- Votre Majesté, c'est bien trop dangereux ! Il y a trop d'incertitudes à retourner dans le passé ! S'enquit Pierre.
Maria savait que son professeur avait raison.
Il fallait être extrêmement précis avec l'incantation du passé : elle contient la formule de base pour le voyage et il suffit d'y inclure des éléments tels que le lieu, la date et le nombre de personnes voyageant pour pouvoir ainsi se téléporter.En théorie.
Car concernant la pratique, elle ne l'a jamais expérimenté elle même.
Elle se souvient des nombreuses mises en garde de son père à ce sujet, à savoir que le voyage temporel est très dangereux car la personne qui voyage dans le passé pouvait ne pas revenir dans le futur qu'elle a quitté.Sauf que Maria n'a que faire d'un futur où sa famille n'y est pas.
C'est tout le but de la manœuvre, changer le futur.
Son esprit s'attarda également sur un autre point, et pas des moindres : la discrétion.
Car si un membre de la famille impériale de 1916 viendrait à rencontrer la Maria de 1918, une distorsion temporelle se créerait immédiatement et il se souviendrait alors d'elle et de tous les évènements qui surviendraient (quand bien même il ne les aurai pas encore vécu), faisant ainsi imploser l'espace-temps car deux réalités parallèles intéragiraient l'une avec l'autre. Quand bien même en deux ans elle n'a pas beaucoup changé physiquement, sait-on jamais.
Il suffit d'un doute, d'une interrogation.Bien trop risqué.
Si les enjeux n'avaient pas été aussi grands elle n'aurait jamais pris un tel risque.
- Je suis consciente des risques et je suis désolée de vous imposer cela, mais c'est le seul moyen de sauver ma famille, souffla Maria.
Nikolaï ne dit rien. Il savait pertinemment que c'était le seul et unique moyen de se racheter auprès de la famille impériale et de récupérer la pomme d'Éden pour la remettre à la confrérie, sa place originelle.
Il soupira longuement en passant une main dans ses épais cheveux bruns impeccablement coiffés en arrière.
Pierre, quant à lui, était beaucoup plus dubitatif.- 1916 est précisément l'année où j'ai passé commande auprès de Raspoutine pour obtenir les colliers. L'empereur était fort inquiet des tensions au sein de son peuple et de son armée. Par chance, je l'ai en partie assisté dans leur réalisation et j'ai pu me familiariser avec les caractéristiques, précisa Pierre. Nikolaï, toi et moi "remplaceront" pour ainsi dire nos "nous" de l'époque.
- Tu veux dire que...
- Parfaitement, les Pierre et Nikolaï de 1916 disparaîtront pour toujours, comme s'ils n'avaient jamais existé. Ceux qui nous connaissaient à cette époque penseront tout naturellement parler aux anciens Pierre et Nikolaï, c'est pourquoi nous devrons rester sur nos gardes à chaque instant pour ne pas dévoiler les évènements futurs par inadvertance. Autrement le futur changera inévitablement, expliqua le précepteur de Maria.
- Contrairement à moi qui apparaîtrait sans remplacer mon moi déjà existant puisque les bijoux ont été créés pour interagir avec le sang Romanov, s'enquit Maria.
- Tout à fait Votre Altesse, s'enquit Pierre Gilliard avec un sourire franc, révélant de belles dents blanches et de légères rides autour des yeux, symboles d'années de rire et de sourires sincères, j'ai hâte de retrouver votre famille et passer à nouveau du temps avec eux, avec vous, et retrouver l'atmosphère si chaleureuse que m'offrit vos parents.
Un frisson d'horreur parcouru le corps de Maria à l'évocation des moments passés avec sa famille bien aimée, mais n'en montra rien. Son précepteur ne voulait pas la blesser et elle ne voulait pas le gêner en lui faisant remarquer sa maladresse. Nikolaï, lui, n'était pas dupe et le remarqua.
Pour calmer ses nerfs beaucoup trop tendus à son goût, elle se mis à jouer avec ses longs cheveux couleur miel, profitant de leur douceur et s'imaginant revivre un après midi dans l'un des salons à Tsarskoïe Selo, le Palais préféré de la famille impériale, prenant le thé avec ses sœurs avant de se promener dans les infinis jardins si majestueusement ornés de fleurs de milles couleurs, de fontaines et autres statues d'or représentant des dieux Grecs et Atlantes, se réchauffant le coeur à la lumière du soleil puis finissant la journée sur ce que ses parents appelaient "L'île des Enfants", une partie des jardins accessible uniquement en barque et permettant de rejoindre une petite demeure réservée aux enfants, un jardin secret rien qu'à eux.
Les souvenirs de ces moments passés au Palais la confortèrent dans l'idée de retourner dans le passé pour sauver ceux qu'elle aime et leur offrir une seconde chance de vivre une vie heureuse et légère.
- Nous mettrons au point un plan lorsque nous serons sur place, cependant nous nous situerons neuf ans avant le jour funeste. Comment allons nous faire ? Nous ne pourrons pas passer deux longues années dans le passé sans faire d'erreurs, s'inquiéta le précepteur en lissant sa moustache.
- Laissez moi expliquer pourquoi j'ai choisi l'année 1916, répondit la Grande-Duchesse d'une intonation rapide et limpide de peur d'oublier un détail de son plan. C'est l'année de création des colliers, mais c'est aussi la seule année de ma vie où je connais la position exacte de la pomme d'Éden avant qu'elle ne soit portée disparue. Lorsque nous arriverons cette année là, mon collier disparaîtra car il n'existerait pas encore, mais nous pourrons le récupérer grâce à Précepteur Gilliard. Ainsi, lorsque nous récupérerons la Pomme d'Éden et que Monsieur Orelov l'aura dissimulée où bon lui semblera, nous partirons tous les trois en direction du futur, en 1918, pour empêcher ma famille d'être si froidement assassinée.
Pierre Gilliard fut étonné d'entendre un raisonnement si méticuleusement calculé venant de celle qu'il a toujours considéré comme étant la plus délicate des quatre Grandes-Duchesses.
Sous sa beauté troublante et la douceur qui émanait de chacun de ses gestes se cachait un esprit calculateur et courageux.
Pierre ressenti un élan de tristesse s'emparer de son coeur en réalisant que cette capacité à élaborer un plan si précis découlait de l'horreur qu'elle a vécut et que son instinct de survie était en alerte totale.
Une jeune fille si douce et si gentille n'aurait jamais dû connaître un désespoir et une tragédie si affligeants.
D'autant plus lorsque l'on s'appelle Romanov et que l'on vit dans un monde rempli de privilèges et de richesses qui sont sensés faire barrage à ce qui se trouve de plus mauvais dans l'être humain.- Alors c'est décidé, déclara Nikolaï en frappant dans ses mains. Nous retournons en 1916 !
Tous les trois formèrent ainsi un cercle en se tenant les mains, au milieu de la petite chambre aux douces couleurs de printemps. Maria récita l'incantation en annonçant trois personnes, ajoutant juillet 1916 à la formule - le mois de création des bijoux - et choisi comme lieu, au lieu de la maison de son précepteur qui aurait permis une arrivée plus discrète, un des salons du Palais d'Hiver, inoccupé en été, plus pour avoir la certitude d'être bel et bien téléportée que pour la splendeur des lieux.
Cette fois c'est un portail rouge vif aux multiples reflets dorés qui s'ouvrit au centre de leur cercle, signe que la formule vers le passé a été correctement prononcée.
Tous ensemble, toujours main dans la main, ils sautèrent à l'intérieur de ce vortex qui les emmèneraient dans une époque riche et majestueuse, symbole de la grandeur et de la puissance de la famille impériale régnante, la famille de la Grande-Duchesse Maria Nikolaevna Romanov, troisième fille du Tsar Nicolas II, cette famille si puissante et qui pourtant ne se doute pas un seul instant qu'une de ses membres revient tout droit du futur pour les sauver d'une mort aussi violente qu'inévitable.
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Notre bien aimée Grande-Duchesse
Fiction générale!! PASSAGES VIOLENTS, ÂMES SENSIBLES S'ABSTENIR !! Ekaterinbourg, 17 juillet 1918. L'empereur Nicolas II et sa famille sont froidement assassinés par un groupes de Bolcheviks au fond d'une cave dans un manoir en pleine forêt. Mais ce que les Bolch...