XIII

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Finalement, Dumbledore soupira et Harry vit sa barbe se balancer de gauche à droite dans sa vision périphérique.

« Très bien. Je comprends, mon garçon, retourne chez ta famille pendant les fêtes. Je vais m'occuper de prévenir Molly et de lui expliquer la situation, déclara le vieil homme en lissant sa barbe alors qu'Harry ne bougeait pas de son siège. Et bien, tu ne comptes pas partir ? Ou alors, y a-t-il autre chose dont tu aimerais me parler ? »

Comme rappelé à l'ordre, Harry tressauta légèrement avant de répondre par la négative et de se lever. A peine eut-il passé le pas de la porte, qui se referma lourdement derrière lui, qu'il se précipita, cherchant sans réellement avoir de raison à s'éloigner du vieil homme. Son instinct le lui criait, et s'il y avait quelque chose qu'il avait compris en se retrouvant annuellement face à la mort depuis sa naissance, c'était qu'il devait suivre ce murmure muet qui lui soufflait que quelque chose n'allait pas avec le directeur de Poudlard.

De plus, un détail l'avait perturbé durant leur entretien, sans qu'il ne puisse le définir pour autant. Ou du moins, sans qu'il ne puisse mettre un mot dessus avant de passer devant deux tableaux commérant et que la réponse lui saute au visage pour embrumer ses yeux et l'empêcher de voir autre chose.

Aucun des portraits du bureau du vieil homme n'avait parlé ou bougé, aucun n'était parti pour une petite balade, aucun n'avait décidé de rendre visite à son voisin. Aucun n'avait fouillé la pièce du regard par ennui, aucun n'avait levé les yeux au ciel par agacement. Tous avaient gardé leur position, tous avaient gardé leur air noble, tous avaient gardé leur regard fixé sur ce point invisible en face d'eux. Ils avaient été réduits à de simples tableaux moldus, sans vie ni parole, sans avis ni pensées.

Les yeux et les oreilles de Poudlard n'existaient plus dans le bureau d'Albus Dumbledore.

Ce qu'il ne savait pas en revanche, c'était que la pièce continuait à être aveugle et sourde bien après son départ, alors que le centenaire était assis sur son fauteuil, triturant entre ses doigts une pastille citronnée.

"Je me demande bien quel était le problème avec ce cher garçon aujourd'hui. Il s'ouvre d'habitude si facilement lorsque je lui pose des questions..."

Il craqua son bonbon entre ses dents, appréciant le coulis acidulé qui en sortit.

"Tout ceci ne m'arrange pas, les vacances auraient été parfaites pour commencer à le pousser vers sa tâche."

Il se leva brusquement, avec une énergie dont peu de sorciers lui auraient attribué la capacité, pour se rendre auprès de la crédence en noyer derrière lui.

"A bien y réfléchir, ce n'est pas si mal. Qu'il soit prêt à retourner chez ces chers Dursley pour éviter de mettre en danger ses amis et l'ordre est même une bonne chose. Une très bonne chose."

La petite porte de droite s'ouvrit dans un grincement sourd quand il tira sur la poignée, dévoilant une multitude de pots et fioles, petits et grands, gros et fins, allongés et étirés, mais tous rigoureusement étiquetés avec leur nom et les instructions qui leur correspondaient.

Dumbledore en attrapa une, si banale qu'elle n'attirait pas l'œil.

"Je commence à arriver à la fin de mon stock mais je devrais en avoir suffisamment pour ce mois. Heureusement que son effet dure plusieurs jours... Il faudrait que j'en distribue une dose ce soir, cette chère Minerva semblait moins...malléable aujourd'hui."

Il la reposa pour s'emparer d'un pot au couvercle usé par les utilisations, dont l'étiquette jaunie disait 'Essence de dictam, à n'utiliser que trois fois par jour'. L'ouvrant calmement, il se saisit d'une noisette de son composant avant de s'en étaler sur la main, apparaissant noire sous sa manche.

Une fois l'onguent pénétré, il souffla.

"Cette histoire de soins est bien inutile...Dire qu'il suffirait d'un simple sort pour retirer l'illusion... Mais bon, il faut que Tom me pense affaibli en fouillant les pensées de ce cher Severus."

Refermant le meuble pour retourner s'asseoir, il commença à réfléchir à la suite en se lissant ma barbe.

"Voyons, il faut donc que je m'occupe de prévenir l'Ordre de l'absence de ce cher Harry à Noël. Ça ne sera pas bien compliqué."

Le vieil homme sourit alors qu'il préparait les parchemins sur lesquels il allait écrire. De sa main supposément blessée, il s'empara vivement et sans tremblement d'une plume noir ébène qui le suivait depuis des années, d'apparence neuve malgré son vieil âge.

"Je n'ai qu'à leur dire qu'il souhaite passer un Noël seul, pour commémorer son parrain sans voir personne. Cela suffira bien en considérant l'attachement inepte et plat qu'ils ont développé pour ces deux-là."

Il marque un arrêt, semblant avoir rencontré un problème, une pierre sur son chemin.

" Cette chère Molly risque d'être tout de même plus compliquée à convaincre. A croire qu'il est l'un de ses enfants... Quelle idiotie..."

Il réfléchit quelques instants, à peine une fraction de secondes avant qu'un sourire invisible sous sa barbe, un sourire inqualifiable, se dessine sur son visage, plissant ses pattes d'oie.

" Je n'ai qu'à débuter leur éloignement. C'est plus tôt que prévu mais plus vite elle pensera que l'attention qu'elle porte à ce cher Harry le dérange, plus vite il se retrouvera isolé de toute figure parentale, ce qui ne pourra qu'être bénéfique."

Il se remit à écrire, écrire quatre, cinq, six lettres, et plus encore. Il eut assez vite une petite pile de courrier prêt à être envoyé, cacheté, adressé. Alors il ne lui resta plus qu'un parchemin à remplir mais il le laissa de côté.

Dehors, le soleil était en train de se coucher et la lune, insomniaque, commençait à être la seule présente. Il y avait passé plus de temps que prévu mais cela en valait la peine.

Dumbledore se tourna légèrement et déboucha la bouteille d'alcool qui trônait sur la table d'appoint derrière lui pour se servir un verre.

Il le but, gorgée par gorgée, observant calmement l'astre plein.

"Il paraît que ce cher Remus compte essayer de récupérer la garde du garçon. Je croyais pourtant l'en avoir dissuadé. Il semblerait qu'une piqûre de rappel lui soit nécessaire, je l'impression qu'il ne saisit pas bien la place de ceux de son espèce dans notre société."

Le vieil homme continua à déblatérer, son verre à la main.

Si mettre en garde le loup-garou et lui rappeler sa situation pour l'interdire de prendre à sa charge Harry Potter n'était plus suffisant, alors il devrait prendre des mesures plus radicales.

"Un accident est si vite arrivé après tout" énonça-t-il.

Alors, un piaillement aigu, strident mais surtout réprobateur, avertissant, résonna prêt de son oreille.

"Allons Fumsek, tu sais bien que mes intentions sont louables. Après tout, je fais cela pour le plus grand bien."

L'oiseau, d'un mouvement d'aile, s'éloigna de Dumbledore pour retourner sur son perchoir, l'extrémité de son aile enflammée effleurant assez rapidement sa barbe pour ne pas enflammer les poils.

Pour le plus grand bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant