Esprit givré

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Nous sortons du cinéma avec ce silence qui accompagne toujours la fin d'un film : le silence durant lequel on reprend peu à peu possession de notre propre corps, où l'on se rappelle qu'on a une vie et qu'on n'est pas le personnage du film... Silence aussi qui nous permet de nous repasser le film dans la tête.

Et puis le silence est brisé par le besoin soudain de dire mille et un commentaires sur ce qu'on vient de voir.

Pendant que nous parlons passionnément du film (oh, c'était trop drôle ce moment ! Mais tu te souviens de ça ?! Ah, mais j'ai pas compris ce moment là...), nous déambulons dans la ville sans but précis. Et puis Nathalie dit d'une voix mélancolique :

-Je me suis sentie nostalgique pour un truc tout bête dans le film.

-Ah ? À quel moment ?

-Quand il neige. Parce que je n'ai pas vu la neige depuis si longtemps ! La dernière fois, c'était... Il y a deux ans. Et encore, c'était de la petite neige à moitié pluie.

-Tu aimes regarder la neige tomber ? Je demande.

-Oui, j'aime tellement les gros flocons qui descendent du ciel en tourbillonnant ! En plus, c'est vraiment magique, parce que quand on regarde de près un flocon... On voit une étoile de cristal finement découpée, et toujours différente des autres ! Mais maintenant, on est en avril et on n'a rien eu cet hiver encore...

Je m'arrête en pensant à quelque chose.

-Je connais un endroit... Viens !

Étonnée, mais certainement habituée maintenant à mes idées subites, Nathalie me suit au pas de course. Je l'emmène jusqu'à un parc où nous n'avons encore jamais étés ensemble.

Je lui attrape la main et l'emmène à un endroit précis.

Tout est prêt. Moi, je n'ai rien préparé, c'est la nature qui a tout fait.

-Je ne comprends pas ce que tu veux ?

-Chuut... Regarde.

Elle lève les yeux vers les arbres en fleurs. Enfin, elle se rend compte de la beauté du lieu, avec les trois cerisiers aux troncs sombres et rugueux et parés de délicates fleurs blanches.

Le vent souffle un peu plus fort et...

-Regarde... C'est la neige du printemps ! Je m'exclame

-Waouh... Les pétales... les pétales de cerisiers, on dirait des flocons de neige !

-Oui, sans les cristaux de glace, mais avec des fleurs d'une douceur et d'une beauté sans pareille !

Nathalie se tourne vers moi avec un haussement de sourcil moqueur :

-Tu es poète, maintenant ?

Je souris.

-Oh, ma chère, tu ne me connais donc pas assez bien !

Je me rends compte alors que nous sommes côtes à côtes, debout, sur l'herbe. Je passe un bras autour de sa taille et l'attire vers moi pendant qu'elle regarde à nouveau les arbres avec émerveillement. Sentant mon geste, elle tourne ses yeux de glace vers moi.

À ce moment là, je crois que la raison a complètement quitté mon esprit, peut être chassée par mon amour.

Doucement, je pose mes lèvres sur les siennes. Le temps que je me rende compte de ce ce que je suis en train de faire, Nathalie me rend mon baiser.

À l'intérieur de moi, ce ne sont plus des flocons ou des pétales qui tombent doucement du ciel, c'est une véritable tempête !

J'ouvre les yeux : mauvaise idée. Mon regard se pose alors sur la peau claire de Nathalie, comme une poupée de porcelaine. Et soudain elle aussi ouvre ses yeux, ses yeux bleu glacés qui me transpercent jusqu'au cœur.

Je lève une main et lui caresse la joue : elle est un peu froide. Alors je la serre de plus belle dans mes bras, comme pour la réchauffer avec le feu qui brûle en moi.

(Qui attendait ce momeeent ? 😆😆 Hé hé... )