais leurs résultats les avaient poussés à continuer. Alors, un à un, les Serpentards possédant la confiance de Draco offrirent leurs souvenirs de réunions de famille, de réunions noires, le blond étant le premier sur la liste.
Avec l'aide de Severus et des deux Gryffondors, à comprendre Harry et Hermione -Ron avait convenu qu'il valait mieux qu'il ne soit pas longtemps en leur compagnie puisqu'ils étaient, aux yeux de Poudlard, en froid et qu'il n'était pas encore prêt à faire confiance aux serpents, à condition qu'on le tienne au courant de l'avancée de la situation-, ils avaient mis à jour une nouvelle partie de l'iceberg. Iceberg qui s'avérait bien plus profond et complexe qu'ils ne s'y étaient attendus.
Ainsi, ils avaient découvert les tics nerveux de Lucius lorsqu'il entendait parler de massacres moldus, les moments d'absence de la mère de Théodore lors des repas familiaux, les déglutitions difficiles de celle de Pansy et les regards désapprobateurs de celle de Blaise durant les après-midi de convenance sang-pur.
Ce fut Théodore qui mit en évidence le danger que ces révélations impliquaient: s'ils découvraient avec si peu d'informations autant de personnes sous influence, cela signifiait qu'il pouvait y en avoir plus. Bien plus. Cela signifiait qu'il fallait maintenant prêter attention au moindre détail sortant de l'ordinaire. Et par dessus tout, cela signifiait qu'il y avait quelqu'un derrière tout ça, quelqu'un qui voulait bien plus de mal que l'organisation de Voldemort.
Ce jour-là, le trente octobre précisément, ils étaient tous réunis dans l'annexe du bureau du professeur de potions, assis à même le sol, voire même couché dans le cas de Blaise. Le sol était jonché de parchemins usés, pliés, déchirés, griffonnés, compressés, roulés. Les moindres coins vides de la pièce étaient remplis de vieux livres, empruntés par Severus, de la réserve ou des bibliothèques anciennes de certains mangemorts.
Auparavant son bureau de recherches, propre et rangé, il leur avait cédé la pièce pour le moment et le regrettait presque lorsqu'il y mettait un pied. Combien de temps lui faudrait-il pour retrouver un espace aussi calme qu'il ne l'était avant ?
Généralement, il se reprenait bien avant: l'avenir du monde magique, s'il hyperbolisait la chose ('Quoique ?' ne pouvait-il s'empêcher de penser dans ces moments ci), dépendait du travail fourni par ces quelques élèves de sixième année et lui-même. Par quelques adolescents de seize ans et leur professeur. Par quelques gamins et un homme de trente-six ans qui jouait sur plus de deux tableaux.
Lorsqu'il y pensait, il ne réussissait qu'à déprimer et ses élèves, de Serpentard comme Gryffondor, avaient appris à quoi correspondait ce regard, cette expression faciale. Alors ils le soutenaient, chacun à leur manière, et il se surprenait à apprécier le caractère lion d'Hermione et Harry dans ces instants ci, lorsqu'ils étaient ceux qui intervenaient.
Aujourd'hui, ça avait été le cas, et aucun des des serpents n'avait jamais été aussi apeuré, impressionné également, et attristé par une autre personne de leur âge. Ne pouvant que réfléchir à tout ce qu'ils avaient déjà subi et affronter. Tout ce qu'ils leur avaient dit, montré. Mais aussi tout ce dont ils n'entendraient sûrement jamais parler, que les deux Gryffondors gardaient au fond d'eux.
"On va y arriver, avait déclaré Hermione. On a déjà dû affronter pas mal de choses à trois et on est bien plus que ça maintenant.
-On doit y arriver, avait corrigé Harry à voix basse, forçant sur sa plume au point de percer son parchemin. Pour eux et tous les autres."
Il avait lâché sa plume pour attraper son avant bras et son regard s'était perdu dans le vide à ces mots.
Le regard triste d'Hermione, son visage qui s'était décomposé et son déplacement pour se retrouver aux côtés du brun n'avaient échappé à personne et encore moins à Severus qui décida immédiatement qu'il fallait qu'il ait une discussion avec Harry, ce qu'il avait évité depuis son espèce de réveil. Une discussion en tant qu'ami de Lily, pas une discussion en tant que professeur.
Alors il cala aux adolescents une limite. Dans trente minutes, ils rangeraient plus ou moins tout et partiraient vaquer à leurs occupations pour la fin de l'après-midi. Il hésita une seconde à ajouter qu'il souhaitait parler à Harry mais il ne semblait même pas l'avoir entendu et fut pris de la certitude qu'il resterait de lui-même, sans vraiment qu'il ne sache pourquoi.
Rapidement, le temps imparti s'écoula et, sans que Severus n'eut à dire quoi que ce soit, ils se levèrent tous, se préparant à partir. Tous sauf Harry, prostré dans son coin, le regard dans le vague.
Avant de se redresser, Hermione se pencha vers le brun, lui chuchotant quelque chose à l'oreille. Quelque chose qui le sortit un peu de sa transe, le faisant hocher la tête alors qu'il la remerciait sur le même ton, avec un faible sourire.
Alors, tendrement, elle lui embrassa la joue avant de se lever pour partir rejoindre les autres, déjà sortis.
"On va y arriver" lui répéta-t-elle avec toute la confiance qu'elle pouvait mettre dans ses mots.
Puis elle quitta la pièce, laissant derrière elle un Harry un peu rassuré, un Severus intrigué.
Elle ne s'attendait pas à ce que les quatre Serpentards soient restés dans le couloir, Blaise adossé contre le mur, Théodore assis à ses côtés, Draco les mains dans les poches, Pansy suffisamment près de la porte pour voir à l'intérieur du bureau.
Alors, ayant vu toute la scène, Blaise ne put que questionner Hermione, sa passion pour les relations à Poudlard prenant le dessus.
"Dis Hermione, il se passe un truc entre toi et Harry ?"
Ils -à l'exception de Pansy qui avait déjà eu le malheur de poser cette question à Hermione, question qui avait menée à une longue discussion à cœur ouvert entre les deux jeunes filles qui les avaient rapprochées- n'auraient jamais cru la Gryffondor capable de mettre un tel dédain dans son regard.
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Pour le plus grand bien
FanfictionDepuis quelques mois, Harry vit avec la certitude d'être la cause de la mort de son parrain. Depuis quelques mois, Draco vit avec la certitude de devoir devenir un meurtrier pour survivre. Jusqu'à présent, toutes leurs décisions, leurs relations ava...