Prologue

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Alicia

Drrrrrrrriiiiiiiiiiiinnnnnnnng !

Déjà ! me dis-je dans ma tête. Il est 3h45, je buffle dans mon lit. Mais j'ai pas le choix, il faut que je me lève alors même si ma tête est loin d'être réveillée, que mes muscles sont endoloris et que je n'ai aucune motivation, je me bouge ! Je prends rapidement une douche pour me réveiller un peu plus, puis je me sèche et me coiffe rapidement, un chignon et ça fera l'affaire. J'attrape un leggings de sport et un haut à manches longues qui retient ma chaleur corporelle, puis je descends les escaliers de ma maison, enfin de la maison de mes parents plutôt ! Faut pas déconner, j'ai rien fait pour avoir ce petit palace. Rendons à César, ce qui appartient à César ! Je prépare un café, prends une banane et mange ce que je pourrais nommer petit-déjeuner, enfin le premier de la matinée en tout cas. Alors que je regarde quelques vidéos Tik Tok pour me changer les idées, je me souviens alors qu'on est vendredi. Alors oui je sais ma morning routine ne fait pas rêver mais là le sourire s'installe immédiatement sur mon visage, je n'ai jamais été plus heureuse qu'en ce moment même. C'est la dernière journée de travail de mon contrat saisonnier ! Plus qu'un an d'étude et je serais dans la vie active, finit les études et finit les jobs saisonniers !

Soudain, mon bonheur se renfrogne, il est l'heure. Le plus discrètement possible, je quitte la maison, m'engouffre dans ma clio 3 et allume les phares. Quinze minutes après, je passe la porte de l'usine. Je m'habille en cinq minutes d'une tenue blanche, une charlotte sur la tête, un masque sur le visage, une capuche et des bottes en caoutchouc. C'est parti ! Ne soyez pas trop en joie, ça va vite être décevant. Je pointe, il est 4h29 ! Une minute d'avance ! me dis-je en enfilant mes gants en laine. Je le sais, j'embauche à 4h30, ça veut dire que je commence au four ! Ma coéquipière a déjà tout installé, j'ai juste à prendre un casque anti-bruit et à me positionner devant l'énorme machine qui ne ressemble en aucun cas à four traditionnel. Elle me fait signe que je peux commencer. J'attrape les morceaux de viande crue et les installe sur cette grande grille en sa compagnie. Alors oui vous pourriez vous dire qu'on peut discuter et j'ai voulu essayer mais impossible, on ne s'entend pas donc abandonnez l'idée tout de suite ! A la place on se fait des signes de mains, on joue de notre langage gestuel et corporel. Et croyez-moi, au bout de 4 heures dans la même position, face à la même viande, je commence à m'étirer sur les côtés, mon dos en a marre, il faut que je change de position. Bien-sûr, ma coéquipière le remarque et me dit que c'est le dernier baril de viande et qu'après on part en pause ! Ça me motive, on en a pour une vingtaine de minutes pour finir. Ça y est, le chef d'équipe se rapproche, il nous dit qu'on peut partir en pause. Je pointe, il est 8h56. J'ai vingt minutes de pause et pas une de plus ! Vous vous en doutez, dans des cas comme ça, je suis hyper rapide dans mes mouvements, j'enlève ma tenue de travail en 2 minutes, prends ma gourde et le petit sac que je m'étais préparé la veille et je sors dehors. On est le 19 août 2022, alors oui il fait bon, il fait même déjà chaud malgré l'heure. Je m'installe seule sur une table de pique-nique et d'ailleurs, je prie intérieurement pour que personne ne me rejoigne, c'est mon petit moment à moi ! Je prends alors mon second petit déjeuner, un jus d'orange, une compote et une barre de céréales, tout ce qui peut me redonner un peu d'énergie ! Je mange tranquillement et hop, pas le temps de niaiser, faut que j'y retourne. Je croise ma coéquipière qui revient en même temps de sa pause cigarette et on papote rapidement tout en s'habillant en tenue de travail. On pointe, il est 9h16 ! Pile poil ! Le chef d'équipe me demande de me remettre au four le temps que les autres fassent leur pause.

On me remplace finalement une petite dizaine de minutes après et je dois me rendre sur la ligne. La cheffe de ligne n'est pas encore revenue mais en attendant, je remets des sacs poubelles en place et je m'équipe d'un tablier en plastique, de manchettes et de gants en plastique pour me préparer. Elle arrive et me dit que je peux commencer. Après avoir touché de la viande crue et froide, je me retrouve avec de la viande brûlante et un chariot à rouler en faisant des vas et vient entre la sortie du four et les barquettes en plastique de la ligne. Les autres membres de l'équipe sont sur la seconde ligne, je suis donc seule mais ce n'est pas un problème, je serais plus efficace si personne ne me parle. D'ailleurs, je n'ai personne en bout de ligne, enfin si mais c'est aussi elle qui gère l'autre ligne, une intérimaire ne s'est pas pointée ce matin, donc on galère ! Ce n'est pas très grave puisque je fais arrêter la machine à chaque fois que je fais un aller-retour, ce qui laisse le temps à la cheffe de ligne de venir prendre les barquettes et de les installer sur la palette. Il est bientôt 11h10 et on vient de me dire que toute la viande est placée sur la grille de four. Il me reste donc 20 minutes avant de récupérer l'entièreté du produit. Je finis donc et ma cheffe de ligne, Fabienne, qui au passage est l'une des personnes que j'ai le plus apprécié pendant mon été, me propose de faire mon bout de ligne, ce que j'accepte. Je l'adore et c'est franchement facile de faire le bout de ligne, je n'en ai pas pour longtemps. Puis, je commence le nettoyage de la ligne. Soudain, il est 11h40, et les premiers de l'équipe d'aprem arrivent. Le chef d'équipe de l'aprem qui lui est arrivée dès 11h vient me dire que j'ai fini et en disant cela, il se souvient que c'est mon dernier jour. Je m'entends bien avec lui, il est sympa et c'est lui qui m'a accueilli le premier jour donc la boucle est bouclée comme on dit. Je lui rends mon badge et non sans émotions envers les quelques personnes que j'apprécie vraiment dans l'usine, je quitte le bâtiment muni de toutes les affaires de mon casier. Je remonte dans ma voiture, le sourire au visage mais rapidement je pense au fait de rentrer et mon sourire s'efface, songeant à tout ce chemin parcouru et à l'angoisse de tout ce qui peut advenir de moi. Dans un an, il faudra que je me trouve un job et s'il vous plaît, faites que je n'ai plus jamais à remettre les pieds ici ! Faites que l'usine devienne un lointain souvenir. Alors, voilà, je me présente Alicia, j'ai 22 ans et je ne veux pas travaillé à l'usine. C'est mort, j'ai tenu la première année de ce master en communication numérique, je m'arracherais jusqu'au bout pour le finir. Et ensuite, à moi la vie de rêve en tant que chargée de communication ou bien que webmaster !



SurqualifiéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant