Uda - TOME 2

Chapitre un

❝ Soupçon ❞

OMNISCIENT

Ibrahima frappe le mur si près de la tête de Fanta qu'elle pousse un cri.

─ PUTAIN ! Cette sale pute de Noûr j'te jure qu'elle est pas prête pour c'que j'vais lui faire.

─ Ouais ben faudrait déjà qu'on la trouve... murmure Fanta.

Elle jette un coup d'oeil rapide à Ibrahima pour vérifier qu'il ne l'a pas entendu mais il est déjà en train de la fusiller du regard. Elle tourne la tête.

Les affaires vont de plus en plus mal. Sultan avait bien laissé de l'argent à Ibrahima au cas où quelque chose lui arriverait mais les ressources s'épuisent petit à petit et les gens se désintéressent de plus en plus du fight park. Lamine sait que Sultan le gérait, il a donc demandé à tous ses contacts, et aux contacts de ses contacts de se retirer. C'est allé vite et maintenant, ils sont fauchés. Fanta pense même à mettre faux bond à Ibrahima et retourner vers Lamine qui a l'air de mieux gérer ses affaires. Le seul problème, c'est Sultan. Car même s'il a disparu, Fanta est convaincue qu'il reviendra à un moment. Elle se demande parfois si ce n'est pas juste un test pour voir si Ibrahima et elle pourraient gérer sans lui. Sauf que là, le test est un peu trop long. S'il a vraiment disparu, elle n'a pas intérêt à être son ennemie à son retour. Et puis Lamine, comment pourrait-il reparler à Fanta après qu'elle ait choisi d'aider Sultan ? Elle ne sait plus où aller, à qui faire confiance, qui pourrait l'aider. Elle reste avec Ibrahima en attendant de trouver mieux que son unique job au Restaurant du Ciel. Aller travailler, rentrer chez soi et ne dépenser qu'en week-end, ce n'est pas une vie qui lui convient. Elle a souvent peur, mais elle préfère ça à l'ennui.

─ Continue toi. Comme tu penses que je blague.

─ Sérieux, qu'est-ce qu'on en a à foutre d'elle ? On devrait retrouver Sultan au lieu de se concentrer sur elle.

─ C'est ce qu'il nous a demandé, donc on s'en occupe.

─ Ouais mais c'était avant qu'il s'évapore dans la nature. Je pense que là, les priorités ont changé.

Ibrahima soupire. Hors de question de laisser Fanta avoir raison, mais on ne peut pas lui donner totalement tort. Quand ils ont débarqué à l'hôpital et que Sultan leur a raconté ce qui venait de se passer, il a demandé de retrouver Noûr et de « s'occuper discrètement de son cas » ce qui, pour Ibrahima, est très clair. Il a dit à Fanta de sortir deux minutes et Ibrahima s'est approché.

─ Je vais partir quelques semaines. M'appelle pas, j'ai des trucs à faire. Demande juste à Djbril de m'envoyer une loc pour dans deux jours.

─ Combien de temps à peu près la loc ?

─ 3 semaines.

─ Calmé. On fait comment pour Lamine ? Il sait que c'est toi, l'info a fuité. Il va se retirer.

─ T'inquiète pas pour ça, gérez bien le business en attendant le reste on voit quand je reviens.

Ibrahima le trouvait étrangement calme et ça lui faisait peur. Ses inquiétudes ne font que ça s'agrandir car les trois semaines sont en train de devenir trois mois.

AMALIAH

Cela fait 3 mois que je n'ai pas eu de nouvelles de Sultan. Et même si je ne l'avouerai jamais à voix haute, cela fait trois mois que je pense tous les jours à lui. Est-ce qu'il va bien ? Est-ce qu'il mange correctement ? De mon côté, je n'ai plus besoin de m'en faire pour mon poids. J'ai fondu comme neige au soleil. Je me demande parfois si Jaro est fier de me voir être régulière à la salle de sport ou s'il se doute que derrière ces kilos en moins se cache un chagrin immense. Je fais de mon mieux pour le masquer et j'essaye de ne pas en vouloir à ma mère de ne pas aborder le sujet. Elle me connaît bien, elle sait à quel point je tiens à Sultan. Pourtant, elle évite le sujet comme la peste. Quand on a su qu'il n'était plus à l'hôpital, les nouvelles vont vite à Cité Soleil, elle m'a demandé si je comptais aller le voir. Elle pense qu'il est dans sa nouvelle maison mais ça me semble trop simple. Le 77, ce n'est pas si loin. S'il est si proche, pourquoi est-ce qu'il ne donne aucun signe de lui ? Je n'ose rien demander à Ibrahima. Je n'en ai plus le droit. Pas après ce que je fais ce 31 décembre. Nous sommes en mars et son nom n'a pas été prononcé à la maison depuis. Cette maison qui était un peu la sienne avant tout ça. Avant le « petit » cambriolage, avant Inès, avant la mort de Seada... les dernières années ont été mouvementées. Ma seule préoccupation était mon bulletin scolaire. Puis me voilà à devoir perdre du poids et quelques mois plus tard à en perdre par tristesse. On m'a parlé des kilos d'amour, je suis entre les deux. Jaro me fait manger, Sultan recrache tout ce qui a été ingurgité. C'est une bataille entre les deux hommes qui dure depuis trop longtemps déjà. En juillet quand Sultan m'a brisé le coeur et que Jaro a tenté de recoller les morceaux, en octobre quand j'ai compris que je les aimais tous les deux d'une manière ou d'une autre, aujourd'hui maintenant que je dois définitivement oublier Sultan. C'est une guerre dans la tête, dans le coeur et dans l'estomac. Je prends sur moi. Sultan m'a blessé et je l'ai blessé en retour en refusant cet appel. C'est terminé. Mais Jaro est encore là et je saurai le faire rester.