Chapitre 7

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Les mots étaient bloqués au fond de sa gorge. Ou étaient-ce les sanglots ?  Aucun des deux ne sortirent. La stupeur d'Eschyle sembla durer une éternité. Même après être revenu à l'instant présent, c'était comme s'il était en train de rêver. Sa mère était morte. Pas juste morte, elle avait été assassinée. Qui avait pu faire une chose pareille ? Sa quête de réponse le poussa à porter son attention au reste de la pièce. Le roi Hermon était assis à même le sol aux pieds de sa défunte épouse. Il tenait dans sa main une bouteille d'alcool dont il prenait une gorgée toutes les vingt secondes. Elle était presque vide et il était complétement saoul. À savoir s'il réalisait même que sa femme ne respirait lui. Plus loin, Icare discutait en messes basses avec Dayane. Et à leur droite, une dame qui avait tout l'air d'une servante était tenue ferment par deux gardes. Elle avait les mains et les pieds menottés et la bouche bâillonnée. Eschyle s'avança vers elle. Sa progression signala sa présence à Icare. Mais avant qu'il ne puisse lui dire de ne pas s'approcher de la prisonnière, Eschyle tira sur le tissu qui lui couvrait la bouche. Il ne prononça qu'un mot :

« - Pourquoi ? »

Ni Dayane ni Icare ne s'étaient attendus à une réponse mais la prisonnière prit la parole. Sa voix était remplie de rage quand elle dit :

« - Elle méritait bien pire que ça. Tout ce que ma sœur demandait c'était un minimum de compassion. Tuer un gamin de trois ans ? C'est pas dans la gorge que j'aurais dû la poignarder c'est dans le coeur ! »

De prime abord, les paroles semblaient manquer de sens mais les points se connectèrent dans sa tête et ça fit tilt dans le cerveau d'Eschyle. Il se tourna vers son frère.

« - Tu les as tués ?! demanda-t-il furieux.

- Je ne vois pas de quoi tu parles et je n'ai tué personne, répondit Icare.

- Ne joue pas l'innocent. La servante et son fils, le bâtard. Qu'est-ce que tu as fait d'eux?

- Exactement ce que j'ai dit que je ferais, je me suis débarrassé du problème.

- Débarrassé d'eux tu veux dire.

- Dans ce cas, ça revient au même.

- Comment as-tu pu, s'indigna Eschyle.

- Oh épargne moi tes jérémiades, se défendit Icare. Je n'avais pas d'autre choix. C'était la seule solution à la fois durable et efficace.

- Efficace? Efficace?! cria Eschyle. Efficace au point de tuer notre mère ? Tu appelles ça efficace ? »

Icare commençait à perdre patience. Oui, sa solution avait été efficace. Il n'aurait pas pu prédire que la sœur de la servante s'en prendrait à la reine. Il refusait qu'on lui mette la mort d'Isis sur le dos. Comme si ça ne suffisait pas que son gala ait viré au drame. Personne ne devait savoir ce qui s'était passé. Il devrait sortir et placarder son plus beau sourire à ses invités et les rassurer que ce n'était qu'un moindre incident qui avait interrompu leur soirée et non l'assassinat de leur souveraine. Alors les remarques haineuses de son petit-frère, il pouvait bien s'en passer.

« - Je dois sortir distraire nos invités, annonça le prince héritier. Dayane, demande à Marcus de s'occuper du corps de la reine et débrouillez vous à faire disparaître tout ce sang.  Si tu veux te montrer un temps soit peu utile Eschyle, occupe toi de père  et assure toi que personne ne le voit dans cet état. »

Il repartit dans la salle de bal après avoir donné ses instructions et tout le monde s'exécuta. Tout le monde sauf Eschyle. Il resta planté là à regarder son paternel. Le cadavre d'Isis n'était plus là et des serviteurs étaient en train de frotter le sol pour faire disparaître l'immense tache rouge. Le roi lui, n'avait pas bougé d'un pouce. Eschyle s'accroupît devant lui et lui toucha l'épaule.

« - Père, dit-il. Il est temps d'y aller. »

Hermon le suivit sans protester. Eschyle dut se faire assister par deux gardes pour emmener son père aux quartiers du roi. Il plaçait les couvertures sur lui quand il demanda:

« - Où est Isis ? Je veux dormir auprès de la reine ce soir. »

Les deux ne dormaient jamais ensemble, sa demande était donc des plus inhabituelles. Était-ce son subconscient qui tentait de faire comprendre à Hermon que sa femme n'était plus de leur monde? Eschyle ne s'attarda pas sur la question. Il était bien trop frustré par le comportement d'Icare, bien trop triste de la mort de sa mère, bien trop furieux de l'ignorance de son père, bien trop confus par la vague de sentiments mixtes qu'il expérimentait tous au même moment.

Il sortit précipitamment de la chambre et retourna dans la sienne. Là, debout, seul au milieu de la pièce, la dure et cruelle réalité le frappa de plein fouet. Sa mère n'était plus. Il fût prit d'une forte nausée. Ses jambes tremblantes le portèrent jusqu'à la salle d'eau où il déversa le contenu de son estomac dans un pot de chambre.

Quelques minutes plus tard, il sentit une présence à ses côtés. Philippe n'était pas parti. Il s'était donné à une joute verbale avec les gardes royaux afin qu'ils le laissent entrer dans la chambre de leur prince. Il se félicita d'avoir autant insisté vu l'état dans lequel il trouva Eschyle. Il avait besoin de lui.  Après l'avoir aidé à se nettoyer, il le conduisit à son lit. Sans même le savoir, Philippe reproduisit les mêmes gestes qu'Eschyle plus tôt avec Hermon. Mais contrairement au roi de Nantos, Eschyle était lucide. Il demanda à Philippe de s'allonger à ses côtés et c'est ce qu'il fit. Il se blottit contre son torse musclé et sans qu'il puisse les retenir, les larmes coulèrent d'elles-mêmes de ses yeux.

Quand Eschyle ouvrit les yeux le lendemain, il était seul sous les draps, mais pas dans la chambre. Philippe avait réceptionné pour lui le plateau contenant un petit-déjeuner, délivré par un serviteur quand il dormait encore. Il était en train de poser les plats sur la table.

« - Je te croyais parti, dit Eschyle, la voix enrouée.

- Ma famille est rentrée hier soir, l'informa Philippe. Mais je ne voulais pas te laisser seul. Je prendrai le convoi qui part cette après-midi. »

Eschyle lui en était reconnaissant. Il quitta le lit et alla le rejoindre à table. Hélas, il n'avait pas un très grand appétit. Il tournait le liquide brun dans  sa tasse sans jamais le boire et Philippe le remarqua. Il posa la question qui lui brûlait les lèvres depuis la veille:

« - Qu'est-ce qui s'est passé hier? »

Ce fût comme un coup de massue sur la tête d'Eschyle. Il se revit devant le corps sans vie de sa mère et les larmes lui vinrent. Il les essuya rageusement de son visage. Il avait assez pleuré. Il était temps d'agir.

« - Le début de mon coup d'état, voilà ce qui s'est passé. J'aurai besoin de cette armée plus tôt que je ne pensais. »

Nantos [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant