Prologue

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Clothilde se tenait recroquevillée sur son lit poussiéreux. La faible lumière du couloir étendait les ombres des barreaux de sa prison sur le sol. Il faisait froid. Le menton appuyé contre ses genoux, elle sentait le drap rugueux sous ses pieds nus et ferma les yeux.

Elle n'avait jamais voulu le tuer. Et pourtant, si elle devait revenir en arrière, elle n'hésiterait pas à brandir ce couteau une nouvelle fois. Cependant, elle aurait peut être dû s'abstenir d'acheter ce sachet de drogue.

Son procès avait encore été reporté. La prison était tellement pleine de criminels et la justice était tellement dépourvue de personnels que rien n'avançait jamais. Algore coulait progressivement avec tous les criminels et les innocents à son bord. Depuis le Grand Tremblement, la pauvreté avait redoublé sur Algore devenue dorénavant une île. Le continent n'apportait pas assez d'aide pour lui permettre de se reconstruire. Avant le Grand Tremblement, Clothilde n'aurait jamais dépensé un seul centime pour se droguer. Mais les temps devenaient très durs.

- Détenu 345.

La femme sortit de ses pensées. Le gardien ouvrit la porte de sa cellule. Elle n'était pas menottée, ni encadrée par une série d'hommes aux gros bras. Elle avança juste selon les directives qu'on lui donnait.

Elle sortit de la prison et respira l'odeur de la nuit. On la fit monter dans une voiture noire qui traversa l'île en direction du Sud. Partout sur les routes, à la lueur des réverbères, on voyait des orphelins qui cherchaient à manger, des hommes et des femmes affalés sur les trottoirs à la recherche du moindre réconfort. Clothilde se demanda si au final, elle n'était pas mieux dans sa prison.

Ils s'arrêtèrent dans la cour de la Tour Noire. Fraîchement construite, elle était le lieu de travail d'un gamin récemment devenu très populaire à Algore. Elvis Domoto, quelque chose comme ça. Après avoir été sorti des décombres du Grand Tremblement et dès sa sortie de l'hôpital, il avait enchaîné les discours, se présentant comme le sauveur d'Algore. Il avait visiblement un projet pour sortir tout le monde de la pauvreté. De manière inexplicable, tous les scientifiques de l'île s'étaient rangés de son côté. Le peuple quant à lui, s'accrochait à n'importe quel espoir qu'on pouvait lui donner.

Clothilde fut conduite dans la Tour. Dans l'ascenseur, elle vit les étages défiler inlassablement. Cette bâtisse était encore bien plus grande que ce qu'elle avait pu imaginer. La porte devant laquelle elle attendit ensuite était blindée. Cela ne ressemblait pas à des bureaux ou des salles de réunion. Lorsque le battant s'ouvrît, elle constata qu'elle entrait dans un laboratoire.

- Bienvenue.

Le sourire de l'homme aux lunettes protectrices était froid. Lorsqu'il les ôta, elle le reconnu. Elvis Domoto. La vingtaine, il avait un cou menu, des orbites creuses et un regard orange qui la transperça jusqu'aux os.

- Mademoiselle, vous avez été incarcérée il y a plusieurs mois pour meurtre sans préméditation sur votre conjoint. Avec ça, vous risquez de ne pas revoir la lumière du jour avant très longtemps.

Pourquoi lui parlait-il de ça ? Il n'était pas juge. Entourée de toutes ces paillasses, machines électroniques et tables d'opération, elle arrivait de moins en moins à comprendre ce qu'elle faisait ici.

- C'est pourquoi je vous fais cette proposition.

Elle garda ses yeux fixés dans les siens. Il avait capté toutes son attention. Le gardien se tenait toujours derrière elle, et Domoto était accompagné de deux scientifiques cachés dans l'ombre.

- Je travaille sur une expérience très prometteuse. Je viens d'obtenir mon doctorat en ingénierie et je suis accompagné des meilleurs scientifiques d'Algore. Je ne dis pas que les risques sont nuls, mais que vous êtes entre de bonnes mains. Si vous acceptez de nous aider, je vous ferais libérer.

L'anti-hôte [Partie 2] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant