Quinze ans que je la cherche, cette lumière salvatrice qui saura me sortir des ténèbres qui m'habitent. Quinze ans que je sillonne ce monde dans l'espoir de la trouver. Quinze ans que je m'enfonce d'avantage dans la noirceur de ma solitude. Quinze ans... une vie entière à lui courir après depuis qu'elle m'a été arrachée.
J'étais déjà bien abîmé à l'époque, conséquence sans doute d'une existence de vagabond, de hors la loi, de malfrat... je n'ai jamais été un enfant de cœur. Je vivais de magouilles, de trafics, de cambriolages, de casses en tous genres. Je ne restais jamais bien longtemps au même endroit : quand on mène ce genre de vie, on apprend à rester mobile ; pas de bagages inutiles, pas d'attaches. Je ne m'en sortais pas si mal compte tenu de ce mode de vie. J'avais assez de thunes pour vivre correctement, et aussi suffisamment de succès avec les nanas pour en avoir régulièrement dans mon plumard. Pas de prises de têtes, pas d'employeur à satisfaire, je ne roulais que pour moi-même. C'était presque le bon temps celui-là ! Mais je ne pouvais faire confiance à personne, le milieu l'exigeait... la solitude était omniprésente dans ma vie à cette période.C'était il y a vingt ans, oui. Vingt ans depuis que ma vie a changé du tout au tout.
Un jour, Nadia, une des filles avec qui j'avais pris du bon temps trois mois auparavant, m'a laissé un colis sur mon paillasson. C'était un étrange cadeau, d'autant plus étrange qu'on ne s'était pas quitté en très bons termes elle et moi. On s'était fréquenté quelques semaines, tout au plus. Elle faisait le tapin, mais elle aimait faire du rab avec moi, et ça m'allait. Cependant, elle s'était embarquée dans des histoires compliquées et j'avais bien compris qu'elle cherchait quelqu'un pour la protéger. De qui, de quoi, je n'en avais rien à carrer, alors j'avais coupé court.
Visiblement, je lui avais quand même fait une forte impression, car me voilà avec ce drôle de paquet, recouvert d'une épaisse couverture, devant la porte de ma chambre de motel. Le paquet a bougé et j'ai entendu un petit bruit qui m'a fait grimacer. C'était un cadeau empoisonné et avec, juste un mot griffonné à la hâte : « Protège-la. Nadia».
Une gamine, voilà ce que Nadia m'avait refilé. Une foutue gamine qui n'était même pas la mienne. Que voulait-elle que j'en fasse ? Que je la refile à quelque famille modèle à la petite vie morne parfaitement bien rangée ?
J'ai soulevé la couverture et j'ai croisé un regard bleu innocent. La petite devait avoir pas loin de quatre ans et me regardait avec étonnement et méfiance. J'ai grogné et l'ai prise sous le bras.
– Une nuit ma p'tite ! Juste une nuit et demain je te refile à ta mère !
La gamine est restée incroyablement silencieuse toute la soirée, à croire qu'elle avait l'habitude de ne pas faire de bruit. Ce n'était pas plus mal, je n'aurais pas supporter de l'entendre chialer ou réclamer pendant des heures.
Le lendemain, j'ai pris la gamine avec moi et nous sommes allés faire le tour du secteur où sa mère avait l'habitude de racoler. Je ne l'ai pas vu. Une de ses copines m'a indiqué son adresse et j'y suis allé, la gamine sous le bras.
En arrivant devant sa porte non fermée à clef, j'ai tout de suite senti que quelque chose n'allait pas. J'ai sorti mon flingue et je suis entré, la gamine sur mes talons. Une tornade semblait être passée dans l'appartement : tout était sans dessus-dessous. Et au milieu, Nadia, étendue dans une mare de sang. Du sang encore frais de quelques heures. Elle était bâillonnée et attachées, et quelqu'un semblait visiblement avoir pris le temps de s'amuser avec elle... Et merde, la gamine ! Je me suis tourné vers elle pour lui cacher les yeux, mais trop tard : elle avait déjà tout vu. Je l'ai amené dans une chambre, celle de Nadia visiblement, en lui ordonnant de ne pas bouger. Je savais qu'on ne devait pas s'attarder plus longtemps, les flics allaient sûrement ramener leurs fesses d'un moment à l'autre, mais il fallait que je trouve des infos qui aurait pu m'en apprendre d'avantage sur ce qui était arrivé à Nadia. Ce n'était pas une coïncidence si elle m'avait refilé sa fille la veille de son assassinat.
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Bribes de Dystopie
General FictionFugitifs, meurtriers, résistants, victimes, survivants... les apparences sont parfois trompeuses dans un monde où règne la loi des plus forts et des plus fortunés. Bribes de Dystopie n'est pas un roman au sens premier, car il n'y a pas qu'une histoi...