Banlieue de Paris- 16h00
ELSA
J'écoute ma musique préférée, assise sur ma chaise suspendue.
Je discute avec ma meilleure amie Loup. Cela fait maintenant trois bonnes heures que nous débattons sur mon nouveau demi-frère.
Elle me conseille de me rapprocher de lui, que l'arrivée en France l'a déboussolé et que son attitude désagréable n'est peut-être pas totalement volontaire.
Je suis d'accord avec elle.
Je me mets à la place de ce garçon et je dois bien avouer que moi non plus, je ne serais pas aux anges de quitter mon pays pour aller vivre avec une autre famille.
Après tout, on mérite tous une chance non ?
Je me lève et marche en direction de la chambre d'amis, bien décidée à briser la glace une bonne fois pour toutes.
Je suppose que c'est dans cette chambre que ma mère a prévue de le loger Alessandro.
La porte est déjà entrouverte. Je me mords la lèvre inférieure et hésite à entrer. Et s'il ne voulait pas me voir finalement ? Je ne veux pas le forcer à m'apprécier, ni brusquer les choses.
Peut-être qu'il préfère rester seul aujourd'hui, pour se remettre du voyage...
Je m'apprête à faire demi-tour lorsque j'entends une voix masculine s'échapper de la pièce. Il est entrain de parler à quelqu'un.
Curieuse, je colle mon oreille à la porte. Il est au téléphone. Je distingue la voix d'un autre homme à l'autre bout du fil.-Je veux pas que ça foire cette fois. T'es sûr que la marchandise est bien arrivée au port ? Dit-il.
-Oui patron. Audran l'a récupérée dès que le bateau a accosté, fit la voix robotisée.
Patron ? Alessandro doit avoir mon âge, ou à peine plus... est-ce qu'il a déjà sa propre entreprise ? Décidément, ce garçon est mystérieux.
Je me penche pour mieux entendre la conversation téléphonique entre les deux hommes, mais trébuche sur une latte du parquet et me retrouve à tomber tête la première dans la chambre. Je gémis de douleur. Je ne me suis pas ratée ! Mon coude et mes genoux commencent doucement à me faire mal.-Je te rappelle, dit mon demi-frère sur un ton lasse.
Il se tourne vers moi et me fixe.
Je me dépêche de me relever et tente de rester digne...-C'est pas bien d'écouter aux portes, dit-il d'un ton amusé sans pour autant esquisser le moindre sourire.
-Je...je n'écoutais pas ! Fis-je.
Je... j'ai oublié mon chargeur dans cette chambre, et je ne voulais pas te déranger... alors, j'attendais que tu finisses ! C'est tout.
Je pense que de toutes les excuses pourries que j'ai pu sortir dans ma vie, celle-ci est la plus crédible.-À d'autres.
Bon, il ne m'a pas cru...
Je dirige mon regard vers lui. Il est grand. Brun. Et terriblement sombre. Devant ses yeux, un voile noir m'empêche de savoir ce qu'il pense.
Je dois bien avouer qu'il a du charme. Il hausse un sourcil.-T'arrête de me matter oui ? Dit-il.
Cet homme est-il donc sans gêne ?
Je me sens rougir. Je balbutie une excuse et me dirige vers la porte pour échapper à ce moment malaisant.-Attends, fit sa voix roque derrière moi.
Je me retourne. Il s'avance et se penche au-dessus de moi.
-Je veux visiter Paris. Sii la mia guida. (Sois ma guide), me demande-t-il.
Je suis agréablement surprise que ma curiosité mal placée ne l'est pas dérangée.
Finalement, c'est lui qui fait le premier pas pour se rapprocher.
J'accepte avec plaisir en lui disant que Paris est magnifique le soir et qu'il va adorer.
Il se contente de tourner les talons et de retourner sur son téléphone.
Je quitte la pièce et retourne dans ma chambre, fière de moi malgré ce petit incident.
Je raconte à Loup ce qu'il se vient de se passer. Après s'être moquée de moi pour avoir été aussi maladroite, elle me dit de faire attention ce soir. Paris la nuit, c'est beau, mais dangereux.
J'adore cette fille. Elle sait plaisanter et être sérieuse à la fois. Lorsque je suis arrivée dans cette ville et dans ce nouveau lycée, elle a été ma première amie.
Je lui dis que je vais faire attention et vais me préparer.
J'enfile un sweet oversize noir, une paire de collant et des bottes montantes noires.
Je rejoins Alessandro dans la cuisine.
Il est vêtu tout de noir et tapote sur son téléphone. Il a l'air concentré.-Tu es prêt ? Dis-je.
Il lève furtivement les yeux vers moi et me regarde de haut en bas.
Il soupire et range son portable dans la poche intérieure de son manteau.-Je te préviens, dit-il, si tu te fais agresser, je ne te défends pas.
Je lève les yeux au ciel en comprenant le sous-entendu de ses propos. Je n'aime pas les hommes qui se permettent de juger les tenues des femmes sous prétexte qu'elles sont vulgaires ou provocatrices.
Ils ne valent rien. Et pourtant je suis ouverte d'esprit avec tout le monde !
J'emboîte le pas à monsieur hautain et me dirige vers le garage.
Ce nouveau surnom le scié à merveille, je sens que je vais l'utiliser souvent.
Je me dirige vers mon scooter, mais il me stoppe.-Je te préviens, je ne monte pas si c'est toi qui conduis.
Je me trouve vers lui, l'air interrogateur. Je lui demande ce que ça peut bien lui faire que je conduise.
-Femme au volant, morte au tournant ma grande.
-Pitié ne me dis pas que tu es un de ces machos qui a des idées fondées sur les femmes et qui a un ego surdimensionné ? Lui dis-je, offensée.
Il émet un léger rictus. Le premier depuis son arrivée !
Souriant, il a presque l'air aimable.-Si, tu as tout compris... me dit-il en me regardant droit dans les yeux.
Hautain et insolent donc.
Je souffle et lui laisse la place avant sur le véhicule.
Il démarre rapidement, ce qui ne manque de me faire perdre l'équilibre. Nous nous engageons sur la nationale, face au soleil couchant.
Paris, nous voilà.
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Fuis moi, je t'aime
TeenfikceElle était joyeuse et innocente. Il était froid et distant.