Pas que je déteste discuter, mais il est inutile de penser que je suis le genre d'homme à tenir une conversation pendant des heures, ceux qui me connaissent le savent bien, pourtant lorsque je vois le minois de Katarina qui se décompose – malgré qu'elle aussi aime les livres – en me voyant sortir un gros livre de la taille d'un dictionnaire de mon sac à dos pour faire passer le temps du voyage, comme si cela était un choc monumentale, elle s'étrangle :

– J'espère que tu ne vas pas passer tout ton temps à lire ? Faut profiter de notre voyage Andrew !

Je zieute par-dessus les pages du roman et celle-ci me fixe sans sourciller, je ne me laisse pas vaincu pour avant, je riposte au tic au tac presque vexé :

– Et pourquoi pas ?

Pendant ce temps, Shanelle reste silencieuse, nous regardant tour à tour avant de s'asseoir à mes côtés pour savoir le titre du livre, mais je sais que c'est uniquement pour apaiser une tension qui veut déjà se frayer un chemin, j'aime beaucoup Katarina, mais je n'arrive pas à saisir parfois ce qu'elle attend de moi, ou peut-être que c'est uniquement moi qui gâche tout.

Heureusement que la petite brune trouve les bons mots pour animer le groupe, même si ce n'est pas du tout son point fort, elle explique encore une de ses mésaventures, qui nous arrache – Katarina et moi-même – de notre mutisme commun et qui met mal à l'aise shanelle qui rougit violemment comme à son habitude, fuyant notre regard et parfois, fuit quelque question qui nous interpelle.

– Franchement ! Mais tu as des sentiments pour lui ou pas alors ?

Elle essaye d'esquiver encore une fois, sauf que d'un accord commun avec la grande brune côté fenêtre, on ne pipe mot, nos regards ancrées sur une shanelle qui cache maintenant d'une main ses yeux maquillés sur son visage rouge.

– Bon d'accord ! J'en sais foutrement rien ! Je ne sais pas ce que cela fait de tomber amoureuse ! Explose-t-elle sans reprendre son souffle, avant d'ajouter, « et je ne suis pas pressée ».

Je tape sa cuisse en rigolant, la pauvre, le gars n'arrête pas de la faire cogiter, et celle-ci voulait en savoir plus concernant les fameux mâle qui, elle-même, n'arrive même pas à discerner des signaux qui nous paraît simple pour Kata et moi.

– Andrew, je te laisse la gérer, dis-toi que mon téléphone s'est rempli de majuscule et que celle-ci n'arrive même pas à ouvrir ses yeux, j'ai encore les messages de ses deux tourtereaux là.

Sans prêter attention à Shanelle qui se mord les doigts d'avance, elle pianote sur son téléphone avant de me faire montrer la discussion que Shanelle avait envoyé au préalable pour elle.

Je parcours les messages et j'ai qu'une envie : la secouer pour de bon.

– Mais tu en fais exprès c'est pas possible !

En la voyant un peu hébétée et gênée je me doute que non, mais ça paraît tellement incroyable qu'elle n'ai pas fait un rapprochement.

J'ai l'impression de me sentir d'un coup observé, je n'ose pas détourner le regard pour savoir qui est-ce, mais le fait de ne pas savoir m'angoisse et fait accélérer mon cœur, je me sens paralysé par une peur soudaine et inexplicable.

Vous savez, la sensation de ne plus être trop bien dans votre corps, comme si vous étiez un parfait étranger dans cette enveloppe charnelle.

Je me mords la lèvre inférieure, et je feinds de lire les quelque lignes restantes de mon histoire.
Impossible, je relis la même ligne pour la troisième fois sans comprendre le sens de cette phrase.
Mais qu'est-ce qui m'arrive bon sang ?

Je ferme brièvement les yeux, les ouvre, et je ressens encore cette impression d'écrasement sur ma poitrine.

Oh non pas ça...

Je me lève subitement en souriant aux filles pour éviter qu'elle ne s'interroge à mon sujet, leurs disant que je vais aux toilettes et que je préviens.

Je n'attends pas leurs réponses, j'atteins le fond du couloir, je ne sais même pas où se trouvent les toilettes à vrai dire, et j'espère compter sur ma bonne étoile.
                               *
J'y suis, je ne respire profondément que lorsque je suis enfin seul dans la petite pièce qui fait office de toilette. Je passe un filet d'eau sur mon visage qui ne tarde pas à être rouge brûlant, je baisse la tête, les yeux clos au-dessus du robinet en métal pour réciter d'un voix faible ce qui me fait encore tenir bon. Pour le moment.

3 choses que je vois :

J'observe d'un oeil vitreux l'environnement :

– le robinet, le distributeur de savon et le miroir en face de moi.

Je continue sur ma lancée, je ne ressens plus l'effet que mon visage disparaît ou autre hallucination de ma part, à part que je commence à avoir la bouche sèche.

– Deux choses que je peux toucher : le miroir le distributeur de savon automatique.

Même avec des gestes tremblants, je touche du bout des doigts mes repères qui m'aident à faire en sorte de ne plus ressentir mes crises d'angoisse naissante.

– Et enfin une chose que je peux entendre :

Mes paupières se ferment lorsque je récite la dernière phrase, je tente de trouver la paix pour me recentrer, j'étreins avec fermeté le robinet jusqu'à ce que mes phalanges blanchisses pour faire cesser mes tremblements par la même occasion.
Écouter est un art, mais pour cet exercice, il ne suffit pas de juste tendre l'oreille, d'écouter une personne blablater où d'écouter de la bonne musique bien rétro aux oreilles, non, celui-ci est bien plus profond : Écouter, c'est parvenir à entendre un échos, un hurlement déchirant qu'une personne ne pourrait l'exprimer, ni distinguer, comme entendre un battement d'aile d'un oiseau au loin.
Comme je suis coincée dans une minuscule pièce, j'écoute le propre battement de mon cœur pour cette fois.

                               *

De retour, je passe le reste du voyage à contempler les paysages se transformer par la fenêtre, parfois je me surprends à m'endormir, à suivre machinalement mes amies lors de changements de trains.
Mais pas de signe de crise d'angoisse à l'horizon.















Coucher de soleil en été Où les histoires vivent. Découvrez maintenant