Chapitre 19 : Halo

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Assis sur le large rebord de la fenêtre, une jambe pendant dans le vide et l''autre repliée contre mon torse, j'inspirais profondément l'air venant de l'extérieur, me permettant enfin de me détendre. Je laissais mon corps s'alanguir, savourant avec délectation le lent relâchement de chacun de mes muscles. Je retrouvais enfin ma meilleure amie en tête-à-tête. La solitude et moi. Elle m'avait manqué comme rarement auparavant ces dernières heures. J'avais bien cru que ce dîner avec la famille d'Arnaud ne finirait jamais entre les questions incessantes de la mère d'Arnaud qui certes me prouvaient sa sympathie à mon égard mais qui m'avait donné l'impression de subir un véritable interrogatoire de police visant à décortiquer ma vie, l'intérêt nettement teinté de facétie d'Arnaud face à mes réactions et les furtifs regards que n'avait pas manqué de me jeter Thibault du coin de l'œil entre deux discussions avec son frère. Des regards très loin d'être amicaux même si je ne parvenais toujours pas en définir la nature exacte ni même la raison. Sans compter les lourds silences inquiets qui revenaient régulièrement quand plus personne n'arrivait à feindre que tout allait bien.

Oui, j'avais été véritablement heureux de voir arriver la fin de ce repas et appréciait d'avoir enfin pu me retrancher dans ma forteresse de solitude. Forteresse était le mot. Elle m'enveloppait comme une armure protectrice ou rien ne pourrait jamais m'atteindre. Malgré l'inconfort de la situation, je ne parvenais pas à regretter mon choix d'être resté. Parce que derrière la malice d'Arnaud face à ma gêne à répondre aux questions de sa mère, j'avais aussi lu toute sa reconnaissance. J'avais vu le soulagement relâchant les traits tirés de son visage à chaque fois que ses yeux fébriles me cherchaient du regard pour finalement me trouver. Parce que même si je ne comprenais pas pourquoi, ma présence aidait Arnaud malgré le fait que je ne saisissais pas précisément comment. Et savoir cela rendait la situation supportable à mes yeux.

- La salle de bain est libre, annonça la voix d'Arnaud qui vint rompre le cocon silencieux et bienfaiteur dans lequel je m'étais réfugié.

Je tournais la tête vers lui, laissant mon regard traîner sur ce corps familier, m'attardant sur les cheveux mouillés qui ondulaient doucement, l'eau leur redonnant leur aspect naturellement bouclés. Je suivais du regard le chemin d'une goutte d'eau quittant l'une des mèches de cheveux qui collaient à son front pour se perdre sur l'angle saillant de sa pommette. Mon regard ne s'arrêta toutefois pas là, descendant encore pour suivre la courbe de sa mâchoire et celle fine de son cou. La progression de mes deux onyx fut toutefois stopper net quand elles tombèrent sur les clavicules d'Arnaud laissées à nue par le large tee-shirt blanc dont il s'était affabulé pour dormir. Le creux formé par ses deux frêles os m'hypnotisait littéralement et j'étais incapable de les lâcher du regard sans même savoir pourquoi.

- Ca va ? M'interrogea Arnaud que mon regard fixe associé à mon silence persistant avait apparemment interpellé.

- Pourquoi tu poses une question dont tu connais déjà la réponse ? Répliquais-je en détournant la tête, me replongeant dans ma précédente contemplation.

- Parce que c'est ce que font la plupart des gens pour engager une conversation. C'est une marque de politesse mais je comprends que ça te passe au dessus de la tête.

- Ce n'est pas de la politesse mais de l'hypocrisie, rétorquais-je d'un ton un peu trop sec. Les gens ne veulent surtout pas que tu répondes non. Et nous ne sommes pas la plupart des gens. Tu n'es pas la plupart des gens.

- Je vais prendre ça pour un compliment, déclara la voix assourdie d'Arnaud après un moment de silence dans lequel j'avais pu percevoir toute sa perplexité.

- C'en était un, confirmais-je. La banalité est d'une affligeante tristesse en plus de se révéler mortellement ennuyeuse.

- Et l'ennui ne sied guère à l'hyperactif que tu es, n'est-ce pas ? Poursuivit-il avec une lueur amusée mais hésitante dans son regard.

Dépendance | ⚠️EN PAUSE⚠️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant