L'apparence qui change tout

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Après les cours ce jour-là, on eut droit à des vacances de Noël, donc il n'y aurait pas école pour pas mal de jours..

Bref, deux jours passèrent et ce fut un lundi. Ma mère, comme à son habitude, vendait ses légumes frais juste à côté de la maison et m'appelait à chaque fois qu'elle avait des soucis pour faire le compte à ses clientes :

_Marième ma fille, ārga-aÿ (viens ici)!
Fais-moi le compte pour la petite Amy; une coupée de patate, un litre d'huile de palme et un demi kilo de poisson fumé. Elle me donne 2000 frcs.
_Ça fait 2000 frcs au total, dis-je. Tu n'as pas à lui rendre de monnaie.
_Qu'est-ce que je ferais sans toi? soupira-t-elle . Allez, va voir dans mon placard, il y'a un tissu en "thioup" rouge. Mets-le de côté, c'est pour ce soir.
_Que se passe-t-il ce soir?
_Ton fiancé et sa famille viennent nous rendre visite et ton père veut qu'on en profite pour accomplir les rites du mariage. Tu sais, nous les Peulhs, nous aimons faire les choses d'un coup, et s'en finir une bonne fois pour toute.
_Mais maman!
_On ne discute pas ! Quand j'avais ton âge, j'étais très enthousiaste à l'idée de me marier. Maintenant que c'est ton tour, tu rates l'occasion de l'être, j'ai pitié des jeunes d'aujourd'hui... Sois prête avant ce soir.
_D'accord, dis-je d'un ton calme.

Vers 15h, toute la famille se réunit autour de trois grands bols pour le déjeuner: Un pour les hommes, c'est-à-dire mon père et mes frères aînés, un autre pour les femmes, et un dernier pour les enfants. Sur notre véranda, je me penchai sur le bol et mangeai en silence. Cependant, ma curiosité ne pouvait évidemment pas m'empêcher d'écouter la conversation des plus grands :

_Regardez Seydou, fit Salimata. Il est le plus petit de la famille mais il mange toujours avec les hommes.
Pour lui, il n'y a pas de différence entre trois ans et trente ans.
_Laisse mon petit papa en paix, rétorqua ma mère. Qu'il fasse ce qu'il veut dans cette maison.

Le fils de Ousseynou et Salimata, trois ans à l'époque, porte le prénom de mon grand-père maternel, Seydou. Et c'est la raison pour laquelle il a toujours été le petit protégé de maman.

_À vous tous, je suis votre grand-père, fit le petit. Donc je ferai ce que je veux, quand je le veux!

...Et toute la famille éclata de rire.

D'un ton sérieux, mon père s'addressa à Ousseynou :

_Tu entends ce que dit ton fils? Toi, quand tu avais son âge, je te châtiais tellement que tu n'osais même pas me regarder en face.
_C'est vrai papa, fit Ousseynou, la tête courbée.

Les paroles de mon père ont rendu l'atmosphère très calme et gênante, on entendait plus le moindre bruit.

_(...) Je vais aller voir Oulimata, eus-je dit. Elle ne mange plus avec nous.
_ Cette déracinée, s'écria mon père, cela fait plus de trois ans que l'on essaie de la marier avec Alpha Barry, mais elle refuse.
_Amadou, toi aussi, fit ma belle-mère. Elle a pourtant expliqué qu'elle voulait continuer ses études avant de tels projets.
_ Euh...je vais la voir, dis-je en me lavant les mains... Salimata, le repas était délicieux.
_Adiārama ( merci beaucoup).

À la maison d'à côté, il y avait Dieynaba Sarr qui venait tout juste de recevoir mon message du matin: "Rejoins-moi ce soir, c'est le désastre total: Ma supposée belle-famille vient nous voir pour les rites du mariage. S'il te plaît, j'ai vraiment besoin de toi pour me tenir compagnie, quand j'éclaterai en sanglots."

_Cette fille n'est vraiment pas consciente de son bonheur, fit-elle. Imagine le bien que ça fait de se marier.. Moi par exemple, si je devais me marier, je dresserai une liste énorme, sur laquelle le monde entier sera invité, tu t'imagines? Les plus grandes stars, la nourriture, les vêtements...
_Dis-le moi quand tu auras fini de rêver, pour que je te rappelle que tu dois aller chez Marième,fit Aïssatou, sa grande sœur.
_Tu as raison, j'avais complétement oublié.
Je vais me préparer.

Déception Où les histoires vivent. Découvrez maintenant