Chapitre 04 : Le cercueil vide

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-Londres a besoin de toi.

Je regarde mon frère, caché sous une fausse barbe et un long manteau. Je ressens le froid bien plus que lui, en plus des blessures qui me brûlent et de la faim qui tord mes boyaux. 

Et enfin je suis de retour. 

Londres.

Ma ville. Là où je me sens le mieux. Il aura fallu une menace de sécurité nationale pour que mon frère accepte mon retour en Angleterre. 

Je vais pouvoir le revoir. Ces nuits, seul, où je ne pensais qu'à lui. La logique voudrait que je n'ai survécu que pour être certain d'avoir démantelé l'organisation de Moriarty. Mais parfois, une petite voix me murmurait que je l'avais aussi fait pour revoir mon docteur. 

Mycroft m'a dit qu'il ne vivait plus au 221B Baker Street, bien que je ne comprenne pas pourquoi. Cela avait-il été aussi facile pour lui de m'oublier ? De nous oublier ?

Bien sûr, mon frère ne comprit pas mon empressement à rentrer chez moi. Comment le pourrait-il ? Mais jamais je ne lui dirais la véritable raison, et ma véritable relation avec John. Si il y a bien une chose que j'ai retenu de ces dernières années, c'est que je serais prêt à tout pour le protéger, y compris du gouvernement britannique. 

Mais je ne pouvais pas le revoir juste comme ça. Je ne pouvais pas juste sonner chez lui. Mycroft me dit qu'il avait une réservation dans un restaurant chic de Londres, alors je m'y rendis immédiatement. 

Il devait être le premier que j'allais revoir, je ne pensais qu'à lui. Je ne comprenait qu'à peine les réactions de mon corps. Les mains moites, et mon cœur qui dansait la java.

Enfin.

Il était là, devant moi. Assit dans son costume, je constatait qu'il avait prit un peu de poids. Il avait l'air nerveux, et ne pas en connaître la raison me tortura un instant l'esprit.

J'avais passé trois ans à vivre dans les pires lieux, à courir la forêt, je m'étais fait torturer un nombre incalculable de fois et pourtant, c'était la première fois en trois ans que je ressentais la peur. 

Les réflexes prirent alors le dessus, j'attrapais le nœud papillon d'un client, le crayon à maquillage d'une cliente, des lunettes qui trainaient sur une table, un menue, et, mon déguisement achevé, je me dirigeais vers sa table. Un faux accent italien était tout ce qu'il me fallait pour m'approcher de lui.

-Puis-je vous conseiller sur  un vin Monsieur ?

-Je n'y connais rien. Que conseillez-vous ?

Il me parlait ! Sa voix, si grave et autoritaire. Il était là, juste à côté de moi. Je pouvais sentir l'odeur de son shampooing à l'orange. Je ne savais toujours pas pourquoi je trouvais qu'il sentait bon. Je savais juste qu'un jour, perdu en Pologne, j'avais poursuivit son odeur durant quelques rues. Mon esprit savait que John ne pouvait pas être là, pourtant mon cœur l'avait suivit, espérant malgré tout. 

Malgré mes phrases, et mes indices, il était trop nerveux, et ne faisait pas attention à ce qui l'entourait. Je m'éloignais de lui, déçu, et même un peu blessé. Pourtant, je restais à proximité, surveillant sa table avec anxiété. C'est alors que je le vis sortir quelque chose de sa poche. De là où je me trouve, je ne peux pas voir ce c'est. Mais lorsqu'il la range précipitamment, je comprend. Bientôt, une femme, à laquelle je n'avais même pas fait attention, s'installe devant lui. Elle porte une robe de soirée, et ses cheveux sont coupés court. 

Un serveur passe à côté de moi, et j'attrape une bouteille de vin. 

Il va la demander en mariage, et je refuse de le laisser faire la plus grosse erreur de sa vie. Il est évident qu'il a perdu la raison. Il ne sait même pas que je suis encore en vie. C'est sûrement pour cela qu'il a voulu se perdre dans une autre histoire.

J'arrive avec ma bouteille. Ils ont beau tenté d'être discret, je les vois rire, se faisant les gros yeux. Je serre les dents, mais enfin, enfin, son regard se pose sur moi. 

o0o0o0o

-Je le ferais changer d'avis.

John est déjà dans le taxi. Ce soir, il allait faire sa demande. Ce soir, il avait été prêt à passer à autre chose. 

Je ne savais pas exactement ce que j'avais attendu de cette soirée, et de mes retrouvailles avec mon ancien colocataire. Mais je savais que lors de ces nuits, trop courtes, que j'avais passé à courir dans les bois sauvage du centre de l'Europe, je m'étais parfois imaginé aux côtés de John. J'avais rêvé de cette façon, étonnamment douce, qu'il avait de passer sa main dans mon dos pour m'aider à dormir. Ou comment, lorsque je tentais de quitter le lit, ses bras puissant me retenait contre lui.

J'avais fantasmé son sourire, et peut-être même ses larmes, lors de nos retrouvailles. Dans mon palais mental, j'avais gardé précieusement chaque secondes passées avec lui, à nous aimer. Mais alors qu'il s'éloignait de moi, que je faisais les déductions nécessaires sur Mary, je me rendis compte que je n'avais jamais imaginé, une seule fois, une seule seconde, qu'il avait pu passer à autre chose.

C'était ridicule d'être jaloux. Le mariage n'était même pas une question, ni même la vie de couple ou les enfants. Alors pourquoi, pourquoi, j'avais envie de hurler dans la nuit ? Pourquoi je sentais mon cœur se serrer, alors que les blessures qu'il m'avait infligé me brûlaient encore ? Pourquoi j'avais l'impression que les tortures dans cette prison dont mon frère m'avait sorti était bien plus douces qu'un seul des coups donné par John ?

Pour la première fois de ma vie, je souhaitais pouvoir faire taire mon cerveau bien trop bavard à mon coup, qui m'assommait d'images de John, jouissant entre mes bras, et de John, embrassant sa fiancée. 

o0o0o0o

Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu.

Sherlock Holmes est revenu. Il est en vie. Il était là, devant moi. 

Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu. Il est revenu.

Je clignais des yeux en sentant une main chaude se glisser dans la mienne.

-On est arrivé. 

Mon coeur manqua un battement. Je donnais quelques billets au chauffeur, et m'extirpais du taxi. Je ne pus m'empêcher de sentir une vague déception m'envahir. 

Ce n'était pas le 221B Baker Street, et Sherlock et son insupportable violon ne m'attendraient pas derrière cette porte. 

Mary me sourit. 

Le secret du 221B Baker StreetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant