Chapitre 19

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L'inquiétude que je vis dans ses yeux me fit reculer de quelques pas, comme si j'avais été électrocutée par ses pupilles bleutées. Même si cela n'avait duré qu'une seconde, son regard ayant repris sa neutralité habituelle, cela avait été suffisant. J'avais perçu son doute pour l'avenir et comme un écho, les angoisses que je gardais en mon for intérieur refirent surface.

Je sentis, au fond de moi, que le sang qui parcourait mes veines se défaisait peu à peu de l'illusion dans laquelle il avait été plongé ces quelques malheureuses secondes où nos lèvres s'étaient rencontrées.

On était en train de commettre une erreur.

Je prenais tout à coup conscience que tout en lui soufflait l'utopie et je me mis à le détailler comme s'il s'agissait de notre première rencontre. J'observais ses cheveux argentés, ses pupilles turquoise, sa tenue de shinigami et son haori de capitaine.

Il dégageait cette aura mystique, attrayante et ça n'en était que plus douloureux. Ses yeux me semblèrent être un rêve et m'y plonger me faisait me sentir forte, spéciale. Croiser le regard d'un être divin comme lui, même le garçon manqué que j'étais ne pouvait y résister. Je m'étais laissée avoir et ça avait été tellement plaisant.

Pourtant, si on cherchait bien dans son regard, quelque peu amoindri par la beauté de ses iris, une lueur lancinante, synonyme d'un passé déchirant, se mouvait fantomatiquement, comme hantée par les secrets de l'univers.

Je ne connaîtrais jamais toutes les épreuves qu'il a traversées pour devenir celui qu'il est aujourd'hui et je sais pertinemment qu'il en traversa d'autres, mais je ne serais pas un obstacle en travers de son chemin.

Je ne le laisserais pas tout gâcher pour une erreur, aussi tentante soit-elle.

Mes sentiments pour lui sont réels mais ses sentiments pour moi ne le sont pas.

Ils sont issus d'une attirance exacerbée par le Tamashī no yūgō.

C'est une illusion, un mensonge dans lequel il est enfermé.

Je le vis froncer les sourcils, comme s'il savait où mes réflexions m'avaient menée mais je ne lui laissais pas le temps de dire quoi que ce soit. Je fis quelques pas face à lui avant de venir agripper son haori d'une main ferme, comme pour me donner du courage, et de prononcer d'une voix dure :

- Tu es le capitaine de la dixième division. Pense à la Soul Society, à tout ce que tu pourrais perdre. Reprends-toi. Si je ne me connaissais pas aussi bien, j'aurais dit que ma voix était en colère.

Et c'est ce qu'il fit. Son visage se ferma soudainement, remplaçant son air neutre par un air grave. Je l'imaginais prendre conscience du pouvoir du Tamashī no yūgō sur lui et quelque chose se brisa en moi.

L'espoir qu'il m'aime réellement un jour autrement que par un artifice.

Comme si piétiner davantage mon coeur meurtri était la meilleure des solutions, je continuais :

- On va continuer à faire comme si nous n'étions au courant de rien. S'ils se doutent de quelque chose, on les mènera sur de fausses pistes. Et s'ils découvrent, on niera être au courant de quoi que ce soit.

Oui, c'était la seule chose à faire.

- Et lorsqu'ils se lasseront de cette histoire, je retournerais à Karakura et on vivra chacun de notre côté, comme avant.

Je ne prononçais pas ces derniers mots mais mon esprit se les répéta en boucle comme une mauvaise comptine alors que de son côté, Tôshirô ne décrochait pas un mot.

HitsuKarinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant