C'était encore arrivé cette fois-ci, un nouvel éclat, des nouveaux cris, et Harry s'était échappé, parchemin abîmé en main, sweat usé sur le dos, chaussons rouge et or aux pieds. Il avait traversé rapidement la salle commune sous les regards. Regards désolés de ses camarades de dortoir, regards curieux de sa Maison, de ces élèves toujours prêts à rapporter et raconter la moindre rumeur sur lui. Puis il était sorti, saluant vaguement la Grosse Dame, souriante face à l'un de ces rares élèves qui se souvenaient d'elle, qui ne la considéraient pas comme un simple tableau, un objet à leur service.
Hermione devait être à la bibliothèque, elle l'aurait peut-être rejoint si ce n'était pas le cas. Elle le faisait souvent lorsqu'elle le voyait s'enfuir ainsi.
Il traversa le château, traînant des pieds sur les pierres usées pavant irrégulièrement le sol mais dont il commençait à ne plus sentir les écarts. Il ne tarda pas et arriva à son poste habituel. Il avait chaud, comme à son habitude, et s'appuya contre la vitre froide du temps automnal et déplia le vieux parchemin sur ces genoux avant de murmurer "Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises" la gorge serrée, comme à chaque fois qu'il se disputait avec le rouquin.
Il sourit tristement en voyant les surnoms de son père et ses amis, évitant soigneusement de survoler celui du rat, et son regard se perdit, comme à son habitude, dans les déplacements des ses camarades et professeurs sans qu'il ne les regarde vraiment.
Des fois, un mouvement sur la carte appelait son attention et, si le commérage avait été sa passion, il aurait pu affirmer à haute voix que Euan Abercorombie et Terry Boot sortaient très probablement ensemble et que Eddie Carmichael les avait à l'œil, les suivant dans la pluaprt de leurs déplacements, entre autres nombreux exemples.
Ce jour-là ne semblait cependant pas bien intéressant et il s'abandonna à ses pensées, la carte posée face à lui, la tête reposant sur ses genoux remontés vers son torse.
Harry ne saurait dire combien de temps il avait passé ainsi, avant que son regard ne soit attiré par un nom se rapprochant de lui. Il vérifia, inquiet, l'identité de celui qui s'avançait pour savoir s'il devait se dépêcher de cacher la carte et se détendit en apercevant les mots "Hermione Granger".
Son calme fut cependant de courte durée : à peine passa-t-elle le tournant qui la menait à lui qu'il vit les larmes qui coulaient sur son visage. Des larmes de tristesse ? Des larmes de colère ? Il ne savait pas vraiment pour l'instant et se contenta de serrer dans ses bras la jeune fille quand elle se blottit contre lui, sans pour autant réellement savoir comment la réconforter.
Elle tenta de lui raconter ce qu'il se passait mais Harry ne comprenait pas vraiment ce qu'elle lui disait. Alors il se contenta d'attendre, se battant contre son impatience. Puis Hermione se calma, et sa langue se délia pour de bon. Elle lui expliqua, sans le regarder, qu'elle était rentrée de la bibliothèque en précipitation, avec l'intention de venir chercher ses amis et, qu'à peine la Grosse Dame passée, elle s'était figée sur le palier.
Devant elle étaient en train de s'embrasser Lavande Brown et Ron, comme si leur vie en dépendait, sous les rires et chuchotements de leurs camarades. Elle était restée bloquée sur place, ses pensées ne parvenant pas à être cohérentes, jusqu'à ce que Neville ne lui tapote l'épaule et, croyant qu'elle cherchait le brun, ne lui annonce qu'Harry était parti après une énième dispute. La seule chose à laquelle elle avait ensuite pu penser était d'aller le retrouver.
Harry écouta son récit, lui caressant doucement le dos. Il ne trouvait pas de paroles réconfortantes, peu habitué à ce que l'on lui en adresse, et se contenta d'être présent pour elle, tout en affichant un air contrit, qu'elle ne pouvait pas voir.
En étant honnête, il se doutait que cette situation allait arriver. Il en était même sûr. Ron et Hermione se regardaient comme Ginny et lui se regardaient, et il suffisait de voir où les avait menés leur brève relation pour deviner ce qu'il se passait et ce qui allait en découler.
Lui et la rousse avaient été un couple à peine deux mois, l'année précédente. Couple qui s'était terminé par une séparation à l'amiable. Ginny avait cru aimer Harry, aveuglée par l'étrange fanatisme qu'elle avait éprouvé pour lui durant sa tendre enfance. Harry avait cru aimer Ginny, poussé par cette image que le monde se faisait de lui, par ce que le monde voulait de lui, par ce qu'on lui répétait depuis des années maintenant: un parfait Sauveur et Gryffondor qui reproduirait les actes de ses parents, leur couple et leur amour.
Ils s'étaient rapidement rendus compte que quelque chose n'allait pas: Ginny était étrangement attirée par les filles de son dortoir, son regard glissant parfois sur elles à des moments inopportuns et Harry se sentait mal, ayant l'impression d'utiliser celle qui était la sœur de son dit "meilleur ami", l'impression de se comporter comme le monstre qu'il pensait être. Ils en avaient parlé et avaient rompu, délibérément et avec soulagement, au milieu de la Grande Salle, ne voulant pas créer de malentendus.
L'école entière en avait jasé. Quand Harry et Ginny se croisaient, échangeaient un sourire ou s'arrêtaient pour discuter, les rumeurs fuyaient, folles, bruyantes, éclatantes et rapidement démenties lorsqu'elles assumaient qu'ils allaient se remettre ensemble ou que tout n'était qu'une mascarade pour masquer leur idylle ou, au contraire, en faire un véritable sujet de conversation. Puis la rousse avait embrassé Luna Lovegood à la rentrée et les deux jeunes filles n'avaient pas tardé à se montrer ensemble, sous les regards estomaqués et tout s'était arrêté. Ou du moins, tout autour de leur soi-disant couple.
Ainsi, Harry savait ce qu'il arrivait et ce qu'il arrivera. Ron s'était rendu compte qu'il n'aimait pas Hermione, qu'il n'allait pas réaliser ce que Poudlard voulait de lui en tant que porteur du titre de meilleur ami d'Harry Potter. Hermione était encore perdue entre fiction et réalité, encore bien trop influencée par ses romans aux innombrables clichés et il lui faudrait un déclic pour en sortir, même s'il ne savait pas encore quel genre de déclic.
Cela, Harry ne l'expliqua pas à Hermione, pas même lorsqu'elle fut définitivement calmée. En revanche, il lui demanda pourquoi est-ce qu'elle les cherchait. Elle gratta sa tête, un peu gênée, et lança d'une petite voix qu'elle voulait les tirer de force à la bibliothèque pour qu'ils fassent leur devoir de défense, quand bien même il était pour la semaine suivante et qu'ils ne croulaient pas sous la charge de travail pour le moment.
Pour la première fois depuis le début de la journée, un sourire sincère éclaira le visage du brun, qui annonça fièrement l'avoir déjà terminé, sourire rapidement remplacé par un rire face à la jeune fille surprise. Il se justifia -c'était un travail sur les sorts de désarmement, ce n'était pas comme s'il n'avait aucune expérience dans le domaine- et elle grogna qu'elle aurait dû s'en douter, avant de soupirer.
Détendus et rassurés, ils décidèrent de rester encore un peu là, assis côte à côte près de la fenêtre, observant de temps en temps la carte. Il y avait un silence doux, léger, qui perdura un moment avant d'être brisé par Hermione qui, penchée au dessus de la carte, attira l'attention d'Harry en lui montrant un point mouvant sur le parchemin.
"Qu'est-ce qu'il fait là ? Il vient bien d'entrer dans la salle sur demande ?"
Le brun, ayant à peine eu le temps d'apercevoir le nom avant qu'il ne disparaisse, hocha la tête.
"Il y va... Souvent. Presque tout le temps en fait, je le vois y aller à chaque fois que je suis sur la carte au moment où ils n'ont pas cours. Je me demande bien ce qu'il y fait.
-En espérant que ça ne soit pas en lien avec Tu-sais-qui" marmonna Hermione, des frissons lui parcourant les bras.
Harry haussa les épaules, refusant de lui dire qu'il était certain que c'était le cas, plongeant à nouveau dans le silence alors que ses yeux fixaient l'espace vide où venait de disparaître le nom de Draco Malfoy pour une durée qui était présentement indéterminée.
VOUS LISEZ
Pour le plus grand bien
FanfictionDepuis quelques mois, Harry vit avec la certitude d'être la cause de la mort de son parrain. Depuis quelques mois, Draco vit avec la certitude de devoir devenir un meurtrier pour survivre. Jusqu'à présent, toutes leurs décisions, leurs relations ava...