Viri(di) Aurum

Aurore

C'était la troisième fois cette semaine que Drago se réveillait dans une chambre inconnue. A ses côtés cette fois-ci se trouvait une fille blonde endormie. La pièce était luxueuse, les rideaux couleur or cachant à peine les premiers rayons du soleil. Il n'était pas chez n'importe qui, sûrement la fille de quelqu'un de très fortuné. Elle n'avait cependant que peu d'importance à ses yeux, car il était incapable de se rappeler son prénom. Drago se leva sans bruit, ramassa ses affaires et sortit rapidement de la chambre. Il ignora les bonnes et femmes de chambre murmurant sur son passage en gloussant. Les rumeurs à son sujet allaient déjà bon train. Une de plus ou une de moins...

La lumière du jour l'aveugla, il n'avait aucune idée d'où il était exactement et de l'heure. Définitivement dans la partie riche de la ville pensa-t-il lorsqu'il observa les alentours. Les villas se succédaient, toutes richement décorées et rivalisant d'opulence. Le soleil entamait son ascension, les rues étaient encore vides. Il pouvait échapper au regard de la foule s'il se dépêchait et éviter ainsi d'apporter plus de honte sur sa famille à cause de son mode de vie "frivole et scabreux" selon les dires de son père. Drago accéléra le pas en baissant la tête. Seules des bribes de sa soirée d'hier lui restait. Il avait bu, beaucoup, fit valser quelques demoiselles pour la bienséance et avait ensuite trouvé refuge dans les bras d'une nouvelle conquête.

Drago Malfoy était considéré comme le meilleur parti de la région. Sang noble, plus d'argent qu'il n'en aurait jamais besoin et un physique à faire tourner les têtes. Il était considéré froid, égocentrique et vaniteux, et pour rien au monde il ne l'aurait nié. Grâce à cette réputation, peu de personnes osaient l'approcher. Détesté des hommes et des mères de bonnes familles, son attrait pour la gente féminine était néanmoins connue de tous. Les jeunes filles rêvaient que Drago Malfoy les regardent, leurs parents priaient pour qu'elles ne croisent pas son chemin avant qu'il ne décide de se marier. Car oui, Drago était le meilleur parti de la région, mais aussi le plus inaccessible. Maintes fois on lui avait présenté des jeunes filles agréables, bien élevées, filles de ducs et marquis dans l'espoir d'un mariage avantageux. Il avait toujours refusé. Son père avait même menacé de le déshériter lorsqu'il refusa la main d'une princesse d'un pays voisin à peine une semaine plus tôt. Mais Drago n'en avait que faire, il préférait la débauche et la luxure à une femme qui lui aurait été imposée dans le seul but de rendre sa famille plus riche et de pondre des héritiers. Il désirait plus, il méritait plus.

Il aperçu enfin le manoir familial, toujours aussi sobre, toujours aussi peu accueillant. Comme il détestait cet endroit, son atmosphère et les gens qui y habitaient, souvent lui compris. Drago entra, monta les marches en silence et se réfugia dans sa chambre. Il avait de la chance, personne n'était encore levé. Il pourrait très bien prétendre être rentré tard dans la nuit et avoir dormi dans son lit, évitant un nouveau scandale dès le petit-déjeuner. Il s'allongea dans ses draps émeraude encore tout habillé essayant de chasser son mal de crâne. Comme tous les jours, il contempla sa vie et ses choix, essayant de déterminer comment survivre à une nouvelle journée. Aux yeux de tous, il avait la vie rêvée, tous l'admiraient, le craignaient et l'enviaient. Ils voulaient être lui, alors que Drago ne souhaitait que s'échapper. Il aurait tout donné pour vivre autrement : son nom, son statut, sa richesse... Sa "chance", acquise par la nature de son sang, il s'en serait bien passée. Mais une cage dorée reste une cage. Sa liberté, voilà ce qu'il voulait vraiment.

Quelques heures plus tard, après s'être lavé et changé, il rejoignit la salle à manger, saluant ses parents à son entrée. Il entendait les domestiques s'affairer en cuisine. Aussitôt assis, on lui apporta une tasse de café et des assiettes chargées de différents plats, semblant plus délicieux les uns que les autres. Sans lever les yeux de son courrier, Lucius Malfoy l'interpella :

- As-tu dormi ici ?

- Oui.

- Quand es-tu rentré ?

- Quelques heures après vous.

Son père lui lança un regard meurtrier : es-tu en train de me mentir ?

- Non, répondit Drago en soutenant son regard quelques secondes, avant de baisser les yeux.

Alors que le visage de son mari commençait à se tordre dans une expression de colère, Narcissa Malfoy pris la parole.

- Drago, tu as dansé toute la soirée avec la fille du comte de Greengrass, Astoria il me semble, comment la trouve-tu ? Elle est très belle, vous feriez de très beaux enfants.

-Oui mère.

Astoria, oui il se souvenait d'elle à présent. La blonde du matin même. Plutôt jolie en effet, de nombreux "atouts" indéniables et des talents très particuliers et ...appréciables.

- Sa famille est très influente, repris sa mère. J'espère que tu la traitera décemment.

Oh, décente, ce n'est pas l'expression que Drago aurait choisi pour décrire Astoria pensa-t-il en se repassant les événements de la nuit précédente. Même s'il était amusé, il n'en montra rien à ses parents.

- Bien-sûr.

Son père se leva après avoir avalé le contenu de sa tasse d'un trait.

- Tu es attendu ce soir à la demeure Zabini pour le bal à l'occasion des fiançailles de Lady Zabini. Ne sois pas en retard.

Lucius Malfoy quitta la pièce sans plus de cérémonie.

Drago se tourna vers sa mère : Encore ? Combien d'hommes va-t-elle épouser ?

- Drago ! C'est le genre de commentaire que tu seras prié de garder pour toi ce soir. Mais oui, encore, c'est le septième. Ou bien le huitième, j'ai perdu le compte, répondit-elle avec un clin d'œil pour son fils.

Drago lui sourit. Narcissa Malfoy était belle, gracieuse, douce. Malgré la froideur qu'elle dégageait aux premiers abords, elle était la personne la plus gentille que Drago connaissait. Elle faisait fondre le cœur de glace de Drago en un regard. Elle était sa source de chaleur dans ce manoir lugubre.

Son petit-déjeuner terminé, il se leva, déposa un baiser sur le haut de la tête de sa mère et se dirigea vers la porte.

- Ne sois pas en retard ou ton père sera furieux ! Lança-t-elle.

- ... pour changer, grommela Drago. Et il quitta la pièce.