Chapitre 1 - April

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Il y a quatre ans, j'obtenais mon diplôme et terminais le lycée, une victoire en soi. Il y a trois ans, je terminais ma première année de fac. Il y a deux ans, ma mère était clouée dans un lit d'hôpital et il y a tout juste un an, elle sortait de son centre de désintoxication. Tout ça pour en revenir à la semaine dernière : mon grand-père est mort.

Eh bien voilà une liste d'événements qui m'ont défini pendant ces quatre dernières années.

Aujourd'hui, j'ai assisté à l'enterrement de mon grand-père. Il est mort paisiblement dans son sommeil, le savoir m'apporte un réconfort cruel. Son cercueil est recouvert d'un monticule de terre, ma grand-mère pleure à chaudes larmes, accrochée à mon bras, tandis que, malgré moi, j'examine les visages attristés du petit groupe. Je remarque d'abord les absents : ma mère et son frère. Puis la présence de tous les amis de mon grand-père réchauffe mon cœur. Alors que je termine mon discours, tremblante, le cœur incertain, je rejoins ma grand-mère afin de la ramener chez elle et de m'assurer qu'elle ne rejoindra pas son mari de sitôt.

Dans la maison, elle m'emmène dans le salon tapissé d'un vieux papier peint à motifs floraux, nous nous asseyons sur le canapé en velours vert qui fait face à la télé encadrée par deux plantes vertes. Le cœur vide, je me laisse guider sans protester ; je suis épuisée, physiquement et mentalement...

– Alors ça y est, il est mort. Ces mots prononcés comme une sentence résonnent dans le vieux salon, me laissant avec un étrange sentiment de vide. Depuis petite, j'ai toujours eu le ridicule espoir que mes grands-parents étaient des êtres immortels.

Ma mamie a toujours été là pour moi, je ne l'ai jamais trouvée vieille ; sportive, grande, mince et élancée, elle ne s'est jamais laissée aller avec l'âge. Pourtant, tout de suite, tout ce que je peux lire dans ses yeux bleus me prouve qu'elle a beaucoup vécu. Et qu'elle a perdu son compagnon de route.

– Est-ce que ça va aller ? Ma question est ridicule, mais j'ai besoin de savoir. Il est hors de question que je retourne à la fac sans m'assurer qu'elle aille bien.

– Ton grand-père vient de me quitter, alors ça n'ira plus jamais. De ses mains ridées, elle serre les miennes et un sourire rassurant étire son visage marqué par le temps. Mais ne t'inquiète pas ma princesse, je ne vais rien faire de stupide, et puis avec Antoine, on avait créé une liste de choses à faire quand l'un d'entre nous passerait l'arme à gauche. J'acquiesce, tandis que ses yeux me couvent comme si j'avais encore 5 ans.

– Et toi alors, ça va aller ?

Non mamie, ça n'ira pas, j'ai perdu encore quelqu'un, et tout de suite la solitude qui me ronge le cœur semble sur le point de m'achever.

– Oui, dis-je dans un honteux mensonge, je n'ai pas le droit d'alourdir sa peine. Elle tapote avec tendresse mon genou :

– Alors file, va vivre ta vie ! Pas besoin de rester avec une vieille bique comme moi. Je rigole et pose ma tête sur son épaule, me nichant à ses côtés comme quand j'avais encore ma peluche et que les orages me faisaient peur.

– J'ai juste besoin de rester un peu comme ça.

Elle embrasse le sommet de mon crâne et me murmure un "je t'aime" qui détruit mes derniers remparts. Les yeux brûlants, des larmes dévalent mon visage et s'écrasent sur le chemisier noir de ma grand-mère.

~~~

Après avoir passé la journée d'hier avec ma grand-mère et m'être assurée une bonne centaine de fois que tout allait pour le mieux, je l'ai quittée, ou plutôt elle m'a mise à la porte. Alors que je me gare dans l'allée de la coloc, la porte d'entrée s'ouvre sur Samson, qui accourt vers moi, le visage rongé par l'inquiétude. Il ouvre ma portière et se met à débiter :

Evan & April - RéécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant