Les pavés de l'avenue du Sud miroitaient, frappés par les rayons blanchâtres du soleil printanier. Une brise erratique s'immisçait par à-coups dans la rue bondée. Elle s'engouffrait dans les pèlerines des passants, décoiffant leurs cheveux négligemment détachés. Le brouhaha de fin d'après-midi, enivrant, s'élevait de toute part. En haut de l'artère, près des terrasses, les verres qui s'entrechoquaient ponctuaient des conversations animées. Plus bas parvenait le murmure de couples qui flânaient d'échoppe en échoppe, parfois harangués par les vendeurs d'étoffes implantés dans le quartier. Et, à intervalles réguliers, le clappement lointain de sabots contre la pierre résonnait depuis le boulevard principal de la ville. Même après trois mois passés à East City, je ne me lassais pas d'admirer les chevaux de trait. Noirs, immenses, ils tiraient leurs carrioles d'un bout à l'autre de la ville, offrant aux touristes chanceux un aperçu bucolique de celle-ci.
Installée sur une chaise rigide en osier, je trempais mes lèvres dans le cocktail amer que le serveur avait apporté un quart d'heure auparavant. Je voyais pour la première fois mes collègues en-dehors du travail. À l'initiative d'Hawkeye, nous nous étions réunis à l'Aurore, un bar peu fréquenté d'East City. Retenue par un appel téléphonique important, le lieutenant avait finalement dû rester plus longtemps au bureau et n'était pas encore parmi nous. Je me retrouvais seule avec les membres masculins de l'équipe et les écoutais poliment échanger sur l'intérêt de raccourcir l'uniforme militaire des femmes.
Les voir en civil m'avait procuré une sensation étrange. En un trimestre, j'avais associé leur image à celle de l'uniforme bleu.
J'avais surtout été frappée par l'apparence de Mustang. Il avait été le premier à me rejoindre devant la caserne, une fois changé. Je ne saurais dire à quoi je m'étais attendue, mais certainement pas à le retrouver en costume trois pièces et les cheveux coiffés à la cire.
Fuery avait suivi, habillé d'une simple chemise blanche avec un pantalon bleu roi. Puis Falman, avec son pull gris à col roulé, et Breda, qui portait un veston de laine couleur crème assorti à son bas.
Havoc s'était présenté en retard. Tout de noir vêtu, je constatais que son t-shirt, très simple, révélait une musculature jusque-là dissimulée par l'épaisse veste de l'uniforme.
Je m'étais moi-même apprêtée pour l'occasion. J'avais enfilé une robe blanche à volants, achetée à East City, qui me marquait la taille. Ma veste en cuir noir était assortie aux cuissardes qui protégeaient mes jambes de la fraîcheur ambiante. Une parure d'or piquetée d'émeraudes, offerte par mes parents pour ma majorité, rehaussait ma tenue. Avec bonheur, j'avais détaché mes cheveux et je sentais leur lourde masse caresser mon dos.
— Bon, changeons de sujet les gars, ou on va faire fuir le commandant, dit Breda. Sauf votre respect, colonel.
Mustang semblait particulièrement attaché à cette politique de modernisation d'uniformes.
— Il en faudra bien plus pour me faire partir, rétorquai-je en m'adossant nonchalamment contre le fond du siège. En fait, je me disais qu'on pourrait aussi rafraîchir les uniformes masculins.
J'avais capté l'attention. Même Fuery, en retrait de la conversation précédente, attendait que je poursuive.
— Le futur de l'armée, ce sont... (Une pause dramatique.) Les débardeurs.
Des ricanements s'élevèrent.
— Voyons, commandant, vous n'avez pas un vêtement d'encore plus mauvais goût à proposer ? soupira Mustang.
— Détrompez-vous, colonel. Il n'y a rien de tel pour mettre en valeur un homme bien fait.
Mon regard se tourna une fraction de seconde vers Havoc. Je m'empressai de boire le cocktail douteux.
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The Wind Alchemist | Fullmetal Alchemist
FanfictionÀ sa connaissance, Estelle Oncia est la seule à manier l'alchimie des vents en Amestris. Mais alors à qui appartient le carnet de notes alchimiques caché dans le grenier familial ? À la recherche de son mentor spirituel, elle intègre l'armée en tant...