Chapitre 6 : Coup de chaleur

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— Colonel. Je ne pensais pas vous trouver ici.

L'expression étrange de Breda au moment de compléter le registre me revint en mémoire. L'espèce de... Je ravalai le rictus contrarié qui s'invitait sur mon visage.

— Vraiment ? Dommage, j'espérais que vous veniez pour moi.

Mustang haussa les épaules de manière théâtrale. Était-il sérieux ? Par prudence, je décidai de garder le silence.

— Dois-je déduire, reprit-il, que vous avez enfin décidé d'exercer votre alchimie ?

Il insista particulièrement sur le « enfin ». Ses traits se durcirent imperceptiblement. Je frissonnai malgré moi. En cet instant, il n'avait plus rien d'un bellâtre au compliment facile. Avec le soleil qui se levait dans son dos et découpait sa silhouette inflexible sur le béton calciné, le Flame Alchemist irradiait d'autorité. Il s'enfonça dans la zone d'exercice sans attendre de réponse et sans un regard en arrière. Je le suivis.

Le sol jonché de graviers crissait sous nos bottes. Çà et là, des mannequins en bois, disposés en demi-cercle approximatif et plantés de guingois, rougeoyaient encore sous leur croûte noircie par leur rencontre avec le colonel. Ils me rappelèrent les citrouilles que mon père sculptait parfois avant de leur enfourner une bougie à la flamme vacillante. Une fois sortis de leur périmètre, nous dûmes faire de nombreuses circonvolutions pour avancer dans le terrain vague. Des murets de béton s'élevaient de manière anarchique pour simuler des zones de couverture. Certains étaient incomplets et comblés par des sacs de sable.

L'endroit était immense, bien plus qu'il n'y paraissait au premier abord. Lorsqu'avec le reste du peloton nous nous entraînions aux armes à feu, nous ne nous aventurions jamais plus loin que la première zone : celle où j'étais tombée sur le colonel, avec les mannequins. Si j'en croyais les limites que je distinguais à l'horizon, elle ne devait même pas représenter le cinquième du site.

Nous longeâmes en silence une tranchée sur plusieurs dizaines de mètres, avant de finalement débouler sur un grand espace à découvert. J'aperçus au loin la forêt de conifères qui bordait le flanc est de la ville.

D'autres mannequins carbonisés nous attendaient. Telle une armée silencieuse, ils s'étalaient à perte de vue.

Je reportai mon attention sur le colonel. Baissant les yeux, je remarquai bientôt que chacun de ses pas soulevait de petits nuages gris qui se collaient à ses bottes. Des cendres.

Mustang s'arrêta net. Résolument tourné vers les arbres, dos à moi, il demanda d'une voix neutre :

— Qu'est-ce que vous comptiez faire ce matin ? Vous entraînez à tuer ?

— Peut-être, répondis-je à mi-voix. C'est ce qu'on attend de moi en tant qu'alchimiste d'état, non ?

Je n'obtins aucune réponse. Le silence s'épaissit, inconfortable, et je me sentis obligée de poursuivre :

— Je veux seulement pouvoir me défendre si quelqu'un s'en prend à moi – Scar, entre autres. Pour autant... Je ne veux pas devenir une meurtrière.

Mustang se raidit. Évidemment, lui avait dû se résoudre à tuer des dizaines, voire des centaines d'Ishbals dans l'exercice de ses fonctions. Je maudis intérieurement ma maladresse.

— Je ne sais pas encore comment résoudre ce dilemme, avouai-je. J'espérais trouver des réponses en venant ici.

Le colonel se retourna et me regarda enfin. Une expression étrange altérait son visage. Il inspira profondément et elle disparut si parfaitement que je crus l'avoir rêvée.

The Wind Alchemist | Fullmetal AlchemistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant