Par une nuit sans étoile...

Chapitre 53 : La Grotte de Supplice

PoV Hong

Je ne sentais plus le sol, mes pieds oscillaient dans le vide. Des chaînes, aux maillons en argent de la largeur de quatre doigts, me suspendaient depuis des heures, peut-être même des jours. Je n'avais plus conscience de rien. Rien, à part la soif. Aucun doute qu'à la minute où ce sale gosse moralisateur et pédant se déciderait à me détacher, j'irai massacrer tout un village pour apaiser cette sensation brûlante et terrible qui ne voulait plus quitter mon esprit.

- Tiens, mon disciple daigne enfin revenir à lui. Il était temps.

Ce gamin haut comme trois pommes, me regardait depuis un coussin. Une table avec un plateau de Go et du thé juste en face de lui. Il but une gorgée du breuvage. Ce dernier colora ses lèvres du rouge de la tentation. Mes crocs percèrent ma lèvre inférieure en réponse à cette provocation éhontée.

Comment ose t-il boire ainsi devant moi ! Hurla ma conscience.

- Ne t'énerve pas, Hong Ja. Il faut bien te pousser dans tes retranchements pour calmer ta folie. Soigner le mal par le mal. La méthode est la même qu'en ce temps-là.

- Je suis très calme, espèce de singe nain. Grognai-je entre mes crocs.

Le Môme fronça les sourcils, puis but une autre gorgée de sang, tout en prenant son temps. Un glapissement m'échappa. Cette fois, le Sage posa brusquement la tasse sur la table, éclaboussant son plateau de jeu au passage. Il disparut avant de réapparaître à mes pieds.

- Jeune fou. Ton affection doit être pire que la première fois, pour qu'une si petite quantité de sang suffise à te faire glapir comme un animal. Il n'y avait qu'une dizaine de gouttes dans cette tasse.

Il avait raison. La première fois, il y a 450 ans, il avait fallu qu'il renverse la théière entière pour avoir une réaction de ma part. J'avais massacré une dizaine de villages après la mort de Fei. Je voulais combler le vide de sa disparition. Mais là, c'était autre chose le déclencheur. Je n'avais aucun vide à remplir. Je voulais juste faire un massacre.

Le Sang m'appelait et je voulais répondre présent. Par plaisir, pas par désespoir.

- Cette humaine. Qu'a-t-elle éveillé en toi ? Que t'a-t-elle fait ?

Yung Sook... et son sang. À la fois, doux comme le miel et brûlant comme la braise. Tout en paradoxe. Un nuancier de saveurs exquises Je la voulais, entière. Je la protégerai, la consumerai, la dévorerai, jusqu'à la dernière goutte. Personne ne l'aurait, à part moi.

- Elle est Moi. Dis-je d'une voix gutturale qui ne me ressemblait pas du tout.

- Non, cette humaine ne t'appartient pas. Et elle ne t'appartiendra jamais. Sais-tu pourquoi ?

Je ne répondis pas à sa question, trop obnubilé par l'idée de la garder enfermé dans un endroit difficile d'accès une fois libéré de ses maudites chaînes.

- Tu ne la reverras jamais. Je vais te garder ici, jusqu'à ce qu'elle périsse. Même si cela devait prendre soixante ans. M'entends-tu, Hong Ja ?

Si tu crois que ces chaînes pourront me retenir une nouvelle fois pendant aussi longtemps... Tu te trompes lourdement, Sage de pacotille.

- J'ai vraiment hâte de voir ça. Voulez-vous parier, Maître ? Ne dit-on pas que les choses ne se produisent jamais deux fois de la même façon ? Le provoquai-je en souriant de toutes mes dents.

Je me mis ensuite à rire, longuement. La seule chose qui m'arrêta fut le coup de poing puissant que m'envoya le Sage. Puis tout redevint noir.

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