Chapitre 1

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Une sonnerie stridente retentit tout près de mon oreille droite. Avec un grognement loin d'être élégant, je me tournai vers la provenance du bruit avant d'abattre ma main sur le réveil. Un "tic" m'indiqua qu'il se remettrait à sonner si je ne le désactivais pas avant cinq minutes. Je me relevai dans mon lit, une mèche de cheveux noirs de geai me retombant sur le visage. Je tendis ma main vers le réveil, m'en saisis et le désactivai, afin d'éviter une nouvelle cacophonie. Il m'indiquait "7:17". Je n'étais pas en retard. Du moins, pas encore. Rassemblant mon peu de volonté, je me levai, titubai jusqu'à ma chaise de bureau où j'avais posé mes habits et les pris avant d'aller à la douche. Lorsque j'en ressortis, j'étais vêtue d'un T-shirt blanc aux teintes grisées, et d'un jean bleu foncé unisexe. L'avantage d'être aussi masculine que moi, c'est que l'on économise vingt minutes de sommeil : les autres filles les utilisent pour se maquiller ; et moi, je dors. Je me plaçai devant le miroir, essayant d'arranger tant bien que mal mes cheveux rebelles : ils étaient raides, mais tous recourbés aux pointes, et d'un noir profond. Je les avais courts : j'avais toujours trouvé cela plus pratique. Ils étaient juste assez longs pour atteindre le haut de mes mâchoires. Mes yeux, quant à eux, étaient d'une banalité à toute épreuve : marrons. Juste marrons, sans nuances ambrées ou verdâtres. Je me fixai encore un peu, penchant la tête de côté, tout en songeant que j'étais d'une simplicité incroyable. Je tournai la tête vers ma fenêtre, située juste au-dessus de mon lit : un rayon de soleil traversant mes rideaux indiquait clairement que la journée allait être magnifique. Je pris mon sac de cours, préparé la veille, descendit les escaliers tout en enfilant ma veste en cuir et arrivai dans le séjour.

"Bonjour Thalya -me lança joyeusement ma mère, de bonne humeur- Je t'ai fait des crêpes au sucre pour le petit déjeuner !"

"Merci Maman -lui répondis-je en souriant.- Mais je vais être en retard si je les mange maintenant..."

Il est vrai : ma montre indiquait déjà "7:50" : si je ne voulais pas rater mon bus, j'avais intérêt à me dépêcher.

"Dans ce cas, prends les avec toi -enchaîna-t-elle en les emballant dans du papier d'aluminium sans même que je puisse lui donner une réponse. Elle me les tendit un instant plus tard- Tu les mangeras sur le chemin."

Maman, je t'adore. Je pris le casse-croûte qu'elle me tendait, avant de l'enlacer, comme à mon habitude. Puis, je partis de la maison tout en lui promettant de ne pas rentrer trop tard.

J'arrivai à l'arrêt de bus, trois minutes en avance. Mais elle était déjà là. Est-ce qu'elle m'avait attendue ? Est-ce que j'aurais du me lever plus tôt ? Est-ce qu'elle m'en veut de ne pas m'être dépêchée ?

"Thalya !" me cria-t-elle avant de se précipiter vers moi.

Arf. Ne cours pas aussi vite, imagine si tu tombes... Et ne me soumet pas l'image de tes cheveux flottants au vent. C'en est trop pour moi, dès le matin.

"Désolée du reta-.." commençai-je avant de perdre mes mots lorsqu'elle arriva à ma hauteur. Elle était plus petite que moi, mais d'à peine quelques centimètres. Ses cheveux raides et châtains lui tombaient sur les épaules dans un désordre complet, sans qu'elle sembla s'en soucier. Ses yeux au couleur de noisette me fixaient avec la joie d'une enfant à laquelle on a promis quelque chose. Même les quelques tâches de rousseur éparpillées sur ses pommettes avaient leur propre charme. Impossible de le nier : cette fille était parfaite. Trop parfaite.

"J'ai eu peur d'avoir raté ton bus ! J'ai cru que tu étais partie, tellement j'avais été longue..." avoua-t-elle tout en me regardant d'un air suppliant, comme pour ne pas la gronder.

"Je ne serais pas partie sans toi, enfin" lui répondis-je en souriant, tout en me rendant compte de ce que je venais de dire. Elle me sourit en retour, tout en penchant légérement la tête de côté. Je sentis mes joues s'enflammer : ce n'est pas humain d'être aussi adorable alors qu'il n'est même pas encore huit heures... Il y eut un léger silence durant lequel nos regards étaient rivés l'une sur l'autre. Il me fallait un sujet, n'importe quoi. Ses prunelles ambrées qui me fixaient... C'en était trop pour mon pauvre coeur. Une idée de conversation, aller, n'importe quoi... Je sais !

"Au fait ! Ma mère m'a fait des crêpes ce matin -annonçai-je joyeusement tout en montrant l'emballage d'aluminium- Je pensais qu'on pouvait les partager." Rappelez-moi de ne plus jamais avoir d'idées aussi stupides. Elle me regarda avec adoration pendant un moment. Un long moment. On aurait dit que j'étais devenue sa raison de vivre. Je sentis mes oreilles devenir rouges : si seulement cela pouvait être vrai... Mais le pire (ou le meilleur, d'un point de vue logique) vint ensuite : elle me sauta au cou, trop heureuse pour contenir sa joie. Sérieusement ? Pour des crêpes ? Maintenant, je veux lui offrir une bague de fiançailles, juste pour voir sa réaction.

"T'es géniale ! -répondit-elle enfin, une fois son étreinte relâchée- En plus, je n'ai pas déjeuné ce matin, car j'avais vraiment peur d'être en retard..."

Argh !Adorable, adorable, adorable. Par la suite, j'ai bafouillé une série de"ce n'est rien" et de "ce n'est pas grand chose" tandis queses yeux continuaient de briller du même éclat. Puis le bus est finalementarrivé.


Just A JokeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant