Chapitre 13

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Jackson éprouvait une certaine satisfaction à l'idée de savoir Stiles chez lui et de le voir... Découvrir son petit appartement, comme s'il s'agissait de la première fois qu'il venait. En soi, ce n'était pas tout à fait faux puisque la première fois qu'il avait foulé ce sol... Avait simplement été pour ramener un Jackson complètement à l'ouest et le mettre au lit. En y repensant, le blond se mordit la lèvre de honte, mais ne stoppa pas sa préparation. Sans être un cordon bleu et sans avoir grand-chose non plus, il tenait à proposer à son inviter quelque chose de bon à manger... Non seulement pour le remercier, mais aussi pour essayer de... Redorer son image, en quelque sorte. Puis d'un autre côté, il tenait tout simplement à lui faire plaisir sans lui faire ressentir le fait... Qu'il savait – sans savoir. La chose lui paraissait importante car dans un sens, il se mettait à sa place. En somme, il n'apprécierait pas qu'on lui pointe sa propre situation du doigts, que l'on ait pitié pour lui. Et Jackson n'éprouvait pas la moindre pitié le concernant. Ce qu'il ressentait à son égard flirtait plutôt avec de l'admiration. Stiles vivait au jour le jour, sans sembler se soucier du lendemain, ni même de ses propres difficultés et ça, c'était quelque chose que Jackson avait sincèrement du mal à faire tant il passait de temps à réfléchir et angoisser en silence pour tout et n'importe quoi. Dieu seul sait à quel point elle lui manquait, cette époque où tout était simple, où il ne s'inquiétait pas de grand-chose, mis à part de s'ennuyer... Bien sûr, le rose n'avait pas teint la majeure partie de sa vie – mais Jackson vivait bien, avant. Il avait manqué d'amour et de repères. Cela l'avait-il tué ? Non. En revanche, il avait quelque peu déraillé, oui. Failli prendre une décision des plus radicales.

- C'est coquet, finit par lâcher Stiles en revenant le voir.

Jackson ne lui avait pas fait faire le tour du propriétaire : puisque celui-ci était petit et qu'il voulait régaler son invité, il l'avait laissé vaquer, visiter à sa guise. C'était une manière de le mettre à l'aise ou de se mettre à l'aise – Jackson lui-même ne saurait statuer là-dessus. S'il était capable de s'avouer certaines choses, pour d'autres... Il lui faudrait encore un peu de temps – et avec lui, rien n'était jamais gagné d'avance. Le jeune homme faisait au mieux pour se convaincre qu'il pouvait reprendre pied et maîtriser sa vie à nouveau, mais rien ne lui garantissait qu'il y arriverait facilement. Il y allait donc doucement. Parce qu'inviter Stiles chez lui, alors qu'ils se connaissaient bien peu... C'était à la fois quelque chose qui lui faisait du bien et quelque chose qui l'obligeait à se sortir lui-même de sa zone de confort. Un défi consenti, voilà ce que la présence de l'hyperactif chez lui représentait.

- C'est suffisant pour un étudiant seul, fut tout ce que Jackson trouva à répondre. C'est pas cher et c'est... Bien.

Disons que s'il faisait au mieux pour ne pas relever ce qu'il savait déjà à son sujet, le souvenir ne quittait pas sa mémoire. Ainsi, l'aborder le gênait un peu, parce qu'il ne voulait en aucun cas mettre Stiles dans l'embarras ou lui donner l'impression de se plaindre de son appartement. L'idée d'en changer pour un plus grand lui avait effleuré l'esprit quelques mois plus tôt... Et cette réflexion lui paraissait d'ores et déjà dater. Dernièrement, il ne s'était pas passé grand-chose dans la vie de Jackson mais celui-ci avait l'impression qu'une éternité s'était écoulée... Sous la forme d'une vague qui l'avait écrasé et maintenu sous les flots des semaines durant. Si le blond ne se considérait pas comme sorti d'affaire, il devait avouer que sa façon de penser avait commencé à changer – en bien, fort heureusement.

- Et encore, tu peux facilement en caser un ou deux de plus... C'est bien agencé, fit Stiles en observant maintenant la petite cuisine d'un air concentré.

Jackson se demanda s'il devait y voir un sous-entendu ou non... Mais Stiles ne semblait pas être du genre à demander quoi que ce soit de spécifique. La preuve en était qu'il l'aidait régulièrement sans jamais insinuer quoi que ce soit, sans rien sembler quémander en retour. Il n'avait pas l'air d'être ce genre de personnes, en tout cas – et Jackson l'espérait. Car s'il n'était pas du genre à se laisser faire, il avait parfois un peu de mal à voir lorsque l'on se jouait de lui. Il avait un petit côté naïf fortement lié à son manque d'assurance et de confiance en lui, ce qui le mettait parfois dans des situations dont il ne devinait l'issue négative que lorsqu'il était trop tard. Et pour cette fois, il essayait véritablement de se méfier ne serait-ce qu'un peu, histoire de ne pas foncer dans un mur... Sans y arriver pour autant.

Stiles lui donnait et ce, depuis leur rencontre, envie de s'ouvrir. De bousculer certaines de ses habitudes. De le chercher. De lui faire plaisir.

Et pourtant, ce n'était même pas un ami.

- Bon, reprit le châtain, j'espère que tu prévois assez. Tu ne pourras pas me séduire sans conquérir mon ventre, et j'ai de la réserve.

Ces mots couplés à cet air sérieux détendirent instantanément Jackson. Ils ne se connaissaient peut-être pas beaucoup mais cette façon de parler faisait partie intégrante de leurs interactions... Depuis leur rencontre, tout simplement. N'était-ce pas de cette façon que Stiles l'avait abordé, dans ces fameuses toilettes ? Jackson ne le dit pas, mais il était véritablement heureux de constater sa guérison rapide. Le fait qu'il n'ait pas l'air d'avoir subi davantage de violence le rassurait également. S'il aimerait bien savoir ce qu'il s'était passé pour qu'il soit blessé ce jour-là, Jackson garda le silence sur ce sujet également. Si la présence de Stiles à l'intérieur de son appartement parce qu'il avait accepté son invitation à dîner était un fait, ils n'étaient pas intimes pour autant – bien au contraire.

- Est-ce que tu es du genre compliqué ? S'enquit Jackson d'un air qui se voulait désinvolte.

- Pas quand mon ventre est rempli, répondit innocemment Stiles en laissant ses doigts courir sur le plan de travail, le regard rivé sur la préparation de son hôte.

Car si Jackson lui avait vendu un repas des plus simplistes, il avait décidé de faire un peu mieux – son ego le réclamait. Pas qu'il veuille épater Stiles... Juste lui proposer quelque chose de bien.

Et son omelette lui semblait plus qu'acceptable. Visuellement, il la trouvait pas mal : restait maintenant à savoir si elle avait aussi bon goût que son apparence le laissait supposer. Jackson ne se considérait pas comme un excellent cuisinier mais s'il était encore en vie et s'il mangeait chaque jour avec un minimum d'appétit, cela signifiait tout simplement qu'il n'était pas mauvais en la matière. En somme, il n'empoisonnerait pas son invité.

- Il le sera, lui assura Jackson, un faux sourire confiant collé au visage.

Il fit au mieux pour dissimuler sa gaucherie derrière des mouvements minimes et mesurés, histoire que Stiles ne se rende pas compte de son manque d'assurance. Et si sa tentative échoua, l'hyperactif eut la décence de ne pas le relever... Comme il le faisait depuis le départ.

Parce que si Jackson s'efforçait de ne pas lui montrer que sa situation l'avait perturbé, Stiles faisait de même depuis leur rencontre, faisant au mieux pour ne pas lui faire sentir que ses angoisses, il les voyait clairement. Multiples, elles étaient imprégnées dans chacun des gestes du blond, de ses regards, de sa façon si particulière de le détourner pour retrouver un semblant de contenance.

Entre eux, c'était un accord inconscient, voire tacite. On se cherchait, on se parlait. On se respectait, on se taisait.

Jackson finit par éteindre le feu et lui dire d'aller s'assoir après avoir passé une main dans ses cheveux d'or. 

59 MinutesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant