Mon retour à la conscience fut brutal. Impitoyable. Mes sens s'éveillèrent tout à la fois, comme si mon cerveau avait été un interrupteur que l'on aurait actionné après une panne de courant. Je fus assaillie par l'odeur aigre de l'antiseptique, par des cliquetis métalliques, des tintements de verre et surtout, surtout, par la douleur lancinante qui écartelait ma main droite et m'amenait au bord de la nausée.
J'entrouvris les yeux en gémissant. Mon regard fut attiré par une lumière jaunâtre et vacillante. Elle clignotait au bout d'une lampe à pied tordue. À côté, à ma droite, se tenait une sorte de guéridon couvert d'instruments pointus et de flacons malodorants. Une nappe brodée du blason d'Amestris dépassait du petit meuble, m'indiquant que j'avais été rapatriée dans le camp militaire.
Je tournai la tête de l'autre côté pour découvrir une silhouette anguleuse, tapie dans les ombres. Qu'est-ce que... ? Elle s'immobilisa un instant, semblant me jauger, puis avança vers moi à pas feutrés. Ma gorge se serra. La silhouette ralentit à nouveau. Elle tendit un bras dans ma direction. Je me redressai brusquement pour m'extraire du lit, mais des liens retenaient mes poignets. Le souffle court, je tentai de crier. Aucun bruit ne s'échappa de ma respiration hachée.
— Oh là, mademoiselle, du calme !
La silhouette avança dans la lumière. Elle céda place à un homme d'une trentaine d'années, au visage mince et pâle. Il avait des cheveux noirs soigneusement brossés en arrière, zébrés d'une épaisse mèche blanche qui prenait racine sur sa tempe gauche, et des yeux verts brillants qui surmontaient des cernes profonds. Son costume gris rapiécé était en grande partie camouflé par une blouse tachée de fluides divers. Il tenait un scalpel à la main.
— Tout va bien ! s'exclama l'homme d'une voix de ténor. Soufflez un peu, vous êtes au poste de soins. La morphine est redescendue, et maintenant ça vous monte à la tête, hein ? Je peux pas vous en donner plus, même si vous êtes mignonne. On va me taxer de faire du favoritisme ! Docteur Ethan Wells, enchanté.
Il avait parlé vite, très vite, tout en détachant les lanières de cuir qui me maintenaient attachée au fauteuil. J'observai sans rien dire la main qu'il me tendait.
— Ah non, pas la droite, c'est vrai ! Excusez-moi, commandant, parfois mon bon sens se fait la malle.
Il changea de main pour me présenter la gauche.
Je regardai les miennes, perplexe. Puis ses propos firent sens dans mon esprit.
Si ma main gauche était indemne, la droite était dissimulée sous un épais bandage. Pas assez épais, cependant, pour camoufler la dépression rougie de sang là où aurait dû se trouver mon auriculaire.
— Où est-il ? murmurai-je.
— Bon, tant pis pour la poignée de main, alors ? Votre doigt... Il est dans la poubelle, là-bas. Le soldat qui vous a escorté l'a ramené du champ de bataille. Je pourrais vous le récupérer, enfin, il n'y a plus grand-chose à en faire. Il est complètement nécrosé.
La pièce tourna brutalement autour de moi. La nausée déferla comme un raz-de-marrée. J'agrippai l'accoudoir du fauteuil de ma main valide pour ne pas tomber.
— Tenez, commandant, prenez ça. Je suis peut-être rationné en morphine, mais j'ai d'autres antalgiques.
Le médecin me tendit une gélule orange que j'ingérai sans poser de questions.
— Merci. Dites, docteur... Wells, c'est ça ?
Il acquiesça.
— Vous avez dû prendre en charge le sous-lieutenant Havoc ? demandai-je, la poitrine serrée. Grand, blond, la trentaine ? Il était accompagné d'un officier roux et d'un soldat brun.
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The Wind Alchemist | Fullmetal Alchemist
FanfictionÀ sa connaissance, Estelle Oncia est la seule à manier l'alchimie des vents en Amestris. Mais alors à qui appartient le carnet de notes alchimiques caché dans le grenier familial ? À la recherche de son mentor spirituel, elle intègre l'armée en tant...