Pretty boy [TK]

Chapitre 22

Les deux hommes avaient réussi à rejoindre la rue par la porte dérobée pour la première fois cette nuit-là.

Ils avaient passé le plus clair de leur nuit à se balader dans les parcs et les rues à peine illuminées par la lumière orangée des lapidaires. Ils avaient énormément parlé.

Le garçon de joie, au début réticent et timide, avait fini par s'ouvrir en voyant que les intentions du brun étaient sincères. Ils s'étaient raconté les grandes lignes de leurs vies, de leur entourage et de leurs goûts puis avaient fait une halte pour se restaurer dans un fast-food ouvert tardivement.

Pour la première fois depuis le début de leur conversation, ils osèrent aborder le sujet délicat qu'était le métier de l'homme aux cheveux d'encre.

- Est-ce un choix ? avait demandé le brun avec curiosité.

Le garçon avait été étonné par le ton qu'avait employé l'homme, n'y décelant aucune trace de jugement, chose qui ne lui était jamais arrivé en parlant de son métier peu commun.

- Non.

La réponse du garçon avait été claire et sans appel. Pourtant, il fut étonné en relevant les yeux de ne lire dans ceux de Jungkook que de l'écoute et de la patience. Confiant, rassuré, V lui raconta donc son parcours.

- J'habitais à Daegu à l'époque. Quand j'étais encore tout jeune j'allais au lycée pour mon premier jour et rentrais tout heureux chez moi, fier d'être enfin comme un grand. Mais en entrant dans la maison de mes parents, pas une trace d'eux. La maison était vide, complètement vide. Je suis resté dedans un moment, puis des gens sont venus, des policiers et un genre d'assistante sociale qui m'a expliqué très calmement que j'allais déménager pour intégrer une famille d'accueil à moins que j'ai un membre de ma famille qui voulait bien m'héberger. Je me suis donc souvenu d'une tante qui vivait à Séoul et c'est comme ça que j'ai rejoint la capitale. Ma tante vivait seule, elle travaillait dans un petit bar de prostituées comme telle. Ses collègues et elle m'ont appris la vie, elles m'ont fait devenir un homme, rajouta-t-il avec un rougissement entendu.

Le noiraud tripotait la paille de son soda, incertain de la réaction du brun après le début de son récit déballé d'une traite. Ne lui laissant pas le temps de réagir, il reprit son monologue.

- Ma tante est décédée dans un accident de voiture quelques mois avant ma majorité. Je me suis subitement et de nouveau retrouvé sans argent, sans logement et sans rien pour survivre. Le gérant de la maison close m'a proposé de m'accueillir à condition que j'y travaille comme prostitué. C'était ma seule option, blanchi, logé, nourri, j'ai accepté.

Il releva les yeux, gêné par le silence de plomb seulement ponctué des bruits stridents émis par les machines aux cuisines. Le noiraud leva les yeux avec étonnement quand il sentit la banquette s'affaisser à ses côtés.

Jungkook, qui avait pris place tout près de V, lui lança un regard bienveillant et semblant demander au garçon sa permission. Sans attendre, ce dernier vint se hisser à califourchon sur les genoux du brun et se blottirent l'un contre l'autre.

Jungkook berça le garçon un moment, savourant son odeur douce et les cheveux d'encre qui lui chatouillaient le creux se la nuque.

- Tu n'as jamais voulu partir de cet endroit ?

Jungkook frisonna quand il sentit les lèvres de V titiller la peau laiteuse de son cou alors qu'il articulait faiblement :

- Bien sûr que si... Tu sais, j'aimerai avoir un meilleur métier, une famille heureuse, une maison, un couple et des amis...

Il frémit et se dégagea de l'étreinte, la tête baissée.

- Excuse-moi. J'en ai trop dit, tu restes un client. On doit rentrer.

Le visage fermé, le garçon, que Jungkook se pressa de rejoindre, reprit le chemin du retour.

Tous deux frissonnaient, mordus par le froid nocturne. Après quelques longues minutes de marche silencieuse, Jungkook osa glisser sa main dans celle du garçon.