Blâme

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Sa vision était floue, sa tête tournait. Le monde de Drago ne se résumait désormais qu'à cette porte. Déchiré, il ne pouvait qu'observer son père se diriger vers elle, sa canne tintant à chacun de ses pas sur les pavés. Tout semblait se passer au ralenti et il était incapable de bouger. Qu'aurait-il fait de toute façon ? L'aurait-il arrêté ? Le pouvait-il ? Le voulait-il ? Il avait l'occasion de la revoir, de s'excuser. Mais Lucius ouvrant cette porte signifiait la ruine d'Hermione et de sa famille. Le jeune Malfoy ne pouvait tolérer lui apporter tant de malheur.

Il reprit ses esprits, mais trop tard, trois coups venaient d'être frappés à la porte. Impuissant, il vit apparaître dans un grincement un grand homme mince et barbu essuyant ses mains couvertes de farine sur son tablier. Drago vit son teint rouge perdre toute sa couleur. Il balbutia :

- M... Monsieur Malfoy, je n'attendais pas votre visite.

Il se racla la gorge et continua face au silence de son interlocuteur :

- Souhaitez-vous entrer ? articula-t-il tout en se reculant, jetant un regard alarmé à Drago.

Pour seule réponse, Lucius passa le pas de la porte en faisant signe à son fils de le suivre.

- Monica ! Nous avons des invités, appela le boulanger.

En entrant dans la bâtisse, l'odeur de pain frais empli les narines du jeune homme. La maison était petite et sobre, mais chaleureuse. Tout l'inverse de ce qu'il avait connu. Il pouvait imaginer sans mal une jeune Hermione arpentant les lieux, grandir paisiblement entourée de ses deux parents. Elle dégageait et répandait aujourd'hui la même douceur et la même chaleur que cette maison.

Drago ne se sentait pas à sa place, il avait l'impression de violer son intimité. En même temps, il se nourrissait de chaque chose, de chaque détail sur lequel se posait son regard. Les photos, les bibelots... Tout. Cet endroit respirait sa présence.

Les Granger invitèrent les deux hommes à s'asseoir à la table et s'installèrent prudemment en face d'eux. La tension était palpable, la venue du duc ne présageait rien de bon. Drago avait tous ses sens en alerte : où était-elle ? Dans sa chambre ? Sortie ? Il voulait la voir, encore une fois, mais les conséquences de sa présence ici la briserait. Ils seraient peut-être partis avant qu'elle revienne. Lucius brisa le silence pesant, sortant Drago de son tourbillon de pensées.

- Je pense que vous connaissez les raisons de ma venue.

- Monseigneur, nous sommes vraiment désol...

- Vos excuses ne paieront pas vos dettes, le coupa-t-il.

Il se tourna vers son fils :

- Drago, montre-moi que tu peux gérer cette affaire.

Le blond dégluti difficilement.

- Monsieur et Madame Granger...

Il n'eut pas le temps d'en dire plus, une tornade de boucles brunes venait de débarquer dans la pièce.

- Maman, je n'ai pas trouvé le...

Sa phrase mourut sur ses lèvres lorsqu'elle croisa le regard de Drago. Il y vit du soulagement et de la joie, puis de la colère et de la déception, pour finalement garder une expression d'incompréhension.

- Que se passe-t-il ? dit-elle en regardant chaque membre autour de la table les uns après les autres.

- Hermione, répondit sa mère, nous recevons la visite du duc Malfoy et de son fils. Assieds-toi.

Confuse, la jeune fille s'exécuta.

- Drago, reprenons je te prie, siffla Lucius, désireux d'en finir.

- Hmm, et bien..

Le regard d'Hermione fixé sur lui le désarmait totalement. Il aurait préféré qu'elle rentre plus tard finalement, elle rendait les mots tellement plus difficiles à sortir. Néanmoins, le pied de son père tapant sur le sol d'impatience ne lui laissait aucun choix. Il détacha ses yeux de sa bien-aimée pour les fixer ailleurs. Partout, nulle part, peu importe... mais pas sur elle. Tel un robot, il articula :

- Votre dette envers la famille Malfoy est restée impayée ce mois-ci, tout comme celui d'avant. Si vous êtes dans l'incapacité de nous régler cette somme totale aujourd'hui, nous serons dans l'obligation de vous demander de quitter les lieux immédiatement.

La mère d'Hermione étouffa un sanglot. Drago reprit, contrôlant sa voix et évitant toujours le regard de feu de la jeune femme qui se faisait de plus en plus persistant :

- Vous serez autorisés à préparer et emmener quelques affaires, mais le bâtiment et son mobilier, ainsi que tout objet jugé de valeur par le propriétaire des ces terres, seront saisis en gage de remboursement de loyer.

Après sa tirade, plus personne de dit mot. On pouvait entendre Monica Granger pleurer doucement. Après ce qui sembla durer une éternité, le chef de la famille Granger prit la parole :

- Vous savez que le gel ne nous a rien épargné cette année. Les récoltes ont été mauvaises. Sans blé, impossible de produire de la farine, et sans farine, on ne peut pas confectionner de pain. Je vous demande un peu d'indulgence Monseigneur. Laissez-nous plus de temps, je trouverais une solution.

- Vous avez épuisé vos chances monsieur Granger, répondit le duc, je ne peux pas vous accorder une minute de plus. Apportez-nous la sommes requise immédiatement ou quittez les lieux sur le champ.

- Ne nous mettez pas dehors, je vous en supplie ! Ma famille... Où iront-nous ?

Sa voix se déchira, il tomba à genoux, implorant Lucius.

- Drago, je ne pense pas que ces quatre murs suffiront à rembourser leur dette, trouve-moi quelque chose de précieux.

Le sourire de son père donna la nausée à Drago. Un homme le suppliait, et il s'en délectait. Malgré cela, il se leva pour obéir. Il ne savait pas où il allait, mais il voulait s'éloigner des lamentations des boulangers. Il ouvrit une porte au hasard et s'y engouffra, prenant bien soin de la refermer derrière lui. Enfin, les pleurs s'étouffèrent et il put prendre une grande inspiration. La cannelle et la vanille lui firent tourner la tête. Évidemment, il était entré dans sa chambre. Était-ce le destin ou cherchait-il toujours la présence d'Hermione inconsciemment ?

- Tu ne trouveras rien de précieux ici.

Il se retourna rapidement pour la dévisager. Il ne l'avait pas entendue entrer.

- Même lorsque tu penses trouver quelque chose de beau, un trésor, ce n'est jamais ce que tu crois. Cela peut cacher un monstre lâche et arrogant, venu t'expulser de chez toi, cracha-t-elle.

Ses yeux noisette lançaient des éclairs, et Drago fut brisé d'y voir autre chose que de l'amour.

Il savait. Avant même d'entrer dans sa maison, il savait comment tout cela allait se terminer, il savait qu'il finirait par lui faire du mal. Il aurait pu faire quelque chose. Si seulement il était moins terrifié.

Sa vie lui échappait, encore, et il aurait voulu mourir aussitôt.



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⏰ Dernière mise à jour : Sep 24, 2024 ⏰

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