Actuellement en pleurs

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Je vous demande juste de lire ce texte. S'il vous plait, j'ai besoin de vos avis sur celui - là. Lisez en entier, je vous en prie.
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Papa,

Je t'écris ces mots que
pourtant tu ne liras jamais.
Je les écrits pour les sortir de moi, parce que je n'arrive pas à continuer comme ça.
Je n'arrive plus à marcher, à sourire avec eux qui pèsent de tout leur poids sur mes épaules.
Papa !
J'aimerais arriver à mettre des mots sur ce que je ressens envers toi, mais je n'y arrive pas non plus.
Comment te faire comprendre ?
Commençons par le contexte, peut-être.
Depuis que tu travailles pour l'étranger, tes déplacements se font de plus en plus fréquents, et surtout de plus en plus longs.
Tu pars un mois, puis tu rentres pour deux ou trois semaines. Avant ça, tu partais toutes les semaines pour ne revenir que les weeks-ends. Entretemps, tu es déjà reparti pour deux jours, ailleurs.
Tu rentres à la maison, et cinq minutes après tu rempile avec une séance.
Tu te lèves à midi pour être réglé avec les américains.
Tu es toujours en plein jet lag, Greenville, Tokyo, Düsseldorf, Bruxelles.
Et Lausanne ?
C'est pas bien Lausanne ?
C'est joli comme ville pourtant. L'après-midi on doit se taire, parce que tu es en plein conf-call au milieu de la cuisine.
Le soir comme le week-end, tu restes greffé à ton portable.
Tu parles toutes les langues !
Français, allemand, anglais, en tout cas les principales, celles qui permettent de se comprendre un peu partout.
Papa... Tu sais, c'est pas si dur quand t'es pas là.
On s'adapte vite, on vit avec le manque et un jour on ne le remarque même plus.
Les courses, la cuisine, Maman s'en charge désormais.
Et pour les déplacements, on prête la voiture aux voisins et nous on prend le train.
Quand t'appelle le soir à 22h, on s'en fout désormais.
On ne se bat plus pour accéder la première au téléphone.
Moi, souvent j'essaye même d'y échapper.
Parce que ça me rappelle que tu n'es pas là.
Ton absence, que j'ai si bien su oublier, me saute à la gorge, d'un coup, et les larmes débordent.
Parce que oui, Papa, tu nous manques. En tout cas à moi, ton absence me pèse. À chaque voyage j'ai la peur vissée au ventre.
Un accident d'avion, de train, une fusillade, une bombe ou un infarctus, qui sait ?
Je sais seulement que si tu mourrais maintenant je te quitterais fâchée contre toi.
Mais le problème ne vient pas de tes voyages.
Le vrai problème il est après.
C'est quand tu reviens que ça ne va plus, Papa.
La maison doucement s'était habituée à vivre au rythme tranquille des quatre filles qui l'habitent, seules.
Et quand tu reviens, tu bouscules tout ce rythme, et on dirait que tu ne t'en rends même pas compte.
Parce que quand tu reviens Papa, tu n'es plus le même.
Tu parles fort, tu t'énerves vite, et on dirait que tu crois tout savoir.
Stressé, tu deviens vite méprisant, grossier, cassant.
On dirait qu'en rentrant tu te forces une place parmi nous, et tu te plains, comme si s'était à nous de changer pour que tu puisses rentrer !
Mais nous Papa, on en fait déjà tellement d'efforts.
Regarde tes filles, tu crois que tu ne leur manques pas ?
Tu crois vraiment que des cadeaux comblent ton absence ?
En plus, c'est mesquin mais ça a besoin de sortir, tu ne sais rien de nos goûts. Et pire encore, tu ne sais rien de moi ! Voilà ce que j'ai envie de crier !
Papa !
S'il te plaît, entends moi..
Je garde la colère chevillée au corps, la douleur greffée à l'âme lorsque tu es là. Je peux me blottir dans tes bras, mais c'est ma dernière limite.
Si je me mettais à parler, qui sait ce qui sortirait de mes lèvres ?
Pourtant, quand tu n'es pas là, le manque de toi s'ouvre, grand, grand ! J'aimerai tant que tu sois là au quotidien, que tu fasses plus partie de notre vie "réelle".
Parce que qu'est-ce que tu sais de nous ?
Moi je connais les noms et prénoms de la moitié de tes collaborateurs, j'ai vu toutes les photos des endroits où tu es allé, mais toi ?
Que sais-tu de nous ?
Sais-tu quelles langues Anna a choisi cette année, et en quelle classe elle rentre ? T'apprendrais-je vais entamer la 3ème cette année et que je fais de la gymnastique aux agrès ? Te souviens-tu des prénoms respectifs de nos meilleures amies ?
Sais-tu seulement qui je suis ?!
Voilà ce que j'aimerais te demander !
J'en ai marre de tes départs, de tes retours, de devoir t'explique une énième fois ce que tu n'arrêtes pas d'oublier, de te parler de choses que j'ai l'impression d'avoir vécu il y a des années, alors que tu n'étais pas là pour les vivre avec moi.
Et je n'aime pas quand tu reviens.
Papa, je t'en prie, aide-moi.
Si tu lis ces mots, tu auras peut-être autant de mal à les comprendre que moi en ce moment à les écrire.
Comme il est dur de blâmer ceux qu'on aime !
Parce que je t'aime Papa, n'en doute jamais.
Mais j'aime l'image que tu me donnes de toi, et pas son reflet.
Papa, j'ai peur aussi.
Peur qu'un jour ça casse, peur qu'un jour tu reviennes et qu'on ne soit plus prêtes à t'accueillir comme une fleur. Et j'ai peur que toi, inflexible, tu choisisses de partir.
Parce que voilà Papa, tu as l'air si heureux ailleurs !
Ailleurs que chez toi, ta famille et ta maison ne semblent pas te manquer plus que ça.
Même toi tu sembles avoir désillusionné sur l'emprise que tu as ici.
Je te demandais si toi tu voulais du chat que l'on va adopter, et tu m'as répondu que tu n'avais pas ton mot à dire.
On accepte tout venant de ta part, parce qu'on est heureuses que tu sois de retour.
Mais quelque part j'imagine qu'on aimerait que tu en tiennes compte, et que tu fasses des efforts toi aussi pour te réintégrer parmi nous.
Papa, c'est dur pour moi d'écrire cette lettre.
Peut-être, voir sûrement même, que tu te dis qu'il y a quelque chose qui cloche avec moi, puisque je ne parle plus, que je suis d'humeur maussade et boudeuse, mais c'est simplement pour garder toute cette colère au fond de moi, pour la garder captive dans mon ventre.
Tu vois Papa, je t'aime assez pour garder tous ces sentiments enfouis au fond de moi, pour ne pas t'en parler.
Je pense que ça n'est pas la bonne solution, j'en suis même presque certaine, mais je ne sais pas quoi faire d'autre.
Peut-être que c'est ça l'adolescence ?
Se rendre compte que son père n'est pas parfait ?
Tu sais Papa, je me sens tellement coupable de ressentir tout ça...
J'ai l'impression de ne pas avoir le droit à ces sentiments, de ne pas être autorisé à éprouver ces émotions.. Alors ça me fait tellement mal de tout te dire ici.. C'est vraiment douloureux.

En espérant que tu lises ça.
Emilie.

P'tite fille.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant