Chapitre 7

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- Stiles, ça suffit.

La voix de Noah ne laissait entendre aucun reproche, aucun ordre réel : elle traduisait juste une certaine lassitude teintée d'un très léger agacement. Disons que Stiles, à force de marcher, avait dû faire l'équivalent de plusieurs kilomètres dans son bureau – qu'il avait fouillé de fond en comble à la recherche de caméras ou de micros en tous genres. C'était seulement après, qu'il avait accepté de lui parler, de lui faire part du motif de sa venue. Ses inhibiteurs ? Il les avait remis, bien sûr... Après avoir localisé son père au poste. Au vu de l'heure qu'il était, il n'y avait rien de plus logique à ce qu'il y soit et pourtant... Pourtant, il avait eu besoin de s'en assurer pour se rassurer. Lorsqu'il se mettait dans un tel état d'urgence, Stiles ne réfléchissait plus comme il le fallait, tant et si bien que la logique devenait un concept des plus flous... Pour ne pas dire que le mot en lui-même disparaissait carrément de son vocabulaire.

- Assieds-toi, autrement tu vas finir par me donner mal au crâne, soupira Noah en voyant que son fils continuait d'aller et venir devant son bureau.

Et avec son air mélangeant confusion et angoisse, Stiles lui paraissait foudroyé par une folie étrange. Son visage montrait une peur particulière, cette peur primale que Noah lui-même n'avait pas éprouvée depuis longtemps. S'il devait être honnête, il avouerait qu'il la ressentait. Mais il la cachait... Allait jusqu'à la dissimuler à son unique progéniture – ce n'était pas la peine d'aggraver son état. Au contraire : il se devait de faire tout ce qui était en son pouvoir pour le calmer. Si son bureau était, techniquement, insonorisé, il n'avait rien d'un endroit véritablement sûr. L'affolement de Stiles, s'il finissait par être remarqué, risquait de poser problème. Alors oui, Noah avait tiré tous les stores, mais... Il suffisait qu'un Psi passe par là, et ils seraient finis.

- Stiles, ne m'oblige pas à me répéter une troisième fois, le prévint-il.

Cette fois-ci, sa voix avait des accents de menace et témoignait en silence de la puissance qui faisait de lui celui qu'il était. Un Psi sous couverture humaine, un survivant caché par une faiblesse de façade.

L'hyperactif cessa enfin d'aller et venir dans toutes les directions possibles. Cependant, son visage affichait toute la torture qui l'habitait... Si bien que Noah se leva de son bureau et s'approcha de lui. Le fixa un moment, avant de l'attraper par les épaules et de lui dire ceci :

- Il faut que tu te calmes, fils. Ce n'est pas en t'affolant de la sorte que la situation va s'arranger en un claquement de doigts.

- Peut-être, concéda l'hyperactif, mais on doit faire quelque chose, on ne peut pas... Simplement rester là et faire comme si tout allait bien. On est en danger, Papa...

Noah pressa doucement ses épaules. La façon dont la voix de son fils se cassait lui brisait le cœur, d'autant plus qu'il comprenait parfaitement les raisons de sa terreur. Et pourtant, il se devait de garder la tête froide en toutes circonstances. Il en allait de leur survie à tous les deux. Alors, il le regarda dans les yeux.

- C'est justement parce qu'on est en danger qu'on ne doit pas attirer l'attention, lui rappela-t-il d'un ton un peu plus dur qu'il ne l'aurait voulu.

Et Stiles le savait. Bien sûr qu'il le savait. A vrai dire, seul, il pouvait gérer ses émotions. Lorsque son paternel se retrouvait concerné, la chose devenait tout de suite plus difficile à appréhender. Stiles n'avait plus qu'un père et il n'avait pas la moindre intention de le perdre. Paradoxalement, il se retrouvait démuni de tout courage, toute tendance à l'initiative. Il avait peur et se retrouvait aussi vulnérable que pourrait l'être un enfant.

Stiles poussa un soupir tremblant. Il n'aimait pas l'état dans lequel il se mettait, lui qui passait son temps à se contrôler et... Qui arrivait, la plupart du temps. Pourquoi fallait-il que son contrôle sur lui-même s'effiloche de cette manière ? Il vivait en permanence avec la peur au ventre mais savait la cacher aux yeux de tous, ou lui trouver une origine différente de la vérité. Jusqu'à maintenant, il ne s'était jamais fait repérer, mais... Il sentait que ça pouvait changer. Il s'était toujours senti protégé par son identité humaine mais voilà que celle-ci lui faisait soudainement l'effet d'un manteau troué. Il laissait passer l'air, faisant apparaître certaines parties de son corps fin. Stiles se sentait atrocement vulnérable alors qu'il possédait un pouvoir à la puissance démesurée. Il était là le paradoxe, elle était là, la faiblesse... Parce que c'était ce même pouvoir qui n'allait pas tarder à causer sa perte au sens propre du terme. De cela, il était d'ailleurs parfaitement au courant et tout avait été prévu pour qu'il puisse le laisser le consumer dans le plus grand secret.

Mais là, les choses se passaient étrangement et... Rien ne correspondait à ce que son père et lui avaient prévu.

- Voici ce qu'on va faire, fiston. Tu vas sortir de mon bureau l'air ennuyé, comme si j'avais refusé de te laisser regarder mes dossiers et tu vas rentrer à la maison sans te presser.

- Ne me demande pas d'agir normalement, le supplia l'hyperactif, l'air de pouvoir s'effondrer à tout instant.

- C'est exactement ce que tu vas faire. Tu le dois, Stiles.

L'hyperactif ferma les yeux avec force. Il n'en avait pas envie... Et n'était pas certain de s'en sentir capable. C'était pourtant ce qu'il faisait tous les jours, mais... Cette fois, il y avait une différence, et pas des moindres.

Stiles avait l'habitude de craindre une menace. Elle se situait désormais aux portes de son existence. Ils étaient à Beacon Hills. Partout, sans doute, et ils avaient déjà commencé à agir.

Le jeune homme, complètement chamboulé, se laissa aller jusqu'à finir dans les bras de son père, dont il avait véritablement besoin. Sans réconfort, sans affection, il n'avancerait pas, ne réussirait pas à se ressaisir, à sortir de ce bureau son masque parfaitement renfilé. Et Noah le comprit autant qu'il le sentit. Son apparent sang-froid s'effilocha un instant mais par chance, Stiles ne le vit pas, tout comme il n'écouta pas les instincts liés à son pouvoir – son état émotionnel ne le lui permettait pas.

- Tu en es capable, fils, lui dit patiemment Noah en lui caressant le dos. Tout ce que nous devons faire, c'est rester discrets pour le moment. Nous empresser de partir ne ferait qu'attirer l'attention sur nous.

Et Stiles savait qu'il avait raison, mais la peur l'emportait pour l'instant sur tout le reste. Elle passerait, comme toujours. Bientôt, l'habitude reprendrait ses droits, étreindrait Stiles jusqu'à l'étouffer, le forçant ainsi à garder la tête froide. Mais pas maintenant, pas encore. Elle l'autorisait à redevenir, l'espace de quelques minutes supplémentaires, cet enfant qui avait grandi un peu trop vite et à qui l'on n'avait pas laissé le droit de ressentir la moindre émotion. Cette chose-là, elle était arrivée tardivement et si elle l'avait sauvée... Stiles savait qu'il lui manquerait toujours cette enfance-là, ce cristal d'innocence, celui qu'il n'avait jamais eu.

L'étreinte paternelle le rassura quelque peu et l'aida à endiguer le début de crise qui s'apprêtait à prendre possession de lui quelques instants plus tôt. Noah avait raison et ce, depuis le départ. Tant qu'aucun soupçon ne se porterait sur leur petite famille, mieux valait faire profil bas. Ce temps-là serait bien sûr utilisé à bon escient et rentabilisé comme il le fallait : Stiles et Noah allaient devoir établir un plan pour s'en aller sans attirer l'attention... Et trouver un endroit sûr.

- Ne nous pressons pas, lui conseilla Noah d'une voix étonnamment rassurante. On les a dupés jusqu'à maintenant, on sait comment faire et on va continuer tant qu'on le peut.

Le jour venu, on s'en ira et on passera à une autre vie, entendit Stiles, qui n'avait pas encore réalisé tout ce que ces simples mots signifiaient, l'ampleur de leur importance.

La résurgence du phénix 2.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant