Chapitre 2

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Stiles faisait face au miroir depuis deux bonnes minutes déjà, l'air peu convaincu. Il avait le visage un peu pâle, les traits tendus par la fatigue. Si c'était ça qui le dérangeait ? Absolument pas. Il se savait épuisé et, fort heureusement, les quelques heures qu'il avait passées à dormir dans la voiture lui avaient permis de se reposer un peu. Néanmoins, il comptait se coucher bientôt. Il devait juste avancer ses devoirs avant de retourner dormir. Il avait cours le lendemain, et un tas d'exercices à faire. Le jeune homme avait beau savoir que sa vie serait courte, il ne négligeait pas ses études. Comme si, plus tard, elles lui serviraient à intégrer une université, une école. Comme si Stiles aurait une vie après ses dix-huit ans.

Stiles se mordit la lèvre inférieure sans cesser de fixer son reflet. Dans un coin de la salle de bain, son père était là. Il l'observait sans rien dire. Le sachant faible, il préférait se tenir à ses côtés pour l'instant, près à agir s'il le voyait vaciller.

- Qu'est-ce qui te dérange, fils ? Finit-il par demander devant l'expression gênée et sérieuse de l'hyperactif.

Ses yeux avaient retrouvé cette couleur miel tirant sur le whisky. Une couleur chaleureuse et banale, qui cachait tout de sa véritable nature.

- Elles sont plus claires que les autres, répondit le châtain qui clairement embêté par ce fait.

Il se regardait, sans cesse et peu à peu, Noah ressentit son inquiétude, presque autant qu'il la vit. Alors, il essaya de voir ce que Stiles voyait. Pour lui, il n'y avait aucun problème : la paire de lentilles qu'il avait mise lui semblait en tous points semblables aux précédentes.

- Je ne vois aucune différence avec les anciennes, dit-il pour le rassurer.

Et dans le même temps, il était honnête. D'ailleurs, il n'était pas vraiment surpris par le stress de Stiles : son fils avait tendance à faire très attention aux détails. Il était comme ça : minutieux dans ses gestes et dans ses observations. S'il trouvait lesdites lentilles plus claires que les dernières qui avaient fondu, c'était sans doute vrai. Mais lui seul y ferait attention.

Dans le miroir, Stiles lança un regard de biais à son père.

- Je te dis qu'elles sont plus claires, rétorqua-t-il sur un ton en apparence agacé...

... Qui trahissait une inquiétude aussi claire que profonde. Une inquiétude tout à fait légitime, que Noah identifia et comprit sans difficulté. Doucement, il s'approcha de lui et posa sa main sur son épaule. Même si les deux Stilinski n'étaient pas très porté sur les contacts physiques, ils essayaient chacun de faire des efforts depuis quelques temps. La vie était courte et il y avait quelques jours, Stiles lui avait exprimé son souhait de... Passer plus de temps avec lui et moins lésiner sur les démonstrations affectives. Le contact en faisait partie. S'il ne venait parfois pas de lui-même, c'était Noah qui essayait de s'en charger pour compenser. Dans cette relation père-fils, ils avaient tous deux conscience que des efforts mutuels étaient nécessaires tant qu'ils en avaient encore le temps. Stiles disait souvent que son pire cauchemar serait de mourir avec des regrets plein les poches. Ne pas se rapprocher de son père alors qu'il en avait l'occasion en était un.

- Ils ne verront rien, Stiles, fit Noah avec aplomb.

Après tout, Stiles et lui cachaient leur véritable nature depuis toujours et elle n'avait été découverte par personne jusque-là. Même la meute dont l'hyperactif faisait partie ne se doutait de rien, tant les efforts qu'il déployait pour cela étaient monstrueux. Alors oui, Noah était à peu près certain qu'aucun des loups-garous avec qui il passait la plupart de son temps ne remarqueraient rien. Pas le moindre changement au niveau de ses yeux. La nuance était trop légère et pourtant, Noah faisait aussi attention aux détails. Peut-être un peu moins que Stiles, mais suffisamment pour pouvoir parler.

L'hyperactif soupira et passa une main dans ses cheveux en fixant à nouveau son reflet. Cette fois, aucun agacement dans sa voix, son attitude ou sur son visage. Juste cette inquiétude pure et dure qui ne le quittait pas.

- S'ils découvrent que...

- Fils, calme-toi et regarde-moi.

Stiles s'exécuta mollement. Noah posa ses deux mains sur ses épaules et les serra doucement.

- Crois-moi, ils ne verront pas la différence. Que tu saches qu'elle existe et que tu ne l'oublie pas, c'est bien. Mais tu es le seul à la voir, le seul à y faire attention. Personne ne verra rien. Si la meute n'a jamais rien découvert de ce que tu es vraiment, tu crois qu'elle fera attention à des lentilles de contact ? Crois-moi, la couleur est si semblable aux anciennes que l'illusion est parfaite.

Stiles ouvrit la bouche, s'apprêtant à dire quelque chose, mais la referma. Il ne trouvait pas les mots pour s'exprimer. N'y arrivait pas.

Noah lui sourit, doucement. Ses émotions, il ne faisait pas que les voir : il les sentait avec une puissance incommensurable. Sur ce plan-là, mieux que des loups-garous. Mais derrière, son sourire, une tristesse qui ne cessait de croître, mais qu'il mit de côté. Stiles s'inquiétait déjà, avant, mais il arrivait directement ou à passer à autre chose, ou à trouver des solutions rapides. Là, il restait fixé sur ce problème et se concentrait uniquement sur ses conséquences potentielles. Disons que les choses changeaient. Noah et Stiles savaient l'un comme l'autre que le temps passait à la fois lentement et rapidement. Et l'hyperactif avait une idée précise de la manière dont il voyait sa disparition – elle était d'ores et déjà préparée, orchestrée. Tout était prêt à l'avance. Parce que dans la vie, tout était une question de temps. Il était partout, étiré ou écrasé, modelé selon les moments passés.

Alors forcément, Stiles avait peur que, si près de la chose, tout déraille. Personne ne devait rien savoir, même lorsqu'il s'en irait. Sa véritable nature se devait de rester secrète. Le dernier souvenir qu'il voulait laisser à ses amis sans que ceux-ci ne se doutent de quoi que ce soit ? L'image d'un humain qui souriait à tout, tout le temps. Dont le sarcasme agaçait, mais qu'on aimait en secret sans trop se l'avouer.

L'être qu'il était réellement ne reluisait pas autant.

- Ils ne sauront rien, Stiles, répéta Noah, qui imaginait très bien dans quelle direction ses réflexions partaient.

Et si ça lui faisait un mal de chien, il préférait garder ça pour lui. En cela, il trouvait son garçon très fort : il songeait à sa mort sans difficulté, sans peur. Disons que Stiles y était préparé depuis son enfance. Dès le moment où il avait été en capacité de parler et de comprendre le sens des mots, on lui avait dit qu'il mourrait jeune. Un enfant de trois ans n'avait pas forcément besoin d'entendre et de savoir des choses pareilles... Mais on n'avait pas caché la vérité à Stiles. On la lui avait dite froidement, dans un temps où à côté de cela, on essayait de réduire ses émotions au silence.

Le monde des Psis se fichait de l'âge.

Stiles était né doté d'un pouvoir immense, un pouvoir qui causerait sa perte. Au sein de son espèce, on ne se préoccupait pas du choc que pouvait occasionner pareille annonce et si l'enfant ne la comprenait pas, on lui expliquait mieux, ou on lui montrait des images.

Stiles avait compris.

Il n'avait pas oublié.

Concernant ce sujet-là, Noah ne l'avait jamais vu se plaindre, ou même pleuré. Peut-être l'avait-il fait, enfant, devant cet instructeur, celui qui avait découvert ce qu'il était. Un bijou d'une rareté indéniable. Un diamant... Qu'il fallait briser pour le polir. Stiles aurait-il été le même si on ne lui avait rien dit ou si on avait attendu qu'il soit plus grand ? Que se serait-il passé si on lui avait amené la chose doucement ?

- Papa ? L'appela Stiles d'un ton peu assuré.

Noah revint à la réalité. Il tenait son fils par les épaules dans un geste peut-être devenu un peu sec à cause des pensées vers lesquelles il s'était dirigées. S'en rendant compte, il commença à s'éloigner doucement, mais Stiles secoua la tête. La baissa un peu. Murmura quelques mots en serrant les poings. Noah n'avait peut-être pas une vue lupine, mais il les voyait, ces tremblements. Ils étaient très légers, mais présents. En cet instant, Stiles lui donna l'affreuse impression... D'être un petit garçon. Un enfant effrayé.

- Je peux avoir un câlin... S'il te plaît ?

Son cœur ratant un battement, Noah n'hésita pas une seule seconde.

La résurgence du phénix 2.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant