XI

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A partir de ce moment, le temps se fit long. Extrêmement long. Quand une minute semblait être une heure et une heure une semaine entière, il était difficile de garder sa patience.

A la surprise générale, l'impatience les frappait tous, d'une manière ou d'une autre, et chacun gérait à sa manière. Un tas de livres à n'en plus finir pour Hermione. Des rendez-vous au terrain de Quidditch quotidiens pour Harry. Une boîte de confettis de parchemin pour Pansy. Un agenda aux pages cornées pour Théodore. Un parchemin couvert de barres pour Blaise. Des pics de peigne cassé pour Draco. Seul Severus y semblait insensible : peut-être était-ce parce qu'il s'occupait du brassage.

Ce matin-là, un matin digne du mois de novembre par sa pluie brumeuse et ses nuages noirs, Harry avait croisé Cho Chang en se rendant seul pour une fois -Ron avait été embarqué dans une session d'essayages par sa sœur et sa petite-amie- au terrain de Quidditch. Elle s'était presque immédiatement proposée pour l'accompagner, connaissant le plaisir procuré par un vol partagé.

Le temps du trajet avait été un peu malaisant. Ils échangeaient des banalités, comme deux camarades de classe presque réciproquement inconnus. La météo. Les cours. Les quelques nouvelles du château. Une conversation comme celles qui arrivent tant dans une vie.

Après tout, les souvenirs de Cédric et de leur baiser -dont Poudlard n'avait étonnamment pas été au courant- planaient toujours au dessus d'eux.

Mais rapidement, leurs langues s'étaient déliées et ils s'étaient mis à parler avec plus d'entrain. Un entrain correspondant à la réserve de la jeune chinoise et l'abandon enfantin du brun.

Harry avait appris que Marietta ne faisait plus partie de l'entourage de Cho après sa trahison, qui avait été agrémentée de nombreuses rumeurs sur les membres de l'Armée de Dumbledore. Cho avait appris qu'Harry continuait d'entraîner les Gryffondors volontaires ainsi que Luna sans avoir refondé officiellement l'organisation et qu'elle y était conviée si elle le souhaitait.

Cho lui avait appris les résultats des matchs étrangers de Quidditch durant la sélection pour la prochaine coupe du monde. Harry lui avait appris les règles du handball et du basketball qui, en soit, ne différaient pas énormément du jeu sorcier.

Puis ils avaient pris leurs balais et s'étaient envolés, soudainement redevenus des enfants que quelques années à peine. Ils avaient poursuivi l'autre comme s'ils jouaient à chat -Harry apprenant à l'occasion que les sorciers appelaient ça jouer au niffleur et aux vifs-, ils s'étaient battus pour attraper en premier le vif d'or d'entraînement.

Et leur amusement avait pris fin. Ou du moins celui d'Harry.

Une troisième année de Poufsouffle était passée: elle cherchait Harry et on lui avait indiqué d'aller regarder au niveau du terrain.

Alors Harry était revenu au sol et descendu de son balai avec un visage triste. Déçu. Ennuyé aussi. Et la jeune fille le remarqua.

Elle s'excusa en boucle face à un Harry désemparé qui tentait en vain de l'en arrêter, qui tentait en vain de savoir ce qu'elle avait à lui dire.

Lorsqu'elle se calma enfin et lui annonça que Dumbledore l'attendait dans son bureau, une part de lui fut soulagée, cette part de lui qui s'attendait à une déclaration. Après tout, il lui était déjà arrivé de se retrouver face à une élève voire même un élève, qu'il ne connaissait même pas ou à peine, et de devoir rejeter sa proposition le plus gentiment possible: la dernière des chose qu'il souhaitait étant de les blesser plus que ce qu'ils étaient déjà.

En le voyant partir après l'avoir saluée, Cho fronça légèrement les sourcils, rassura à son tour la pauvre troisième année qui était persuadée d'avoir fait quelque chose de mal et se dirigea vers le château, tentant de se convaincre que Harry allait bien, qu'il ne paraissait pas épuisé, anxieux et accablé par une situation qui le dépassait.

oO0Oo

En entendant arriver Harry, Dumbledore posa sa tasse sur son bureau et leva la tête, laissant apercevoir ses yeux bleus pétillants au dessus de ses verres en demie lune.

"Harry, mon garçon, entre et assieds toi, je t'en prie. Comment vas-tu ?"

Ne sachant jamais quoi répondre à ce genre de question, Harry lui servit une réponse toute faite. Un "Bonjour monsieur, merci, je vais bien, j'espère qu'il en va de même pour vous" un peu revisité. Puis il s'assit sur l'un des fauteuils en face du bureau et attendit de savoir ce dont voulait lui parler le vieil homme, se faisant la réflexion que sa boisson avait une odeur bien étrange.

"Un bonbon ? Au citron comme d'habitude, proposa Dumbledore. Non ? Une tasse de thé sinon ? Au citron également."

Son thé était au citron ? Harry n'y croyait pas : sa tante ne buvait que du thé au citron pendant l'entièreté des vacances d'été et jamais il n'avait senti une odeur aussi âpre s'en dégager. Une odeur aussi... Sorcière. Aussi 'potion'.

Alors il refusa poliment. Le froncement de sourcils du vieil homme fut imperceptible pour le brun.

"Très bien. N'hésite toutefois pas à te servir si jamais tu changes d'avis, répondit néanmoins gaiement Dumbledore avant de passer à un ton plus sérieux. Tu dois te demander pourquoi je t'ai demandé, n'est-ce pas ?"

Harry hocha la tête, ne pouvant que de penser qu'Hermione aurait détesté qu'un professeur fasse une répétition pareille.

"Vois tu, mon garçon, je pense que tu es suffisamment grand maintenant pour comprendre. Te souviens-tu pourquoi nous sommes allés voir le professeur Slughorn avant la rentrée ?

-Oui, répondit Harry, sans pour autant ne pas broncher à ces paroles. Vous vouliez qu'il vienne travailler à Poudlard car il détient des informations sur Voldemort qui pourraient nous aider et que ma présence pouvait le convaincre.

-Exactement. Il semblerait que Tom ait usé d'un vieux sort de magie noir pour séparer son âme en plusieurs morceaux. Et surtout, que le professeur Slughorn soit celui qui lui en ait parlé... Tu ne parais pas bien surpris mon garçon.

-Vous vous souvenez du journal en deuxième année ? Je pense que c'était un des morceaux dont vous parlez, finit par dire Harry un peu troublé. Je vous avais raconté qu'une jeune version de Voldemort était apparue.

-Il se pourrait en effet que le journal de Tom ait été un horcruxe."

Il passa ensuite un long moment à parler de ces fameux horcruxes, insistant sur le processus de fabrication et le besoin, la nécessité de les détruire au plus vite. Harry, lui, écoutait sans jamais répondre ou donner son avis : son instinct lui hurlait de ne surtout pas le faire.

"C'est pour cela que nous devons commencer nos recherches au plus vite. Nous commencerons donc aux vacances de Noël. Je passerai te chercher au Square Grimmaurd et-

-Professeur, le coupa Harry en fronçant les sourcils. Ça ne va pas être possible, je dois rentrer à Privet Drive pendant les vacances. "

Face à l'expression sur le visage du vieil homme, il s'empressa d'ajouter :

"J'ai reçu une lettre de ma tante me le demandant. Je ne peux pas refuser, elle est encore mon tuteur légal."

Dumbledore sembla batailler un instant avec lui-même puis il coupa court à la conversation en congédiant le brun. Mais, juste avant que celui-ci ne passe le pas de la porte, il l'arrêta une dernière fois.

"Tu sembles te retrouver bien souvent en retenue avec le professeur Rogue en ce moment, mon garçon. Il serait bien que tu veilles à ce que ça cesse."


Pour le plus grand bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant