Chapitre 1 : L'épreuve

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         Je resserre la natte de mes cheveux noir ébène. Attachés de la sorte, ils ne me gêneront pas durant l'épreuve. L'épreuve est un passage obligé dans la vie de tout Khorn. D'autant plus pour le clan du cerf. Mon clan. Gardien des traditions de nos ancêtres.

          Chaque enfant doit passer l'épreuve pour devenir un membre du clan. S'il réussit, il en devient digne d'être de ce dernier, pouvant alors fonder une famille et créer sa hutte dans l'enceinte du village. Cependant, s'il échoue, il est obligé de quitter le clan. Il devient alors un exilé, un paria forcé de quitter sa terre natale.

          Peu de personnes échouent l'épreuve mais j'ai toujours redouté ce moment. Tout jouer sur deux semaines à de quoi en inquiéter plus d'un. Je suis le fils du chef et son successeur. Tout l'honneur de ma famille, et même du clan, repose sur mes épaules.

- Tu es prêt ?, commence mon ami Orgrick depuis l'embrasure de la porte.

          Il a passé l'épreuve à peine un mois plutôt, revenant le dernier jour. Il s'en est fallu de peu pour qu'il ne revienne jamais. Un tigre l'a poursuivi pendant une bonne partie de l'épreuve. Orgrick l'a finalement combattu, et à l'aide d'une lance, faite main, l'a vaincu. Mais le félin a failli l'emporter avec lui. La grande balafre parcourant son torse est là pour en témoigner. Maintenant c'est mon tour. Je n'y arriverais jamais. Je n'ai ni sa force ni son courage, et lui y a presque laissé la vie.

          Le rite n'est pas dur en soit mais le temps réglementaire pour réussir est juste suffisant. Ceci fut la cause de la plupart des échecs. On doit parcourir les montagnes d'Art' afin de rencontrer tous les clans, et de récupérer l'emblème de chacun. Mais il ne suffit pas de se pointer devant chaque chef de tribu... Tous veulent voir notre valeur, et donc, ils nous testent chacun à leur façon. Aussi, la chaîne de montagne d'Art' est loin d'être sans danger.

          Mon ami me regarde de sa haute stature. Il a le crâne rasé couvert de tatouages qui descendent jusque dans son dos. Ils représentent le feu qui l'anime lors de chaque combat. Il ne porte qu'un simple pagne et deux ceintures en diagonales formant une croix sur son torse. Il est aussi carré qu'une armoire. Dans le clan, on l'appelle le buffle.

- Oui, répondis-je, Je crois que je suis prêt pour ce moment depuis déjà quelques temps.

- Tant mieux. La cérémonie ne va pas tarder à commencer...

          Comme pour lui donner raison, les tambours firent résonner, dans toute la vallée, leur timbre dans un rythme lent et solennel. Je m'apprête à quitter la hutte, mais avant de sortir, je jette un dernier regard en arrière. Même si je réussi, je ne retournerai pas dans le domaine familial, préférant créer ma propre demeure de mes mains.

          Je sors. Dans la nuit d'un noir intense, un chemin formé de deux rangées de torches me guide jusqu'à la porte du village. Tout le clan s'est réuni pour l'occasion. Ils attendent que je m'avance sur le chemin, entre eux. Orgrick, les ayant rejoints, me lance un grand sourire, m'encourageant.

          Mon rythme cardiaque s'accélère. Je le sens tambouriner dans mes tympans. À moins que ce ne soit les tambours que j'entends... Mon cœur bat tellement vite qu'il se fond dans l'orchestre. Je fais le premier pas ! Les tambours redoublent d'ardeur. Le village se met à clamer un chant d'un ton grave et monocorde. Je marche...un pas après l'autre... au rythme de la musique.

          Le chemin de pierre me guide vers la porte est. Une porte faite en bois massif de plusieurs mètres de haut. De nombreuses gravures y sont incrustées : des ours dressés de toute leur hauteur sur les piliers principaux ouvrent la voie pendant que, sur la traverse, deux sangliers de profil fixent une tête du cerf, emblème du village.

          La porte donne sur la pente est des montagnes d'Art'. Bien que notre village se situe dans la vallée, la pente y est déjà bien abrupte, de ce côté du clan. Mon père, le chef, m'attend devant. Il est vêtu d'une cape faite en peau de cerf dont la tête orne la sienne comme un casque. Les bois de l'animal rajoutent à sa prestance. De sa posture altière, il tient le bâton du clan dont le haut, sculpté, représente aussi notre emblème.

          Je m'arrête à quelques pas de lui. Il tape deux fois sur le sol de son bâton. Soudain, la clameur du village s'arrête. Ils gardent tous un silence respectueux. Je me retourne, apercevant mes amis dans la foule dont Orgrick, me saluant d'un hochement de tête. Mon père commence de sa voix grave :

- Mon fils, Taurak ! Aujourd'hui est venu le jour pour toi de montrer à tous que tu es bien des nôtres. Comme ceux avant toi, tu vas devoir prouver ta valeur. Puissent nos esprits te guider dans ton épreuve !

          À ce moment, deux femmes, le visage peint en blanc, s'approchent de moi. Elles trempent leurs doigts dans un bol de terre cuite rempli de la même peinture. Elles commencent à dessiner sur mon torse nu des symboles. La texture du liquide accentue le ressenti du vent froid sur ma peau.

- Tu vas devoir vaincre les dangers de la montagne et gagner chacun de nos clans pour recevoir leur bénédiction. Si tu réussis, tu pourras revenir parmi nous en tant qu'homme. Néanmoins, si tu échoues, c'est que les esprits t'auront quitté et donc tu n'apporteras que malheur sur le clan. Tu seras alors banni, et tu devras trouver ta place ailleurs. Pour commencer ton épreuve reçoit notre emblème et notre protection !

          Un garçon, à peine plus jeune que moi, apporte sur un plateau : un collier avec un pendentif de cerf et un long couteau fait de nos meilleurs matériaux par nos druides. Je passe le collier autour de mon cou, et ceint l'arme à ma taille.

- Tu es prêt, déclare-t-il solennel, Que l'esprit du cerf guide tes pas !

          Il s'écarte. Je lui passe devant, lui jetant un coup d'œil au passage. Il a l'air confiant. Pourquoi ne le serait-il pas ? J'ai toujours réussi ce que j'ai entrepris. Cependant, aujourd'hui est différent. À partir d'aujourd'hui, je ne pourrais compter que sur moi. Je passe la porte, seul, devant mon destin, devant la noirceur de la forêt. A partir de maintenant, j'ai quatorze levés de soleil pour mener à bien ma quête !

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