PARTIE I - Chapitre 1

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Fin juin, Paris

À présent cachée derrière le paravent en toile de la salle de cours, je m'empresse de remettre mes sous-vêtements en coton ainsi que ma petite robe à fleurs. De l'autre côté du tissu, la voix de Jean-Claude me parvient de manière étouffée alors que les étudiants quittent la pièce dans un vacarme sans nom.

À présent habillée, je prends un instant pour étirer les muscles endoloris de mon dos, grimaçant sous l'effet de la douleur. Je crois que c'est la séance de pose la plus longue que je n'ai jamais faite. Quatre heures à poser seins nus, sur les genoux et les bras en l'air... Je suis littéralement rompue.

Une fois ma paire de Vans enfilées, j'attrape rapidement mon sac à main et sors de ma cachette. Assis derrière son bureau, Jean-Claude pianote sur son téléphone et lorsqu'il me voit approcher, il m'adresse un petit sourire.

— Ça va ? Pas trop crevée ?

Je rigole en réajustant la bandoulière sur mon épaule.

— Je ne sens plus mes bras, mais je survivrai.

Il se marre à son tour avant d'ajouter :

— C'était parfait, comme d'habitude. D'ailleurs, je ne sais pas si tu es disponible, mais la semaine prochaine, nous commençons un nouveau sujet et j'aimerais beaucoup que cela soit toi.

Intriguée, je m'empresse de lui demander : 

— Quel genre de sujet ?

— Le torse d'Adèle de Rodin.

J'hésite. La sculpture originale est magnifique. Ce corps cambré de femme qui s'offre... il n'y a pas plus sensuel. Seulement, c'est une pose assez acrobatique où le corps est entièrement nu, exposé et vulnérable. Non pas que j'ai le moindre problème avec le fait de me montrer entièrement dévêtue. Contrairement à d'autres, je n'ai que très peu de pudeur. Mon corps n'est qu'une enveloppe, un outil utile et lucratif qui me permet de payer mon loyer. Je n'en retire ni particulière fierté ni honte. Il est à moi et j'en dispose comme je l'entends.

Sans prétention aucune, je suis consciente d'avoir une jolie plastique, cochant toutes les cases du canon de beauté si cher aux artistes. Des épaules fines, des seins hauts et ronds, un ventre plutôt plat, une taille étroite, des hanches girondes et de longues jambes bien faites.

La plupart de mes camarades de classe me surnomment même Milo, en référence à la très célèbre Vénus, mais aussi – soyons honnêtes ! – au fait que je passe les trois-quarts de mon temps à poil pour payer mes études. J'ai toujours trouvé ça complètement idiot (et mégalo !) mais le surnom est resté et aujourd'hui, presque tout le monde m'appelle comme ça.

— Tu serais payée vingt de l'heure pour celui-là, ajoute-t-il pour me convaincre. Franchement, je ne vois personne d'autre pour ce job, Milo. Mes étudiants seraient déçus si ce n'était pas toi.

— Vos étudiants ou vos étudiantes ? dis-je pour plaisanter, parfaitement consciente que la dimension sexuelle n'a, en règle générale, rien à voir là-dedans.

Hormis quelques élèves de première année qui, parfois, peuvent se montrer fébriles lors de leur tout premier cours de nu, la plupart d'entre eux me dévisagent uniquement comme un sujet d'étude, une énigme à résoudre du bout de leurs doigts.  

Dans un soupir mélodramatique, il se laisse tomber contre le dossier de sa chaise.

— Arrête, tu sais très bien que cela n'a rien à voir avec ça ! Ils ne t'admirent pas comme un objet sexuel mais comme la représentation absolument parfaite du corps féminin.

Nos Nuits de JuilletOù les histoires vivent. Découvrez maintenant