Chapitre 12

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Stiles lui faisait l'effet d'un chaton. Un petit animal vif qui disparaissait dès que l'on détournait le regard et que l'on peinait à retrouver sitôt l'absence remarquée. Dans l'enceinte dantesque de l'université, autant dire que la tâche reprenait fort bien l'expression « chercher une aiguille dans une botte de foin ». Concernant Stiles, la difficulté était véritablement équivalente et ça, c'était une chose que Jackson constatait depuis quelques temps, depuis... Que le châtain lui avait naturellement proposé – imposé – le fait de l'emmener à l'université et, une fois la fin des cours venue, de le ramener chez lui.

Sa voiture à lui, elle n'avait pas bougé, toujours garée dans l'un des parkings de l'université. Chaque fois que Stiles abordait le sujet, c'était pour lui dire la même chose : qu'il n'avait pas encore eu le temps de se pencher dessus – et Jackson le croyait. Stiles lui apparaissait toujours de la même manière, à savoir énergique et fatigué. Il avait toujours ce bagout magistral, cette propension à la parole qui semblait ne pas connaître de limite. Son esprit restait d'une vivacité à toute épreuve. Mais il y avait son corps qui, lui, fatiguait. Jackson lui avait trouvé la posture raide, ce matin-là, lorsque le châtain était venu le chercher... Et il avait décelé la grimace que Stiles, après avoir remis sa ceinture, avait brièvement esquissée. Il ne lui avait identifié aucune nouvelle blessure qui puisse être due à une bagarre quelconque et celles qu'il avait déjà ressemblaient à de futurs souvenirs tant elles étaient véritablement moins marquées. Et elles levaient doucement le rideau, découvrant un visage lisse et sans véritable défaut, d'une finesse étonnante en décalage avec le personnage que semblait être Stiles.

Et même si Jackson n'était pas prêt à se l'avouer, il aimait ça. Cette complexité à laquelle il faisait face et qui, loin de lui faire, peur, suscitait chez lui un intérêt certain. Stiles n'était pas une personne dont il désirait oublier l'existence – pas pour l'instant, en tout cas. Pourtant, Jackson n'était pas homme à apprécier les contacts sociaux, les discussions à rallonge ou l'ouverture à de nouvelles amitiés. Autrefois, peut-être. Mais le temps avait passé et lui avait construit une carapace particulière. Elle ne faisait pas de Jackson un dur à cuire, plutôt un solitaire qui faisait désormais attention à se préserver un minimum. L'humain ne lui faisait pas peur à proprement parler... Disons que, par la force des choses, il avait fini par s'en détacher. Sa dépression, sur laquelle il ne posait pas toujours les mots, la réfutant tout autant qu'il l'acceptait selon les moments, s'était attelée à modeler sa vie de façon à l'isoler de tout et de tout le monde.

Alors pourquoi Jackson désirait toujours que son visage finisse par entrer dans son champ de vision ? Parce que Stiles était lumineux – ça, c'était une chose qu'il ne nierait pas tant elle était évidente. Lumineux malgré ses ombres, cette condition qui le gênait mais qu'il ne cachait pas, cette vie sur laquelle il ne s'épanchait pas en sa présence. En ce sens-là, Jackson l'admirait...

... Tout autant qu'il ressentait l'envie de passer plus de temps avec lui, le besoin d'apprendre à le connaître. Et puisque sa voiture était toujours en panne, il était clair qu'il ne manquerait pas d'occasions pour parvenir à ses fins – en tout cas, tout dépendrait du moment où Stiles pourrait jeter un coup d'œil à sa voiture. Mais ses plans changeaient souvent ce qui, d'un autre côté, embêtait quelque peu Jackson. Si l'on pouvait dire qu'il commençait à apprécier Stiles, cela ne voulait pas pour autant dire qu'il était complètement à l'aise avec lui. L'hyperactif restait une connaissance, pas plus. Une connaissance dont il était littéralement dépendant pour venir à l'université. Quoiqu'il avait d'autres alternatives, la marche, le bus... Ce qui, en ce temps refroidissant, n'était pas le must. Car Jackson se connaissait : s'il attrapait froid et qu'il tombait malade, le côté vicieux de son esprit y trouverait là une excuse pour mettre un terme à ses résolutions récentes – notamment cesser d'aller à l'université, se laisser aller... Retomber dans ses travers silencieux. Au départ, il se dirait qu'il ne s'agirait que d'une fois, une exception. Et puis il cèderait à la facilité, ne ferait que procrastiner, jusqu'à tout abandonner, encore.

59 MinutesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant