Chapitre 1 : Cruelle tradition

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Les regards empreints de curiosité et d'impatience des enfants du village se posaient sur moi, suspendus à la promesse d'une activité ludique pour pallier l'absence temporaire d'Isolda, partie soutenir son époux. Seize jeunes âmes m'étaient confiées, et il m'incombait de les divertir jusqu'au retour de leur gardienne attitrée. Leurs gloussements et babillements remplissaient l'espace, formant un crescendo de cacophonie joyeuse et insouciante.

— Les enfants ! lançai-je, dans l'espoir de capter leur attention dispersée.

Comme par enchantement, leur brouhaha se tut, et leurs yeux brillants se fixèrent sur moi, dans l'attente d'un signal, d'une directive.

— Quand est-ce que madame Isolda reviendra-t-elle ? interrogea l'un d'eux, la voix teintée d'une pointe d'angoisse enfantine.

Un sourire crispé étira mes lèvres tandis que mes doigts s'entortillaient, trahissant mon appréhension face à cette marée de vitalité qui se dressait devant moi.

— Elle ne devrait plus tarder... Que diriez-vous d'un jeu pour patienter ? proposai-je, d'une voix suave, espérant les captiver.

Leur intérêt piqué, ils cessèrent leurs échanges pour se concentrer sur moi.

— Formons un cercle, ordonnai-je avec douceur.

Sans la moindre hésitation, ils s'exécutèrent.

— Parmi vous, qui connaît les trois royaumes qui composent notre monde ? demandai-je, feignant l'enthousiasme, sachant pertinemment que la plupart seraient incapables de répondre.

Dans nos hameaux sorciers, l'enseignement n'était pas la priorité. La guérison, l'agriculture et la maîtrise de la magie prévalaient. Ma grand-mère, cependant, avait insisté pour que je m'imprègne de connaissances, convaincue de ses bienfaits futurs. Instruite par l'école locale, je me distinguais par ma faculté à lire et à écrire, un savoir rare dans les contrées lointaines.

— Le royaume d'Osilia, répondit un enfant.

Je fis un signe d'acquiescement.

— Oui, Ivo, le royaume d'Osilia, où nous résidons. Et les autres royaumes, les connaissez-vous ?

Un silence pesant s'abattit sur le cercle, signe évident de leur ignorance.

— Il y a les Terres du Sud, le royaume de Nerimia, habité par des guerriers du désert montant d'imposants félins. Plus au nord, le royaume interdit, inaccessible. Savez-vous pourquoi ?

Les visages captivés se tournèrent vers moi, et une petite voix s'éleva :

— À cause de la brume !

Un rire léger s'échappa de ma gorge.

— Exactement, la brume acide, si dangereuse qu'elle inflige de terribles douleurs.

— Comme les chasseurs ? questionna un autre enfant : Maman dit qu'ils sont très dangereux à cause de leurs runes.

La question me fit tressaillir, me rappelant notre vulnérabilité. En effet, dans notre royaume, il n'y avait nul refuge pour nous, sorciers. Traqués, exécutés, torturés, nous devions dissimuler notre nature pour échapper à leur joug oppressant.

Ces chasseurs, plutôt des barbares, incarnaient mon pire cauchemar. Sous des apparences humaines trompeuses, ils maîtrisaient la rune Treba, un secret ancestral désormais utilisé pour nous persécuter. Cette rune leur conférait un avantage dévastateur : nos sortilèges se révélaient impuissants contre eux. Armés de simples lames et flèches, ils pouvaient nous exterminer sans effort.

Un royaume d'ombre et de lumière : Le Chasseur T1 (sous contrat d'édition) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant