Chapitre 9

43 5 8
                                    




Il ne répondait pas tout de suite à ma question, ce qui me donnait encore plus envie qu'il le fasse. Plus la route se révélait longue, plus sa réponse me démangeait. Comment avait-il fait pour être au bon endroit au bon moment ? Il y avait forcement une raison à cela, mais aussi insignifiante soit-elle, j'avais besoin de la connaître.

- Bill ?

- Je devais faire un truc avec un pote. Répondit-il, le visage fermé.

- Ah d'accord.

Il me faisait comprendre que mon insistance le dérangeait. Il y avait des choses qui devaient rester dans son jardin secret je suppose. Je le trouvais bizarre ce soir là, il y avait quelque chose qui n'était pas comme d'habitude, je l'avais vu quand il se battait avec ces gars là. Il semblait complètement hors de son corps, comme si l'adrénaline avait libéré tout l'espace pour son démon intérieur.

Nous arrivions finalement devant un immeuble ma foi assez charmant. Il sortit ses clefs de sa poche te je lui emboitais le pas jusqu'au deuxième étage. Les lumières du hall s'allumèrent sur notre passage et je pouvais maintenant voir pleinement son visage meurtri par les coups, sa lèvre fendue sur  le côté droit et les coulures de sang qui commençaient à sécher, son bleu sur la pommette et ses yeux rougis qui épousaient parfaitement le noir de ses iris. Ils étaient injectés de sang.

- C'est là. Dit-il après une longue déambulation silencieuse. Bienvenue chez moi.

- Tu vis tout seul ?

- Oui. On a envisagé de prendre un appart ensemble avec Tom mais il ramenait beaucoup trop de filles chez lui donc je te cache pas que quand on a décidé de faire chambre à part, j'ai pas eu trop de mal à m'habituer au silence la nuit. Répondit-il en riant.

- Effectivement j'ai cru comprendre qu'il avait pas mal de succès à la fac.

- C'est rien de le dire, de nous tous je pense que c'est celui qui a la vie sexuelle la plus remplie et chaotique à la fois. Je sais pas par quel miracle il n'est toujours pas mort de la syphilis.

- Il vit dans le quartier ?

- Ouais il est pas très loin, même si on avait tous les deux besoin de notre indépendance, ça reste mon frère et je me voyais pas déménager trop loin de lui. On passe encore beaucoup de temps l'un chez l'autre en plus des sessions musicales.

- Je comprends.

Je parcourais du regard tous les recoins de son appartement, légèrement désordonné mais quand même assez propre. Mise à part une légère odeur de cigarette refroidie, l'air me semblait sain. Sur les étagères du salon trônait fièrement des sortes de trophées, j'en reconnaissais trois des Victoires de la musique 2006, j'en déduisais donc que les autres aussi devaient être des récompenses de ce type. Il y avait aussi pas mal de cadres photo de son frère et lui, et certaines du groupe tout entier.

- Tu devrais prendre une douche, ça te fera du bien je pense. Me conseilla-t-il en posant ses clefs sur le meuble de l'entrée, et en se retournant vers moi. La salle de bain se trouve au fond du couloir.

- Je vais y aller, merci.

J'entrais dans la salle de bain et me regardais longuement dans son miroir avant de trouver la force de commencer à me déshabiller. Après avoir enlevé mon manteau, je sentais les débuts d'une crise d'angoisse émerger en moi, je me sentais observée, comme si mes agresseurs se trouvaient juste derrière moi prêts à me bondir dessus. J'essayais de calmer ma respiration en plaquant ma main sur ma bouche, pour ne pas que Bill m'entende. Lorsque j'arrivais enfin à me calmer, je me mis à fredonner une chanson pour me maintenir au calme. Ce n'est qu'un quart d'heure plus tard que je commençais à faire couler l'eau de la douche. Elle eu un effet apaisant. Même s'ils n'avaient pas eu le temps de toucher mon corps, une partie de moi se sentait entachée. Un peu sale. Alors que je savais au fond de moi que je n'avais aucune raison d'avoir honte, que rien de tout cela n'était de ma faute, mais c'était plus fort que moi, je ressentais et m'appropriais la culpabilité qu'ils n'auraient jamais la dignité d'assumer eux même. On dit toujours aux femmes de se rappeler que ce n'est pas leur faute quand elles subissent ce genre de violence, mais c'est comme à peu près tout : on est capable de se mettre à leur place que quand on y est sois même. Le reste, ce n'est que de l'indifférence déguisée en empathie.

J'ai capturé ta mélodieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant