Chapitre 10

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Pour une raison qu'il ignorait, Jackson fit particulièrement attention à Stiles, à chacun de ses gestes, chacune de ses expressions. Si le châtain n'avait plus prononcé un mot depuis qu'il était venu le récupérer chez lui, le blond n'avait pas cherché à le forcer. En tout cas, ils se séparèrent d'un accord tacite à l'université et eurent la surprise de se retrouver lors de leur premier cours de la matinée. S'ils en profitèrent pour se rapprocher, se mettre à côté, discuter un peu ? Honnêtement, Jackson s'y attendit, mais Stiles ne le fit pas. Ainsi, il lui zieuta de quelques coups d'yeux réguliers ce jeune homme quelque peu étrange qui s'était installé trois rangs en-dessous de lui dans l'amphithéâtre.

Des choses que Jackson ne comprenait pas à son sujet, il y en avait des tas. En fait, Stiles lui apparaissait comme une énigme au sourire lumineux – bien affadi ce matin-là. Si le blond se doutait de la raison de son soudain changement d'humeur, il espérait ne pas avoir... Empiré la chose. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il avait gardé ses questions pour lui, qu'il s'était efforcé de ne pas laisser sa curiosité diriger son regard vers l'arrière de la Jeep lorsqu'il le pouvait.

Quoique ce qu'il avait entraperçu suffisait amplement à ce qu'il comprenne la situation de Stiles. Et c'est là que ses réflexions firent passer le cours auquel il assistait à l'arrière-plan. Pourquoi l'hyperactif s'était-il évertué à l'aider la veille puis à venir le chercher ce matin ? Même si Jackson lui en était profondément reconnaissant, il ne lui en aurait jamais voulu s'il n'était pas revenu. De son côté, il se serait débrouillé pour trouver un bus et tant pis s'il avait fini par arriver en retard. Après, si Stiles tenait vraiment à garder ce côté de sa vie secret, il n'avait pas à prendre le risque que Jackson le découvre. Cependant, penser de cette façon était profondément égoïste et déplacé. L'on ne choisissait ni sa vie, ni sa situation et Jackson s'estimait plutôt heureux d'avoir été aidé la veille et ce matin. Alors, il ne répèterait rien de ce qu'il avait vu – même si, objectivement, il ne parlait à personne – et n'aborderait le sujet d'aucune manière avec Stiles. D'une part, la chose ne le regardait pas, d'autre part... La façon dont l'hyperactif avait semblé gêné était sans équivoque.

Il avait honte.

Pour autant, et c'était ce qui marquait le plus Jackson, le châtain n'avait pas reculé alors même qu'il savait ce qui allait arriver. Dans un sens, il assumait, juste pour lui. Pour l'aider.

C'est pour toutes ces raisons que le blond, au lieu d'écouter les cours suivants, réfléchit à la manière dont il pourrait remercier l'hyperactif. Déjà, le soulager de sa présence était une bonne chose. A la fin de la journée, Jackson irait voir sa voiture. Même s'il n'était pas très doué en mécanique, il connaissait deux-trois petites choses et espérait que la panne de son petit bolide était dans ses cordes. A côté de cela, il se devait de remercier Stiles pour l'aide qu'il lui avait apportée. Il avait bien pensé à une compensation physique, un peu d'argent, quelques denrées alimentaires... Mais il ne connaissait pas suffisamment l'énergumène et était terrifié à l'idée de le vexer ou de le mettre face à ses problèmes. En somme, Jackson, qui fuyait le moindre problème, se trouvait actuellement dans une situation des plus délicates, à laquelle il réfléchit tout le long de la journée. Les seuls moments où il s'arrêtait d'y penser, il cherchait Stiles : à chaque fois qu'il sortait d'une salle, il regardait tout autour de lui, essayait de repérer les yeux noisette. Il ne partageait que quelques cours avec lui et à vrai dire... Il ne savait pas réellement lesquels – à part celui de ce matin, qu'il avait noté. Ainsi, le recroiser pour le remercier s'avéra plus ardu que prévu. Bien que Jackson ait toujours son numéro de téléphone, il avait, disons-le, toujours peur de commencer une conversation. Que Stiles l'ait aidé ou non, lui envoyer un premier message s'avérait être un réel obstacle pour lui, quelque chose de difficilement franchissable à ses yeux.

Ainsi, la journée s'acheva sans qu'il n'aperçoive à nouveau la frimousse de l'hyperactif. Jackson s'empressa de s'éloigner de la marée étudiante qui sortait des différents bâtiments du campus et se dirigea rapidement vers le parking où sa voiture était toujours stationnée. Bien sûr, il savait qu'on allait l'apercevoir et même si on ne le connaissait pas et qu'on ne ferait, objectivement, pas réellement attention à lui, Jackson n'avait pas la moindre envie de rester là trop longtemps. Son but ? Être un fantôme et le rester. Faire sa petite vie dans son coin sans déranger ni être vu.

En tout cas, remettre sa voiture en état de marche lui permettrait non seulement de ne plus avoir à déranger Stiles – ne plus faire de crise d'angoisse en sa présence – mais aussi et surtout de débloquer sa situation. Ce qu'il lui fallait, c'était retrouver son indépendance.

Cependant, à peine posa-t-il la main sur le capot qu'une voix familière l'arrêta :

- J'y ai déjà jeté un œil mais je n'ai pas eu le temps de m'en occuper. Pour l'instant, elle ne peut pas redémarrer.

Jackson se tourna instantanément vers Stiles, qui, lui paraissait bien moins lumineux que lors de leurs précédentes interactions – celle de ce matin mise à part. Le jeune homme ne le regardait pas dans les yeux, fixant un peu trop intensément la voiture de Jackson pour que cela soit normal.

- T'inquiète, ce n'est pas...

- Je ne suis pas mauvais là-dedans, le coupa Stiles, ajoutant un geste vague à sa parole, et j'aimerais t'éviter des frais.

Si l'intention était louable, Jackson n'avait pas envie que l'étudiant s'embête à réparer sa voiture – même si cela pouvait effectivement lui coûter un bras. Dans le coin, les garagistes ne faisaient pas de cadeau.

- Donc ce que je te propose, c'est de te ramener maintenant. Je me serais bien occupé de ta caisse ce soir mais je travaille. Si tu n'as pas peur de la laisser croupir une nuit de plus ici, je m'en occuperai demain après les cours.

L'offre était tentante, réellement alléchante mais Jackson ne savait pas s'il devait réellement l'accepter. Le problème n'était pas qu'il n'avait pas confiance en Stiles – même s'il ne le connaissait effectivement pas vraiment. Laisser la voiture sur le parking de l'université ne le dérangeait pas tant que ça non plus : il savait le campus sécurisé et pas mal famé. Son problème à lui était de dépendre de quelqu'un – ici, de Stiles. Il n'aimait pas ça... Et avait l'impression que l'hyperactif s'obligeait à l'aider. Après tout, avait-il réellement besoin de faire tout ça pour lui, dans sa situation ? Et s'il travaillait, s'il était... Dans cette situation, pourquoi s'embêter à cramer de l'essence juste pour lui ? Là, il gaspillait de l'argent. De l'argent qu'il pourrait investir ailleurs – et Jackson était bien placé pour savoir à quel point c'était utile. D'ailleurs, il devrait de son côté déjà commencer à réfléchir à la question du travail... Il fallait qu'il commence à faire ses petites recherches, à postuler ici et là, histoire d'avoir quelque chose avant que le peu d'économies qu'il lui restait n'ait complètement fondu.

Ainsi, il allait refuser... Mais une étrange lueur, dans le regard de Stiles, le poussa à accepter sa proposition. Peut-être aussi qu'il eut une idée derrière la tête et que celle-ci lui permettrait de remercier l'hyperactif sans le mettre dans l'embarras.

Alors, Jackson retint un soupir et hocha la tête.

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