Entre lumière et désespoir (Light Novel)

Chapitre 15 : Éloquence

Deux longues semaines se sont écoulées après m'être fait rejeter par la fille dont je pense être amoureux. Un quiproquo a créé un malaise entre nous, si bien qu'on ne s'est plus adressé la parole depuis. Suite à ça, mon cœur succomba à un chagrin d'amour et mon égo brisé déversa un torrent de larmes durant les jours qui ont suivis. Je ne suis même plus allé à l'école. Le concours de nouvelles approchant à grands pas, il ne nous reste qu'une semaine pour finaliser nos manuscrits. J'y ai infusé tous mes sentiments, mais les larmes qui coulaient abondamment m'avaient contraint de réécrire certaines pages car elles s'étaient déchirées. Lorsque j'ai terminé l'écriture, je me suis senti comme une coquille vide et un épuisement s'en était suivi. Cela étant, je n'ai pas eu d'autre choix que de retourner au lycée.

Dans les couloirs, j'aperçois toujours de coin son regard se posant sur moi mais aucun de nous n'ose refaire le premier pas. Au fond de moi, j'espère sincèrement que tout va s'arranger et que j'aurais l'occasion de m'expliquer.

Mais le sentiment qui est le plus profondément gravé en moi, lui, n'a jamais disparu et ne cesse de me rappeler quel est mon véritable but : me venger de Yuriko Tanaka et la faire autant souffrir que moi, de sorte qu'elle me supplie de la tuer pour que tout s'arrête. Rien ne doit jamais me détourner de cette voie, ni mes amis, ni mes amours. Pas même mon éventuelle carrière d'écrivain. Je lui prendrai tout ce qu'elle a, ce qu'elle ne pourra jamais récupérer même en revenant d'entre les morts. Je ne suis pas non plus totalement resté en position fœtale dans mon lit en attendant que mes peines ne s'en aillent, j'ai aussi minutieusement préparé ma candidature pour pouvoir me tenir au sommet du Bureau des Étudiants. Je me suis rappelé de futurs événements certains grâce à mon ancienne vie. Peu après les vacances d'été, une étudiante sera forcée de changer de bahut car elle se fera harceler par deux filles de sa classe. De ce que je sais, elles vont se servir de photos compromettantes prises à son insu sous les douches de l'école en la menaçant de les diffuser si elle ne leur donne pas tout son argent de poche. Elle se fera aussi voler ses sous-vêtements pendant les cours de sports. L'affaire sera étouffée par la direction afin de ne pas nuire à la réputation de l'établissement. Monsieur Kobayashi avait annoncé que la jeune fille déménageait et qu'elle devait donc changer d'école. Cet événement, ainsi que mon suicide, sont la preuve que le système mis en place par l'actuel Conseil des Élèves est un échec et je me dois d'y remédier. Bien que l'infirmière Yamada fasse partie du comité disciplinaire, elle endosse aussi le rôle de psychologue du lycée. Hélas, personne n'ose jamais se confier à elle. Pour la simple et bonne raison qu'elle a pour obligation de répertorier dans le dossier médical des élèves la date de visite et les soins prescrits à chacun d'eux ainsi que toutes les éventuelles confessions qu'elle recevra. Ce dossier médical peut être lu par la direction, par les professeurs et même par les parents. Il n'y a donc aucune vie privée et secret professionnel. Cette faille dans le système, dont les élèves sont parfaitement conscients, les empêchent de pouvoir se confier sans répercussions. Je vais frapper pile là où ça fait mal et tenter de renverser ce système absurde qui aura contribué à ma propre perte mais aussi à celle de beaucoup d'autres élèves innocents.

Dès la fin des cours, je me présente à l'infirmerie et annonce d'un ton solennel :

— Mme Yamada, je suis prêt. Emmenez-moi au Bureau des Étudiants, auprès de Shôta Muneyuki.

— J'aime ce regard, mon petit Kazuto. J'espère que tu as bien tout préparé. Je ne pourrai pas t'accompagner dans la salle mais si ta thèse convainc le Président, tu devras te représenter devant moi et gagner la confiance du directeur et des autres membres du comité disciplinaire.

— J'y arriverai, c'est certain.

— Fort bien. Allez, suis-moi.

C'est maintenant que tout mon avenir se joue. L'esprit calme et affûté, je parviens à entrer dans un état d'extrême concentration. Le bruit de mes pas résonnant dans le couloir s'intensifie à mesure que je me rapproche du Bureau.