ƤƦƠԼƠƓƲЄ

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Une ombre était accroupie par terre, ses cheveux bruns tombant sur ses maigres épaules. Des coups de fusils résonnaient, et paraissaient se rapprocher de plus en plus. Des bébés pleuraient à chaudes larmes, des femmes sanglotaient, suppliaient les gardes de les libérer et les coups répétitifs sur du fer forgé résonnaient.

Soudain, un coup de canon retentit et le mur de la cellule s'écroula. Deux grands yeux bleus s'illuminèrent à cette vision. Plus que quelques pas pour être en dehors de cet enfer. Seulement quelques pour échapper au triste mais prévisible sort qui l'attendrait si elle ne quittait pas ce sinistre endroit. Elle tenta de se lever, mais ses jambes se dérobèrent sous elle. Ses maigres bras s'agrippèrent à la barre de fer qui composait sa couchette pour renouveler une tentative. Elle réussit à se mettre à debout après quelques efforts supplémentaires. Elle essaya de marcher vers la brèche en murmurant « Allez, tu peux y arriver, un pied, puis l'autre, un, deux, un... ». Des larmes s'abandonnèrent sur ses maigres joues. Dix ans qu'elle était emprisonnée. Dix ans de torture, de manque de nourriture, de nourriture si peu présente et de désespoir.

Mais aujourd'hui, en ce jour funeste, elle allait s'enfuir. C'en était fini. Elle laissait derrière elle des cachots humides, des gardes intransigeants et impitoyables. Elle abandonnait aussi des centaines de familles, toutes dans la même situation qu'elle, avec la peur de se faire tuer dans la bataille. Elle s'en voulait, se remémorant les rares moments où les captifs pouvaient converser librement. Elle voulait bien sûr les sauver, mais ce serait au sacrifice de sa vie et elle ne pouvait pas faire cela.

- Excusez-moi... pensa-t-elle. Mais je suis la seule à pouvoir changer ce monde si cruel. Je reviendrais, un jour, je vous en fais la promesse. Au revoir, la captivité. Bonjour, la liberté.

Sur ces mots-là, elle sortit par la brèche du mur, s'exposant ainsi à l'extérieur. Un vent brutal s'abattit sur la plaine, provoquant l'envol de certaines plumes de toutes les couleurs. Des dizaines de soldats vêtus d'habits aux coloris du Royaume du Nord et de la République du Sud se battaient les uns contre les autres, tuant sans une once de pitié envers leur adversaire désarmé. Des lances volaient, des cris étaient poussés, des balles sifflaient... C'en était trop. Cet excès de violence la répugnait à un tel point qu'elle en avait mal à la tête. Elle devait continuer, pourtant.

La jeune fille partit en courant vers la forêt sombre. De grands arbres tanguaient dangereusement et l'on entendait leurs grincements. Ses chevilles se tordaient maladroitement et elle devait se raccrocher à tout ce qui traînait sur son chemin pour ne pas tomber.

La terre tournait autour d'elle et son malaise augmentait au fur et à mesure qu'elle avançait. Elle s'arrêta, à bout de souffle et son cœur battant à tout rompre. Ses pieds lui paressèrent tout à coup très près de son visage ; elle chancela. Elle s'accroupit par terre en chien de fusil. Tout devint flou et elle sombra dans l'inconscience.

Quand ses yeux se rouvrirent, elle aperçut plusieurs visages penchés vers elle. Tous se ressemblaient à un tel point qu'elle crut voir double. Une femme rousse d'âge mûr se dirigea vers elle, épauler d'un homme tout aussi souriant qu'elle.

Elle se releva immédiatement du lit où elle était allongée.

- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle en tremblant. Où suis-je ? Qu'est-ce que fait ici ?

La femme leva les mains dans un signe d'apaisement.

- Tout d'abord, comment vas-tu ? Tu n'avais pas bonne mine, tout à l'heure...

La jeune fille hocha la tête comme pour dire "Oui, je vais bien".

- Je m'appelle Sally Vandenblaan et voici mon mari Albert, répondit la femme en désignant l'homme qui lui tenait l'épaule. Et tous ces enfants sont les nôtres, Alphonse, Rodolphe, Marianne, Hélianthe et les jumeaux Hendri et Andrew. Mes fils, qui étaient parti pêcher, t'on retrouvée ainsi, fiévreuse et t'ont emmené chez nous.

Un jeune rouquin, grand comme ce qui semblait être sa mère se tourna vers elle et lui sourit d'un air avenant.

- Et toi ? Comment t'appelles-tu ? Moi je suis Alphonse.

La jeune fille grommela une phrase que seule deux petit roux comprirent. Ils opinaient avec le menton alors que les autres membres de la grande famille les regardaient sans comprendre. En apercevant les visages ahuris de ses frères et sœurs, ils expliquèrent :

- Elle dit qu'elle... commença un.

- S'appelle Bianca Hillenburg, finit l'autre.

Elle regarda les jumeaux-car c'était assurément eux, la manière de compléter la phrase de l'autre en témoignait- avec reconnaissance. Même si c'était peu, elle n'avait pas parlé depuis des années, seulement échangé plusieurs plaintes avec d'autres captifs du camp. Quand ces souvenirs lui revinrent en mémoire, elle frissonna avec horreur, s'insultant intérieurement d'oublier aussi vite toutes ces horreurs et ceux avec qui elle les avait partagés. Les mots qu'elle avait prononcé avant de s'enfuir lui revint en mémoire : "Je suis la seule à pouvoir changer ce monde si cruel. Je reviendrais, un jour, je vous en fait la promesse".

Oui, c'est sûr, elle reviendra. Mais plus tard, beaucoup plus tard, quand elle aura le pouvoir de faire quelque chose.

ℓєѕ ƲσуαƓєυяѕ ∂єѕ Ƭємρѕ αηƇιєηѕOù les histoires vivent. Découvrez maintenant