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Je prends la main de Nathalie et la sens aussitôt glisser. J'essaye de l'accrocher plus fort, je lui broie sûrement les doigts. Elle s'élance vers moi, mais je la lâche et elle tombe.

-Non, non, ça ne va pas ! S'exclama Jeanne. Voyons, où est passée votre alchimie ?! Le spectacle est dans une semaine, et vous faites n'importe quoi !

Je baisse piteusement la tête tandis que Nathalie se relève sans un mot.

-Désolé, Jeanne, on... on va essayer de faire mieux.

-Je comprends que vous soyez stressés, mais on a bien répété cet enchaînement, vous avez appris chaque pas correctement, alors il n'y a pas de raison pour que soudainement, vous n'y arriviez plus !

Pour toute réponse, je hoche la tête.

-Et puis, vous savez, j'avais pensé que l'année prochaine, vous pourriez être intégrés dans le groupe détection. C'est le groupe qui permet de faire un pas vers la compétition. Vous auriez plus d'entraînements et vous pourriez vraiment faire du travail qui se rapproche de ce que font les compétiteurs. C'est aussi pour ça que je voulais que vous fassiez un duo pour le spectacle, je voulais voir comment vous vous débrouilleriez !

Je la regarde, étonné.

-Alors, on pourrait aller dans le groupe Détections l'année prochaine ?

-Oui, si survivez à ce spectacle... Quelque chose de très aisé, pour vous, je le sais. Alors vous allez me refaire l'enchaînement de façon sublime, compris ? Allez, on recommence.

Nathalie n'a toujours pas prononcé un mot. Elle fait la même tête mi-maussade, mi-impénétrable. Je la regarde patiner jusque de l'autre côté de la glace, d'où elle doit partir au début de son enchaînement.

Silencieux, je me place à mon tour et attends que Jeanne lance la musique pour m'élancer en virevoltant. 

Alors qu'elle me paraissait au début pleine d'amour et de de joie, cette chorée me semble aujourd'hui raconter une histoire beaucoup triste...

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En sortant du cours, j'intercepte Nathalie qui s'apprête à fuir comme une voleuse.

-Attends, on doit parler.

Elle soupire d'un air excédé mais s'arrête et m'écoute attentivement. Ses yeux glacés posés sur moi, j'ai du mal à prendre la parole mais je fini par lui dire :

-Écoute, Jeanne a raison. On a fait n'importe quoi à l'entraînement d'aujourd'hui alors que le spectacle est dans très peu de temps.

-Je te rappelle que c'est toi qui m'a poussée à y participer. Je suppose que tu as invité tes parents, ta sœur, tes amis et Anna, non ?

-Oui, mais... Toi, ta mère vient te voir aussi, et elle sera fière de toi.

Je songe que son père sera là aussi, mais ça, elle ne le sait pas. Pour une fois, je n'ai même pas envie de me vanter d'avoir retrouvé son père. Je baisse les yeux vers mes converses (j'ai mis mes converses oranges, aujourd'hui) pour éviter le regard courroucé de Nathalie.

-Nathalie... C'est vraiment dommage que ça se soit passé si vite, mais on devrait rompre. Il faut qu'on reprenne une relation normale, genre, pas en couple, et si tu ne veux pas non plus être mon amie, on garde nos distances. On ne sera plus ensemble, mais on va assurer pour le gala, ok ?

Je scrute son visage, tentant de déchiffrer son émotion. Je ne parviens pas à définir si elle s'apprête à me crier dessus ou à pleurer ?

Au lieu de ça, elle se baisse et commence à attacher ses rollers. Je la regarde faire en silence, puis quand elle se relève, elle me lance :

-Très bien. Je t'ai déçu en amour, je ne te décevrai pas pour ce spectacle.

Puis elle s'élance sur ses rollers avant que je n'ai le temps de répondre quoi que ce soit.

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Je reste un instant immobile, puis je rentre chez moi.

En arrivant dans le salon, je balance mon sac de sport par terre sans me préoccuper du cling que font mes patins en s'entrechoquant.

-Salut Matteo, t'étais où ? Me demande Gabriella.

-Ça te regarde ?!

-Houlà, t'es pas d'humeur, toi...

-Ton cours de patinage ne s'est pas bien passé ? Me demande cette fois ma mère en sortant de la cuisine.

-Non ! Maintenant foutez moi la paix !

Sans même prendre le temps de retirer mes converses, je monte dans ma chambre et claque la porte.

Puis, je choisi une playlist de « musiques à écouter quand je suis vénère » et je la lance à fond dans mon casque en me laissant tomber dans mon lit.

Un message m'interrompt. Il est de Marc Royer.

Bonjour, pensez vous que je devrai aller voir Nathalie avant ou après le spectacle ?

Je n'y réponds même pas.

Pas envie.


Esprit givréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant