17. Jeu dangereux

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J'ai toujours su qu'au fond de moi quelque chose s'était éteint ce jour-là.

Comment pouvait -il en être autrement lorsque l'on voit son monde s'écrouler devant soi ?

Lorsque l'on voit les espoirs que l'on avait bâtis en autrui s'effondrer en l'espace d'une fraction de seconde.

Lorsque l'image d'un parent que l'on se faisait se voit s'écrouler par la réalité.

Il ne reste plus rien à ce moment-là, si ce n'est ce que le cœur n'a jamais su prononcer.

Rejeté par les seuls mots jamais prononcés, 

les larmes.

J'ai haï mon père.

Plus que quiconque je n'avais jamais haï auparavant.

Pas seulement pour les coups qu'il avait laissés physiquement et mentalement à ma mère. Cela en faisait partie certes, mais ce pourquoi je lui en ai voulu relève de ce qu'il a détruit.

Cette image que j'avais de lui.

Celle d'un père prêt à tout pour voir sourire ses enfants. Aussi éphémère avait elle était, elle était restée intacte dans ma mémoire. A l'image d'un souvenir que l'on se répète souvent pour ne jamais l'oublier.

La nuit de son départ, l'ambiance n'avait jamais été aussi calme. C'est comme si les animaux crépusculaires avaient choisi de partir avec lui. Abandonnant l'habitude du hululement des hiboux.

Il ne s'était pas retourné pour nous dire au revoir, il n'avait pas énoncé un seul de ses regrets à travers un quelconque regard.

Il n'y avait rien.

Il était comme dénué d'humanité, animé seulement par la colère.

Il détenait une haine si grande en lui qu'elle ne pouvait que déborder et ravager quiconque se trouvant à proximité.

Parfois il m'arrive de penser que c'est dans cela qu'il a laissé son héritage. Que c'est dans cela que je me nourris pour créer de l'art.

La rage et la colère semblent crouler dans mon sang.

Enlevez moi cela et je ne suis qu'une toile blanche. Sans intérêt et qui ne nécessite aucunement la contemplation.

-Liv tu veux aller manger dehors ? C'est la voix de mon frère que j'entends.

Je sors de ma phase dans laquelle je me noie ces derniers temps et décline poliment.

Je n'ai pas la tête, ni l'envie de sortir.

Cinq jours sont passés depuis la fameuse nuit où j'ai reçu le bouquet. Je pensais tenir le coup mais les insomnies et les crises de paranoïa se multiplient.

J'ai l'impression de voir le mal absolument partout, d'être suivie peu importe l'endroit où je mets les pieds.

Même entre les quatre murs de ma chambre, en sécurité je ne me sens pas.

J'ai cette impression d'être devenue une coquille vide. Et malgré l'effort que j'essaie de m'imposer pour en sortir cela n'avance pas.

Me terrer ici n'arrange en rien mon état mental, j'ai cette impression de m'auto détruire, de me laisser étouffer par mes pensées.

Je bois mon passé jusqu'à m'en rendre ivre, je me remémore chacune de mes émotions, de mes réactions. C'est douloureux à souhait pourtant je ne peux m'y résoudre.

J'ai ce besoin d'assembler les pièces du puzzle, de connaître le comment.

J'ai des raisons de penser que la réponse à mes questions se trouve dans un coin de ma tête.

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