Notre bien aimée Grande-Duchesse

Chapitre V

Une vive lumière rouge surgit brusquement au milieu d'un petit salon richement décoré, aux murs chargés de motifs fleuris et de nombreux tableaux représentants les membres de la famille Romanov depuis 1613, sans compter le mobilier en chêne sculpté de plusieurs animaux mythiques et imposants, comme le lion, le sphinx ou encore le phénix.
Le sol était recouvert de tapisseries orientales aux milles couleurs et au centre de la pièce trônaient des canapés et fauteuils moelleux et drapés de velours mauve dans lesquels on pourrait se perdre pendant des heures.

C'est au milieu de cette magnifique pièce qu'apparurent Nikolaï, Pierre et Maria, atterrissant sur les pieds comme s'ils venaient de sauter la dernière marche d'un escalier.

-Cela a fonctionné, s'extasia Maria d'une voix plus aiguë que d'ordinaire.

Maria porta une main délicate autour de son cou dans l'espoir de sentir son collier, mais celui ci avait disparu.

Son collier s'est bel et bien désintégré.

Nikolaï ne pouvait s'empêcher de dévorer de ses yeux d'un bleu polaire l'endroit où il se trouvait. L'endroit, chargé en motifs et en couleurs, reflétait bien l'opulence dans laquelle vivaient ses propriétaires.

Bien qu'il ait déjà visité les lieux lorsqu'il a fouillé les si nombreux palais impériaux à la recherche de la Pomme d'Éden, il ne s'habituait pas à tant de luxe et encore moins que cela appartienne à une famille composée de seulement sept membres.
Lorsqu'il avait fouillé les lieux, les Palais avaient été pour la plupart retournés par les Bolcheviks.
Là, il avait sous les yeux un des salons du Palais d'Hiver, encore occupé par la famille impériale, en plein l'âge d'or du règne de Nicolas II. Avec du mobilier dont les finitions sont en or, les vases et sculptures venant du monde entier et les matières utilisées pour les fauteuils et canapés parmi les plus nobles qui existent.

Il enviait quelque peu Maria.
Se dire que cette jeune fille possédait des palais somptueux, des richesses à ne plus savoir qu'en faire ainsi que la main mise sur le territoire russe et ses annexes, lui donna des vertiges.
Il n'en revenait pas de voir tout ce luxe et cette extravagance réunis dans les mains d'une seule famille, pendant que le reste du peuple vivait dans la misère et était engagé dans un cercle vicieux qui comprenait le travail, le gain d'argent et la collecte d'impôts.

Nikolaï se rendit compte de la douloureuse différence des deux mondes qu'il côtoyait, lui qui venait du petit peuple de la campagne russe, et qui désormais œuvrait aux côtés d'une des Grande-Duchesse de Russie dans un monde doré, protégé par des milliers de soldats surentraînés et totalement à l'écart du monde réel.
Et le fait de revenir en 1916 ne fait que renforcer cette impression d'écart titanesque.

Nikolaï ne pouvait pas laisser passer l'occasion de profiter de cette richesse. Cette mission a pris une tournure inattendue, que ce soit en 1917 lors de l'annexion de la famille impériale ou encore maintenant, à devoir voyager entre les époques.
Les risques sont trop importants et les effectifs de la confrérie trop réduits pour achever cette mission sans un minimum de récompense.

- Pardonnez-moi Votre Altesse, commença Nikolaï pour attirer l'attention de Maria, qu'il obtint, mais vous conviendrez que les évènements prennent une tournure quelque peu déroutante, et les risques prennent aussi de l'ampleur...

- Ne vous en faites pas Monsieur Orelov, vous serez généreusement récompensé, si c'est bien ce à quoi vous faites allusion, rétorqua Maria, blasée d'avoir à aborder une question pareille si tôt.

- Pour tout vous dire, je ne faisais pas seulement allusion à vos richesses. Maria l'étudia, intriguée. Voyez-vous, il me faut aussi des hommes. Là d'où je viens, nous ne sommes plus qu'une poignée, alors qu'autrefois il y respirait la vie et la complicité au sein de de notre organisation. Je ne souhaite pas un corps d'armée entier, seulement quelques uns des plus valeureux de vos soldats.