Maria
Ekaterinbourg, Russie, 17 juillet 1918.
1h50.Un bruit sourd me réveille en sursaut. Encore une porte défoncée par un énième groupe de soldats ivres mort.
C'est devenu une habitude depuis notre arrivée à la maison Ipatiev.
Plus d'intimité, plus aucun respect pour nous, que ce soit en tant que personne ou en tant qu'ancienne famille dirigeante injustement déchue.
Depuis plusieurs mois, nous faisons donc fi des remarques déplacées des soldats, et personne n'est épargné. Cela passe par leurs dessins obscènes dans les toilettes qui nous mentionnent clairement, mes soeurs, ma mère et moi, mais aussi leur impolitesse - fini les "votre Altesse", le vouvoiement, la bienséance. Place à l'attaque physique et mentale, et pas seulement que pour les femmes.
Pour bien nous mettre en condition, ils ont dès le départ appelé mon père - et accessoirement ex empereur - le "Citoyen Romanov".Citoyen.
En un mot ils ont balayé les trois cents ans de règne des Romanov.
Sans compter le fait qu'ils aiment particulièrement nous bousculer lorsque nous croisons leur chemin, ou encore se mettre à rire dès que nous quittons une pièce.
Pour ne citer que le plus acceptable.
Et cette nuit, à entendre leurs cris de joie et leur braillements, ils ont l'air particulièrement en forme.
C'est du moins ce que je ressenti lorsque je les vit faire irruption dans la chambre où je logeais avec mes trois soeurs.
- Des hommes qui entrent au beau milieu de la nuit dans la chambre où logent des Grandes-Duchesses, c'est impensable, pensais-je.
Sur ordre, nous n'avons que quelques minutes pour nous préparer pour une "séance photo" qui aura lieu apparemment au sous sol.
En écoutant discrètement leur conversation tout en me préparant - ils ont eu la gentillesse de fermer la porte - j'apprend que c'est une manigance sensée prouver à l'Armée Blanche que l'empereur et sa famille - nous - sont bien vivants, avant d'être transférés dans un lieu plus sûr.
Par "plus sûr", les Bolcheviks entendaient "moins facile à localiser pour l'Armée Blanche".L'empressement me gagne. Nous allions enfin quitter cet endroit de malheur !
Aidées de quelques fidèles serviteurs nous ayant suivis courageusement dans notre exil, nous nous vêtirent de robes de jour, cependant avec plus de difficulté que nous le faisions autrefois : dans chacun de nos corsets étaient cousus des dizaines de bijoux et pierres précieuses, vestiges d'une époque chaude, joyeuse et luxuriante mais également de potentielles monnaies d'échange, puisque nous avons été dépouillés de la plupart de nos biens.
Nous sortons mes soeurs et moi de notre chambre, devant laquelle nous attendait déjà nos parents et notre petit frère Alexeï, dans les bras de Père. Son hémophilie - la maladie des rois - l'empêche de marcher depuis plusieurs semaines.
Je cherche le regard de Père dans le but de me rassurer, de voir si nous pensons la même chose au sujet de cette séance photo et si l'espoir se lit dans ses yeux.
Il semble calme, quoiqu'un peu fatigué. J'essaye donc de paraître calme également.Nous nous dirigeons en silence au sous sol.
Les soldats marchant derrière nous, nous n'avons d'autre choix que de nous placer au fond de la pièce lorsque nous y pénétrons. L'accès à la porte se retrouve bloquée par les soldats.L'attente se faisant longue, Mère réclama deux chaises pour elle et Alexeï, ce qui lui fut accordé.
Tout est calme, si ce n' est le bruit d'un moteur de camion qui se fait entendre à l'extérieur.

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Notre bien aimée Grande-Duchesse
Ficción General!! PASSAGES VIOLENTS, ÂMES SENSIBLES S'ABSTENIR !! Ekaterinbourg, 17 juillet 1918. L'empereur Nicolas II et sa famille sont froidement assassinés par un groupes de Bolcheviks au fond d'une cave dans un manoir en pleine forêt. Mais ce que les Bolch...