Chapitre 4

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A cet instant, mon organisme tout entier s'accéléra : les battements de mon coeur, la réflexion de mes neurones, le rictus de mes muscles et mon flux sanguin. Pourtant, en dehors de moi, j'eus l'impression que le temps s'était arrêté : tout était devenu silencieux. Il n'y avait pas un bruit, si ce n'est le résonnement de mon rythme cardiaque à mes oreilles. Tout était devenu blanc et calme. Si calme, que je craignais qu'Amélie ne puisse entendre mon coeur. Amélie... Elle était l'unique chose que mes yeux acceptaient de voir. Et son image se grava dans mon esprit. Elle tenait les manches de son sweat, contre ses joues qui étaient devenues écarlates, son regard cherchant désespérément une issue de secours. Toute son image était en parfait contraste avec le blanc immaculé de ma vision. Elle était si belle à cet instant... J'aurais souhaité qu'il ne s'arrête jamais. Mais quand je compris enfin le sens de ses paroles, le temps repris sa course habituelle.

Le bruit revint avec le passage d'une voiture sur ma droite. La lumière cachée du soleil par les nuages assombrit soudainement l'atmosphère. Il me fallait réfléchir, et vite. Elle venait de me dire qu'elle m'aimait. Une confession ? Elle m'aime réellement dans ce cas ? Que dois-je répondre ? Amélie semblait de plus en plus nerveuse. Il faut que je me dépêche. Je la connais, il ne reste que quelques instants avant que la tension ne devienne trop pour elle ; et à ce moment là, elle s'enfuira. Non. Je dois lui dire. Elle a fait le premier pas. A moi de lui prendre la main afin que l'on fasse le second.

"Je... C'est assez soudain mais..." commençai-je. Je fus coupée par son regard qui se braqua sur moi. Ses yeux timides étaient à présent emplis d'espoir. Mon coeur rata un battement. Dis lui. Dis lui ! "Je..." Aller, dis lui ! Dis lui ! "Je t'aime aussi !"

Un énorme silence s'installa entre nous deux. J'avais presque crié cette dernière phrase tant elle peinait à sortir. J'avais même fermé les yeux, comme si je devais la vomir. Mais lorsque je les rouvris, j'aurais préféré la cécité au spectacle qu'ils m'offraient. Amélie me fixait avec stupeur. Elle semblait horrifiée, paralysée. Comme si c'était moi qui m'étais confessée en premier, sans qu'elle eut dit quelque chose. C'est alors que je compris : hébétés, Enzo, Pauline et Michel se trouvaient cachés derrière une camionnette garée sur le bas-côté. Ils étaient assez proches pour avoir retenu toute la conversation, si l'on peut appeler ça comme tel. Ils ne regardaient pas Amélie. Non, ils ne regardaient que moi. Pourquoi..? Suis-je la seule fautive..? Qu'ai-je fait..? N'ont-ils pas entendu ce qu'Amélie m'a dit..? Et pourquoi semble-t-elle si stupéfaite..?

"Amélie, qu'est-ce que...?" balbutiai-je.

Elle recula lentement avant de s'enfuir. Son départ me laissa seule... Et trahie. J'étais si dévastée que je remarquai à peine Enzo qui s'avança vers moi, tout en gardant une certaine distance.

"Je... Je suis désolé... On.. On avait tous remarqué que tu étais plutôt proche d'elle, alors... J'ai pensé que.. Ca pourrait être drôle..." Il était tellement mal à l'aise que je crus qu'il allait s'enfuir lui aussi. Personnellement, j'étais bien trop perdue pour réagir à ses paroles. "Que.. Qu'elle se confesse à toi et.. Juste pour voir.. Ta réaction..? ...."

Ma...Réaction ? J'aurais voulu lui hurler que j'aimais Amélie plus que tout au mondeet que je préservais mes sentiments depuis des mois, attendant le bon moment.J'aurais voulu crier à l'univers entier mon chagrin d'avoir perdu ma chanceavec elle. J'aurais voulu giffler Enzo puisque c'est lui qui avait eu l'idée.J'aurais voulu courir après Amélie pour lui expliquer. Ou du moins, j'auraisvoulu leur rappeler qu'on ne joue pas avec les émotions des autres. Ma paralysiem'abandonna soudainement et je m'effondrai à genoux, devant Enzo. Mais... Quelétait réellement le fond de cette blague ? Ils se sont moqués de moi... Tous.Même Amélie. Oui. La compréhension se faisait peu à peu... Ah. C'était donc ça.Amélie ne m'aimait pas. Elle a juste joué le jeu. Oui, c'est ça. Ils ont jouéavec mes ressentis. Ils m'ont fait croire à ce qui était mon but, mon rêve.Oui. Mes amis m'ont fait ça. Et maintenant, ils ont peur de moi. Mais rien degrave. Ils ont joué avec mes chances d'être aimée en retour. Ils ont joué avecmes sentiments. Ils ont joué avec Amélie et moi. Mais ce n'est pas important.Demain, tout ira bien. Puisque ce n'est qu'une blague.


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