Chapitre 1 : L'Alchimiste des Vents

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L'antichambre était totalement obstruée par les bagages. J'avançais tant bien que mal, louvoyant entre les valises, tenant la corbeille en osier dans un équilibre précaire au-dessus de ma tête.

— Bon retour, Monsieur et Madame Motley.

Le couple d'une quarantaine d'années attendait sur le pas de la porte. L'homme, dans un costard impeccable, tenait son épouse par le bras. Ou plutôt, celle-ci avait l'air de tenir son mari, compte tenu qu'elle mesurait bien une tête de plus que lui.

Deux semaines s'étaient écoulées depuis qu'ils avaient pris les clés du gîte. Les Motley avaient débarqué dans la région pour un voyage à l'improviste : un important retard de livraison dans les pièces de moteur avait mis le couple au repos forcé. Ne pouvant plus assembler leurs voitures de luxe, et a fortiori les vendre aux clients, ils avaient décidé d'un commun accord de se retirer à la campagne en attendant que les affaires reprennent leur cours. Comme souvent, ils avaient obtenu l'adresse par le bouche-à-oreille ; en l'occurrence, Hannah, la boulangère de Shadowfen, leur avait soufflé que nous avions eu un désistement dans nos réservations et, qu'exceptionnellement, notre pavillon serait libre dans les jours à venir.

Avec cette quinzaine à l'écart de la capitale, les tourtereaux avaient visiblement tiré grand bénéfice de la vie rurale. Arrivés avec l'air dédaigneux et l'œil méfiant, ils m'accueillaient aujourd'hui avec une bonhomie non feinte. La froideur que j'avais initialement ressentie entre les deux membres du couple s'était peu à peu estompée.

Je leur tendis maladroitement le panier.

— Un cadeau de la maison. La même confiture qu'au petit-déjeuner.

— À la clémentine ? demanda Monsieur Motley en rajustant son monocle à la monture argentée.

— Celle-là même, assurai-je.

Il poussa un petit cri de ravissement et me salua bien bas, révélant la calvitie naissante sous son fédora.

— Merci pour votre accueil, Mademoiselle Oncia, me dit son épouse. Nous reviendrons !

— Pensez à réserver, leur rappelai-je. Vous n'aurez pas un coup de chance à chaque fois.

Ils acquiescèrent vivement.

— Vous avez besoin d'aide pour les bagages ?

Madame Motley refusa avec élégance et, d'une brassée, récupéra tout ce qui traînait par terre. Pendant une fraction de seconde, je crus qu'elle allait aussi emporter son mari, mais celui-ci quitta le gîte sur ses deux jambes. Je les saluai une dernière fois et refermai la porte.

Plus par habitude que par réelle nécessité, je fis le tour du pavillon. Le couple l'avait laissé dans un état irréprochable. Dans la pièce de vie, la cheminée rougeoyait doucement, illuminée par les braises qui finissaient de se consumer. Le tisonnier reposait contre l'âtre, et pas une trace de suie ne venait recouvrir le sol. Pour la cuisine, si ce n'était la vaisselle rutilante qui attendait sur l'égouttoir, on aurait pu croire qu'elle n'avait pas été utilisée tant elle était immaculée. Côté chambre et salle d'eau, la literie et les serviettes avaient été lavées et séchaient sur l'étendoir du cellier.

Je remerciai intérieurement les Motley d'être des fées du logis : faire le ménage m'était particulièrement pénible. Tout compte fait, ne me restait que le sol à épousseter ; et encore, je doutais que mon intervention serait remarquable à vue d'œil.

Plantée contre le mur du salon situé côté ouest, je jetai un rapide coup d'œil à l'extérieur. L'allée herbeuse était plongée dans le noir. En face, les lumières filtraient à travers les fenêtres de la maison principale où étaient restés mes parents. Je n'aperçus âme qui vive au-dehors, y compris les Motley qui étaient déjà repartis dans leur berline noire.

The Wind Alchemist | Fullmetal AlchemistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant