Chapitre 2 - April

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7 ans auparavant

Franchement, la personne qui a inventé l'école mérite une éternité de souffrance. Ce mec a créé un lieu pour enfermer des enfants, des adolescents dont le but premier est de critiquer les autres pour se faire une place. Pendant ce temps, les professeurs, ces êtres que nous sommes censés vénérer (parce qu'ils ont leur diplôme et pas nous), ferment les yeux sur ce qu'il se passe. Mais à chaque rentrée, il y a toujours certains profs qui font leur petit discours :

- Sachez que vous pouvez tout me dire. S'il y a le moindre problème, venez m'en parler. Ne croyez pas que nous ne voyons rien.

Puis, quand on vient leur parler, ils appellent soit les services sociaux, soit l'enfant qui nous harcèle. Dans tous les cas, ça signifie deux fois plus d'emmerdes.

Ma prof d'espagnol, après son petit discours, commence un cours avec ce truc horrible : chacun notre tour, nous devons nous présenter à l'oral en espagnol. Ou comment se taper l'affiche en trois étapes. Je m'en sors sans trop de difficulté : les ongles enfoncés dans mes poignets, les genoux tremblants et la respiration hachée, mais c'est bon pour encore dix minutes.

Il y a un petit nouveau cette année. Enfin, il y en a tous les ans, mais lui, je l'ai remarqué parce qu'il a emménagé en face de chez mes grands-parents. Plutôt beau gosse. Des yeux bleus clairs qui font baver toutes les filles de la classe, des cheveux noirs qui retombent juste au-dessus de ses yeux, un corps d'athlète. Et en plus, il parle super bien espagnol. Je retiens ma grimace de dégoût. Ce mec, on le croirait tout droit sorti d'un mauvais remix d'After. Et vu sa gueule de sportif, je sens que je vais le détester. Toutes les filles ne jurent que par lui alors qu'il est apparu il y a quoi, 8 minutes et 46 secondes.

Le reste du cours se poursuit et nous sommes enfin libérés. J'attrape mon casque et laisse Arctic Monkeys me couper du reste du monde. Assise sur l'un des bancs de la cour extérieure, je baisse le son en voyant mon -seul- ami s'avancer vers moi. Il me fait un grand sourire et vient se poser à côté de moi.

- Qui est ce beau gosse qui joue au basket-ball ?

- Un nouveau, il est dans mon cours d'espagnol. Kate n'arrête pas de baver, je crois qu'elle a chopé la rage.

Il pouffe de rire et regarde un instant les garçons jouer au basket.

- Ah, au fait, je suis invité à une soirée organisée par Connor.

Connor, le mec qui, au collège, s'est amusé à me filmer ramenant ma mère bourrée à la maison pendant qu'elle me traitait de pute.

- Il ne manque pas de culot, cet enfoiré.

- Bah, pourquoi tu dis ça ? Puis il lève les yeux au ciel avant de me lancer : si c'est pour ces moqueries au collège, c'était une autre époque, tu devrais passer à autre chose.

C'était il y a encore deux mois ! J'écarquille les yeux face à son ton désinvolte, je m'apprête à répondre. Puis je comprends : il a vu une opportunité. Mon seul et unique ami a trouvé un moyen de passer de la case "je suis exclu et on se moque de moi" à "j'exclus les autres en me moquant d'eux". Je referme la bouche et ne dis rien, savourant les derniers instants de compagnie de mon unique ami.

- Attention ! Quelqu'un crie, mais je n'ai pas le temps de comprendre ce qu'il se passe que le noir complet se fait dans mon esprit.

~~~

- Putain ! Merde ! Comment elle s'appelle déjà ?

J'entends des voix autour de moi, ma tête me fait horriblement mal. J'ouvre péniblement les yeux, le soleil m'éblouissant, quand Connor lance :

Evan & April - RéécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant